XIII - Analyse des programmes de 1985-1988

Les programmes sont donnés par les arrêtés du 14 novembre 1985 (pour le collège) et du 14 mars 1986 et 25 avril 1988 (pour le lycée).

Niveau Place de l’archéologie
dans les textes officiels
Commentaires
6e - « Présentation sommaire de la préhistoire : la succession de ses civilisations ; leurs acquis ».
- Sensibilisation « aux méthodes de l’archéologie ».
- « La civilisation de chasseurs du Paléolithique ».
- « La civilisation de pasteurs et d’agriculteurs du Néolithique ».
- « Carte du peuplement du monde et des foyers d’agriculture ».
- Civilisation de l’Egypte : « organisation étatique », « système religieux complexe, grand art monumental ».
- Civilisation des Hébreux : « la sédentarisation en Palestine, la construction du Temple », « le siège de Jérusalem en 70 ».
- Civilisation de la Grèce classique : Athènes est le thème central. La cité de Périclès et son « rayonnement culturel ». « La démocratie athénienne ».
- Civilisation hellénistique : « développement d’une brillante civilisation urbaine », l’» épanouissement culturel (nouvelles tendances d’un art) ».
- Civilisation romaine : « la République romaine vers la fin du IIIe s. » av. J.-C. (système politique).
- « L’Empire romain (la paix romaine) ». Son organisation : « administration, réseau de voies romaines, villes, vie économique, miles ».
- « La Gaule celtique et romaine ». La conquête. Exemples « de méthode de conquête et de domination » choisis en Gaule romaine. Intégration « progressive de la Gaule au monde romain ».
- « Naissance et développement du christianisme » : « la diffusion de la foi, la vie des premiers chrétiens et l’attitude des autorités romaines », « le christianisme à l’époque de Constantin et de Théodose ».
- « La dislocation de l’Empire romain » : les « grandes migrations ».
- « Anciennes civilisations de l’Asie » : les « grands traits de civilisation de la Chine et de l’Inde ».
- Voir programmes de 1957. Mais c’est la première fois que les programmes sont autant détaillés pour la préhistoire.







- Voir programmes de 1957. Les textes officiels précisent ce qu’il faut présenter.

- Voir programmes de 1957.
Les textes précisent les éléments à analyser.

- Voir programmes de 1937.




- Voir programmes de 1957.




- Voir programmes de 1957.


- Voir programmes de 1957.




- Voir programmes de 1957.






- Voir programmes de 1925.




- Voir programmes de 1957.


- Voir programmes de 1977-1981.
5e - « Notions sur la civilisation byzantine » : « survie de l’héritage romain et hellénistique ».
- « La civilisation arabo-musulmane » : « les arts ».
- « Du royaume des Francs à la féodalité » : « la substitution des campagnes aux villes comme centres de la vie sociale », « le nouveau type d’organisation sociale autour de l’An Mil fondé sur l’existence des trois ordres -clercs, guerriers et paysans - ». L’art roman.
- « caractères originaux de la civilisation médiévale à son apogée ».
- « naissance et construction de la France » : « l’essor des ordres religieux dans le cadre rural (Cluny et Cîteaux) », « les progrès des techniques agricoles », « le développement d’une civilisation urbaine, le grand art chrétien d’Occident ».
- les institutions essentielles : l’Eglise, la féodalité.
- « L’Europe à la conquête du monde » : « les civilisations précolombiennes ».
- « Renaissance ».
- Voir programmes de 1941.
Le texte de 1985 est plus précis.

- Voir programmes de 1957.

- Voir programmes de 1925.







- Voir programmes de 1957.

- Voir programmes de 1957. L’étude du Moyen Age est approfondie. Elle dépasse même le cadre des programmes de 1957.






- Voir programmes de 1977-1981.


- Voir programmes de 1937.
4e - L’absolutisme.




- « L’Europe du XIXe s. et son expansion » : « Les progrès scientifiques et techniques : la révolution industrielle ».
- L’analyse des monuments doit montrer le sens de l’absolutisme et son organisation et non plus les arts, ce qui était le cas dans les programmes précédents.
- Voir programmes de 1957.
3e - Aucun élément.  
2de - « Economies, sociétés et nations en Europe » : « La révolution industrielle » (« système charbon-vapeur-fer-textiles »).


- « L’Europe et le monde » : « L’exploration avec les contacts avec les civilisations extra-européennes : présenter les traits essentiels de l’une des civilisations (Chine, Inde) ».
- Voir programmes de 1957. Les Instructions font référence aux documents provenant du patrimoine archéologique industriel et rural en citant l’écomusée du Creusot.
- Voir programmes de 1977-1981.
1re
(A,B,S)
- « Des années 1880 à 1919 : la naissance du XXe s. » : « La deuxième révolution industrielle », les aspects matériels (nouvelles techniques et nouvelles énergies). - Voir programmes de 1957.
Term. - Aucun élément.  

