XI - Analyse des programmes de 1967-1969

Cette réforme fait référence à de multiples textes rédigés entre 1957 et 1969. Nous retiendrons ceux du 13 juillet 1967 (pour les classes de seconde, première, terminale) et du 10 septembre 1969 (pour les classes du collège). Ces programmes sont complétés par des arrêtés et des Instructions complémentaires, en 1963 et 1967 en particulier.

Niveau Place de l’archéologie
dans les textes officiels
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6e - « La vie des hommes préhistoriques » , « L’histoire »
- « L’Orient » : « Trois types de civilisations : l’Egypte, les Hébreux, un peuple de la mer (Crétois ou Phénicien) ».
- « La religion grecque ».
- « La colonisation grecque ».
- « La vie des Spartiates et des Athéniens aux Ve et IVe s. ».
- « L’Empire d’Alexandre et la civilisation hellénistique ».
- « L’Italie et ses premiers habitants. Le site de Rome ».
- « La République romaine » : « notion simples sur le gouvernement, la vie sociale, religieuse et matérielle au IIIe s. av. J.-C. ».
- « La conquête de la Gaule ».
- « Quelques figures d’empereurs. La vie à Rome et dans les provinces sous le Haut-Empire ».


- « Le déclin et la fin de l’Empire : Apparition et diffusion du christianisme. Les Barbares ».
- Voir programmes de 1957.

- Voir programmes de 1957 (la Mésopotamie et la Perse ne sont plus étudiées).

- Monuments.
- Voir programmes de 1902.
- Voir programme de 1957 en insistant sur la description de la vie des habitants : grecs (Spartiates et Athéniens), latins, romains, gallo-romains.






- L’étude des empereurs est un élément nouveau : les supports sont les statues, leurs monuments, l’épigraphie, les inscriptions lapidaires, monnaies. Pour le reste, voir programmes de 1957.
- Voir programmes de 1925.
5e - « Byzance et sa civilisation ».
- « L’Islam et la civilisation arabe ».
- « Les grandes invasions ».
- « L’Empire de Charlemagne ».
- « Les nouvelles invasions ».


- « La société féodale ».
- « L’Eglise ».
- « L’évolution de la civilisation » (Europe occidentale), « le développement économique et l’expansion des villes. La vie dans les campagnes et dans les villes […] l’art roman et l’art gothique ».
- Voir programmes de 1941.
- Voir programmes de 1957.
- Voir programmes de 1925.
- Voir programmes de 1957.
- Sites archéologiques détruits à cette époque évoquant ces invasions en Gaule.
- Pour le reste, voir programmes de 1925.
Remarque générale : le libellé des programmes est succinct. L’enseignant a une grande liberté de choix de documents.
Certaines civilisations sont bien renseignées par l’archéologie.
4e - « La Renaissance ».

- « Le « Siècle de Louis XIV », Versailles ».
- Voir programmes de 1937 et choisir des documents en France.
- Voir programmes de 1880.
3e - « Le XIXe s. jusqu’en 1914 » : « La révolution industrielle ». - Voir programmes de 1902, 1957.
2de
(A, C)
- « De 1815 à 1848 » : « Le progrès scientifique et technique, les transformations économiques ». - Voir programmes de 1902.
1re
(A, B, C, D)
- « De 1848 à 1914 » : « Les grands courants d’idées et le mouvement intellectuel, scientifique, technique » ; « Les transformations économiques ». - Voir programmes de 1957.
Term.
(A, B, C, D)
- « Les civilisations du monde contemporain » : « Définition de la notion de civilisation » (forme technique), les fondements et évolution.
- « Le monde occidental » : « la tradition gréco-romaine, la tradition chrétienne » et médiévale, « la révolution industrielle ».
- « Le monde communiste européen » : « la tradition chrétienne et byzantine, les influences asiatiques ».
- « Le monde musulman ».
Approche globale des civilisations diachroniques faisant appel à l’archéologie entre autres.
C’est la première fois qu’un programme de terminale ou philosophie fait appel à autant d’éléments archéologiques afin de produire une réflexion historique.
- Voir programme de 1957. Conception identique des programmes.

Les Instructions du 10 décembre 1954 restent toujours en vigueur. Elles font référence aux points suivants, que nous ne développerons donc pas à nouveau :

Les ouvrages des élèves, principalement de 6e et, dans une moindre mesure, de 5e présentent beaucoup de documents archéologiques utiles pour connaître les civilisations préhistoriques, égyptienne, crétoise, phénicienne, grecque et romaine : les sources sont matérielles.

Les programmes de 1967-1969 sont toujours fondés sur le concept de civilisation. Pourtant, un nouvel élément est à traiter en classe de sixième : «  le site de Rome » dans le cadre de «  l’Italie et ses premiers habitants ». L’intitulé est plus précis que dans les précédentes Instructions sur le thème des débuts de Rome. Les manuels proposent alors des documents archéologiques peu communs, les photographies d’urne funéraire en forme de maison, ou d’un fond de cabane fouillé à la fin des années 1940 sur la colline du Palatin 213 . Cela est à mettre en relation avec les autres documents archéologiques sur des forums, les monuments, la vie privée à Rome.