Le concept de civilisation, déjà fortement présent dans les programmes d’histoire, en particulier depuis 1957, est très développé dans ceux de 1985. A cette date, les compléments affirment «  que la notion de civilisation donne la cohérence au programme ». L’objectif est l’identification de celle-ci par ses grands traits.

L’archéologie apporte des réponses significatives lorsqu’il est demandé au professeur à définir «  les éléments matériels et spirituels » caractéristiques. Elle prend toujours une part considérable à l’enseignement des civilisations préhistoriques, égyptienne, grecque, romaine. L’étude de la préhistoire devient plus détaillée qu’auparavant. L’enseignant montre l’homme au cours des grandes périodes du paléolithique et du néolithique. Dans l’ensemble, la place de l’archéologie dans les programmes de 1985 apparaît importante, plus forte qu’en 1977-1981.

L’utilisation de références locales est toujours demandée pour appliquer le programme : les vestiges locaux pour étudier la Gaule romaine en 6e, le patrimoine monumental en 5e. Les Instructions sont très claires à ce sujet : l’élève doit établir «  un contact direct avec le document. La visite d’un musée, d’un site archéologique, l’examen méthodologique d’un paysage réel […] développent chez l’élève l’aptitude à l’observation ». Nous pouvons comprendre «  par paysage réel » un monument, des bâtiments historiques de diverses époques, à faire découvrir à l’aide d’un spécialiste éventuel. C’est l’archéologie monumentale. Les Instructions précisent que la visite ou la sortie doit être soigneusement préparée et trouver en classe un prolongement immédiat. La mise en oeuvre devant les élèves est en général plus longue ; il faut leur laisser le temps de la découverte et de la compréhension, comme le rappellent déjà les programmes de 1957.

Nous constatons encore la complémentarité des champs des données archéologiques et des sources textuelles sur les chapitres des Hébreux, de l’Empire romain, de la Gaule romaine, des débuts du christianisme et de l’Eglise, présentés sans grande différence dans les manuels par rapport aux précédents. L’étude de la civilisation médiévale occidentale est approfondie. Les textes officiels insistent sur l’Eglise : les ordres religieux, les arts, le rôle politique, son évolution dans la société. Ils valorisent le thème de la féodalité, en demandant d’étudier la société précisément.

Le thème de la maison romaine est nettement moins développé par rapport au programme de 1967-1969. Sur cinq ouvrages scolaires consultés, nous avons comptabilisé dix références documentaires avec, pour chacun, un nombre variable entre un et trois. Il s’agit de deux photographies de l’atrium d’une maison riche d’Herculanum, du plan d’une maison romaine à la fin de la République, de deux photographies d’une fresque de maison en bord de mer et de la scène d’un banquet, la vue de la maquette d’une insula, deux vues aériennes d’une villa, deux photographies de la maquette d’une villa 233 .

Nous ne notons aucune caractéristique commune : certaines illustrations privilégient l’habitation riche urbaine, d’autres la rurale, c’est-à-dire la villa, mais au fond ces deux types voisins concernent la même classe sociale et proposent le même modèle culturel, aristocratique. L’élève étudie la maison romaine uniquement avec des documents archéologiques, qu’il complète par d’autres supports archéologiques (photographies de monuments, de mosaïques, de fresques), des textes, des cartes, des plans pour se renseigner sur le contexte domestique ou économique : l’architecture, l’urbanisme, les distractions, la prospérité, la vie quotidienne. Le manuel Hachette est le seul à publier des documents qui permettent d’approfondir la question des matériaux avec, pour chaque technique, une photographie d’un exemple réel et un dessin explicatif : une rue à Vaison-la-Romaine, les cryptoportiques de Bavay, les hypocaustes de Bath et le chauffage par les murs à Ostie.

Sur le thème du château médiéval, nous remarquons aussi la diversité des documents, comme nous l’avions déjà signalé dans les réformes précédentes : quatorze dessins, en grande partie des reconstitutions , onze photographies de sites et trois textes. Les dessins, qu’ils soient d’origine ancienne (tapisserie de Bayeux ou Armorial de Revel) ou des croquis, permettent d’améliorer la compréhension des vues de château à motte ou de pierre ruiné et l’évolution castrale 234 . L’enseignement repose donc essentiellement sur les données archéologiques monumentales et leur transformation, et très peu sur les textes. En revanche, nous ne notons aucun changement dans le traitement du chapitre des relations féodales : les documents littéraires ou iconographiques sont nombreux. L’histoire scolaire est influencée par les écrits de grands médiévistes, tels que Georges Duby, qui a travaillé sur l’économie rurale, la société, l’Eglise.