De plus, les éditeurs publient des documents ou des supports qui résultent de travaux récents d’archéologues. Le lien existe donc entre l’histoire enseignée et l’archéologie scientifique. Quatre exemples : le premier, déjà cité : les fouilles des habitats des VIIIe-VIe s. du Palatin. Le deuxième : l’archéologie aérienne est davantage mise en valeur dans les ouvrages scolaires, par un nombre plus important de cas : auparavant, aucun ou, en général, un ; désormais plusieurs photographies de mise en évidence de traces préhistorique, de la colonie romaine de Carthage (deux fois), de la motte de Bayenhem (de R. Agache, grand spécialiste français), une référence textuelle en introduction comme source d’information 214 Le troisième : les fouilles archéologiques de la place de la Bourse à Marseille, commencées à partir du milieu des années 1960, ou d’un chantier de fouilles 215 . Quatrième exemple : l’archéologue médiéviste M. de Boüard dirige la fouille du site de référence de Doué-la-Fontaine à partir de 1967 216 . L’intérêt est de montrer l’évolution entre l’aula carolingienne et la motte. L’édifice a été emmotté, c’est-à-dire entièrement recouvert de remblai pour former un tertre. Le Centre de recherches archéologiques de l’université de Caen est un acteur majeur des travaux sur le Moyen Age. En outre, les manuels précisent de nouveau, dans un chapitre introductif, le rôle et les sources de l’histoire 217 . C’est une tendance importante.

Soulignons aussi la contribution essentielle des publications de vulgarisation et de diffusion des connaissances archéologiques auprès du public. André Parrot publie en 1960 un livre sur Sumer et un autre en 1961 sur Assur, en Mésopotamie. C’est un grand succès : 105000 et 94000 ouvrages vendus respectivement 218 . La revue Archéologia est une réussite. Le premier numéro sort en novembre-décembre 1964. Un des articles concerne le château de Senlis. Un auteur du numéro 5, de juillet-août 1965, propose un développement sur Aléria, cité romaine de Corse. Les numéros 16 à 18 de 1967 proposent un dossier en trois parties sur les châteaux français. En février 1973, J. Thurneyssen écrit un article sur la vie quotidienne à Pompéi et A. Pelletier, en septembre 1978 sur la maison romaine à Vienne et son décor. Nous pourrions multiplier les exemples.

L’archéologie complète les sources textuelles. L’exemple de la maison romaine le montre clairement. Ce thème a plus d’importance depuis que les textes demandent explicitement d’expliquer les premiers habitats en Italie. Les documents archéologiques sont le seul moyen d’information. Il s’agit de dessins de reconstitution et de plan de la maison au IIIe s. av. J.-C. ou au Haut-Empire, de photographies d’exemples choisis à Pompéi et de décors (fresques et mosaïques) et d’éléments de mobilier. L’élève doit mettre en relation ces derniers avec le cadre urbain, toujours défini par des sources archéologiques en grande partie des photographies de monuments romains situés à Rome ou dans les provinces. Les textes sur la ville et ses habitants sont peu fréquents : Le manuel de Reynaud en contient deux sur la reconstruction, un sur l’immensité de la capitale de l’Empire, et un autre sur les difficultés de la vie quotidienne 219 . Les documents littéraires concernent en fait d’autres aspects de la civilisation romaine (politique, religieux …) et complètent la vision de l’élève.

Pour étudier le château médiéval grâce aux manuels, l’archéologie fournit l’essentiel des données au nombre 12, sur un total de 18 supports 220 . Mais nous relevons une nouveauté, la publication de sources écrites ou iconographiques : deux textes sur une motte castrale ou la construction d’un château, quatre reproductions d’une miniature et de trois parties de la tapisserie de Bayeux 221 . L’examen des manuels consultés correspondant à la réforme de 1963 n’a permis de trouver aucun document de ce genre. Cela montre une diversification des sources. L’histoire textuelle et les données archéologiques ont parfois des champs d’application cumulatifs, par exemple pour traiter des débuts du christianisme (déjà cité), de la vie quotidienne en Grèce, des mottes castrales. Mais ils se complètent toujours, d’après les documents examinés, pour comprendre la société féodale.

Notes
213.

MILZA 1970, 139 ; DEZ 1970, 177 ; GRODINSKY 1970, 115.

214.

MILZA 1970, 7 et 178 ; DEZ 1970, 23 et 234 ; AUTRAND 1970, 5.

215.

DEZ 1970, 4 et 215 ; MILZA 1970, 5.

216.

BOUARD (M. de), « De l’aula au donjon Les fouilles de la motte de la chapelle à Doué-la-Fontaine (Xe-XIe s.), in Archéologie médiévale, III-IV, 1973-1974, pp.5-110, p.10-11.

217.

DEZ 1970, 10-13 ; MILZA 1970, 6-7, REYNAUD, 1970, 7-8.

218.

PARROT 1976, introduction.

219.

REYNAUD 1970, 188-190.

220.

BERNSTEIN 1971, 55 ; GAUVARD 1971, 77 et 84-85 ; AUTRAND 1970, 44-45 et 51.

221.

BERNSTEIN 1971, 57 ; GAUVARD 1971, 77 et 84 ; AUTRAND 1970, 50.