Enfin, les textes officiels demandent aux enseignants de sensibiliser leurs élèves aux méthodes de l’archéologie. C’est un changement important. Les sources d’information du passé sont expliquées dans la plupart des chapitres de manuels de sixième en introduction. Leur présentation varie selon l’édition. Le modèle le plus courant est un dossier de deux pages très illustrées. Il s’agit des méthodes de travail et de datation que nous avons déjà évoquées : la fouille, l’archéologie expérimentale, avec un exemple de cabanes du Néolithique à Cuiry-lès-Chaudardes 235 , la céramologie, l’égyptologie, les relevés informatiques, l’archéologie monumentale, les techniques de laboratoire 236 . Celles-ci sont précisées dans deux manuels de manière intéressante pour les élèves : la palynologie, le carbone 14, la thermoluminescence, le potassium argon etc. 237 . Il faut ajouter les documents insérés dans les chapitres. Voici quelques exemples : sur l’Egypte, une photographie de l’ouverture du tombeau de Toutankhamon 238 ; sur l’Empire romain, deux photographies d’archéologie sous-marine 239 ; sur les Gaulois la poterie et la dendrochronologie 240 , les vues aériennes déjà évoquées ci-dessus, dont une est accompagnée d’une explication 241 .

L’enseignant traite de l’Europe au XIXe s. en classes de quatrième et de seconde. Il doit évoquer alors une source d’information indispensable, l’archéologie industrielle, qui est en plein essor dans les années 1980. Le libellé des Instructions de seconde est précis : le législateur fait référence au célèbre site archéologique industriel du Creusot.

Les historiens ont leur responsabilité dans la diffusion de l’archéologie au sein des programmes. La Nouvelle Histoire, depuis les années 1960/1970, lui a donné une grande impulsion dans le public et à l’école. Une politique d’harmonisation entre les ministères de la Culture et de l’Education Nationale a contribué également à son développement dès le début des années 1980. L’archéologie s’est avérée indispensable, d’autant plus qu’elle a beaucoup progressé et s’est vulgarisée dans le public depuis de remarquables découvertes au XXe s. comme celles du tombeau de Toutankhamon, des fragments des cadastres romains d’Orange en 1949, la villa du Molard à Donzère (Drôme) en 1981 etc. Elle s’est considérablement accrue dans les années 1970, notamment grâce aux fouilles opérées en milieu urbain en raison des destructions et réaménagements. L’archéologie médiévale, en retard par rapport aux travaux sur l’Antiquité, se déploie considérablement en Europe grâce à des centres de recherches comme celui de Caen, fondé en 1971, et à l’aide de revues. Ce centre publie Archéologie médiévale, revue d’une renommée nationale et internationale. L’histoire scolaire a pu bénéficier de ces progrès médiatisés. Citons deux autres exemples : quatre des cinq manuels consultés évoquent ou expliquent la découverte du squelette de Lucy en 1974 en Ethiopie. L’édition Larousse fait référence aux fouilles, commencées en 1972 242 , du site néolithique de Charavines-Colletières en publiant trois dessins sur l’habitat et l’évolution du niveau du lac. Le manuel Hatier présente des dessins de cuillers retrouvées dans l’habitat médiéval, fouillé également à Charavines dans une autre zone du lac 243 .

Notes
233.

KNAFOU 1994, 130-131 ; MARSEILLE 1986, 239 ; LAMBIN 1994, 110-111 ; IVERNEL 1994, 131 ; SAUGER 1994, 90.

234.

LAMBIN 1991, 66-67, 81 ; MARTIN 1987, 56-57, 61, 71 ; KNAFOU 1995, 7, 55, 57, 65, 68-69.

235.

SAUGER 1994, 9.

236.

SAUGER 1994, 4-5 ; LAMBIN 1994, 8-9 ; IVERNEL 1994, 14-15 ; MARSEILLE 1986, 134-135 ; KNAFOU 1994, 12-13.

237.

MARSEILLE 1986, 135 ; KNAFOU 1994, 13.

238.

MARSEILLE 1986, 150.

239.

MARSEILLE 1986, 222 ; IVERNEL 1994, 110.

240.

MARSEILLE 1986, 230-231.

241.

IVERNEL 1994, 131.

242.

Fouilles achevées en 1986.

243.

MARTIN 1987, 57.