XIV - Analyse des programmes de 1995-1998

Les nouveaux programmes de 6e sont déterminés par l’arrêté du 22 novembre 1995, ceux de 5e et de 4e publiés dans le B.O.E.N. hors série n°1 du 13/2/1997, et ceux de 3e dans le B.O.E.N. hors série n°10 du 15/10/1998 244 . Pour le lycée, ils sont définis au B.O.E.N. n°12 du 29/6/1995.

L’enseignant est aidé par les textes d’accompagnement des programmes édités par le C.N.D.P. en 1996 pour la sixième, en 1997 pour la cinquième et quatrième et en 1999 pour la troisième. Les programmes donnent également des dates appelées «  repères chronologiques », à connaître comme éléments de culture.

Niveau Place de l’archéologie
dans les textes officiels
Commentaires
6e - « La naissance de l’agriculture et de l’écriture ».
Documents à exploiter sur la préhistoire : « trois exemples d’écritures (cunéiforme, hiéroglyphes, alphabet) ».
- L’Egypte : « le pharaon, les dieux et les hommes ». « Les permanences d’une civilisation […] une société agraire, un pouvoir, des croyances ».
Documents à exploiter sur l’Egypte : « le temple, la pyramide », représentations du mythe d’Osiris.
- « Le peuple de la Bible : les Hébreux ». « La première religion monothéiste ». Présentation à partir « des sources archéologiques ».
Documents à exploiter sur les Hébreux : le « Temple de Jérusalem ».
- La Grèce : « Naissance d’une culture, d’une organisation politique, de croyances ». Présenter la cité comme élément d’unité.
- « Athènes au Ve s. av. J.-C. » : « le fonctionnement de la démocratie au temps de Périclès ». Présentation de la ville, de l’Acropole et des exemples d’oeuvres artistiques.
- Alexandre le Grand : « l’épopée d’Alexandre ». « La civilisation hellénistique est présentée à partir de l’exemple d’une ville (Alexandrie d’Egypte ou Pergame) ».
Documents à exploiter sur la Grèce : « Delphes ou Olympie, le Parthénon et la frise des Panathénées ».
- « La cité de Rome et son expansion » : présentation de la « cité, de la République (Senatus populusque romanus) » et « de l’expansion romaine ». La « naissance de Rome ».
- « L’Empire romain » : « le rôle de l’empereur », découverte de la ville romaine et ses « lieux symboliques ».
- « Les processus de la romanisation sont analysés à partir de l’exemple de la Gaule ».
Documents à exploiter sur Rome : « la ville romaine et ses monuments » ; repères chronologiques : « 52 av. J.-C. (Alésia) ».
- « Les débuts du christianisme » : sa diffusion, la persécution et la religion officielle.
Documents à exploiter sur les débuts du christianisme : « les premiers monuments chrétiens (catacombes et basilique) ».
- « La fin de l’Empire romain en Occident et les héritages de l’Antiquité » : « la dislocation de l’Empire en Occident et sa survie en Orient ». Bilan « des héritages des civilisations de l’Antiquité ».
- Voir programmes de 1985. L’étude est thématique et non plus chronologique. Elle est centrée sur le néolithique. Le paléolithique est évoqué seulement.

- Voir programmes de 1985.






- Voir programmes de 1985. Le texte met l’accent sur l’aspect religieux de cette civilisation.




- Voir programmes de 1957.



- Voir programmes de 1957.




- Voir programmes de 1957.







- Voir programmes de 1957.





- Voir programmes de 1957.


- Voir programmes de 1957.






- Voir programmes de 1925.






- Voir programmes de 1957.
5e - « L’Empire byzantin » : « l’héritage de Rome ».
Documents à exploiter sur l’Empire byzantin : « Sainte-Sophie, mosaïques de Ravenne ».
- « Le monde musulman » : la civilisation de l’Islam et « son rayonnement ».
Documents à exploiter sur le monde musulman : « une mosquée ».
- « L’Empire carolingien » : « la naissance des royaumes barbares » (Clovis et le royaume des Francs). L’» organisation de l’Empire de Charlemagne ».
Documents à exploiter sur l’Empire carolingien : « Aix-la-Chapelle ».
- Repères chronologiques : « baptême de Clovis (496) ; couronnement de Charlemagne (800) ».
- « L’Eglise » : Un acteur social. L’enracinement et « les manifestations de la foi sont étudiés à partir des monuments et des oeuvres d’art ».
Documents à exploiter sur l’Eglise : « une abbaye, une cathédrale ».
- « Les cadres politiques et la société » : La « diversité et l’évolution des structures politiques de l’Occident médiéval » (féodalité). Les « Chevaliers et paysans sont décrits dans le cadre quotidien des campagnes ». Analyse de « l’essor urbain et économique » à partir de « la description de deux ou trois villes ».
Documents à exploiter sur les cadres politiques et la société : « un château fort » ; « plan, palais et édifices municipaux des villes choisies comme exemples ».
- « Le Royaume de France (Xe-XVe s.) » : « l’affirmation de l’Etat ». Documents à exploiter sur cette partie : « la basilique Saint-Denis, la cathédrale de Reims ».
- La Renaissance : Documents à exploiter : « un château de la Renaissance ».
- « L’Europe à la conquête du monde » : « destruction des civilisations amérindiennes ».
- Voir programmes de 1985.
Pour l’Empire Byzantin, exploiter à fond Constantinople pour montrer les héritages romains.

- Voir programmes de 1957.




- Voir programmes de 1957.










- Pour le Moyen Age, voir programmes de 1957. Il est nécessaire d’une part, d’exploiter les monuments pour montrer « une vison de Dieu et des hommes […] les pratiques religieuses » et d’autre part, les paysans dans le cadre de leur travail 245 .
L’enseignant peut analyser la vie des paysans à partir des documents qui représentent des outils, leurs productions, les objets de la vie domestiques.









- Monuments.




- Voir programmes de 1937.


- Voir programmes de 1977-1981.
4e - « Présentation de l’Europe moderne » : « tendances artistiques baroque et classique ».
- « La monarchie absolue en France » : Documents à exploiter : « Versailles ».
- « L’Europe et son expansion au XIXe s. ». : « L’âge industriel » : les « transformation des techniques de production de la fin du XVIIIe s. à l’aube du XXe s. » (charbon, textile, machine à vapeur, énergie électrique). Les « traits majeurs du phénomène industriel ». Documents à exploiter : « une locomotive à vapeur ».
- Voir programmes de 1985.





- Voir programmes de 1957 (classe de première).
3e - Aucun élément.  
2de - « Le citoyen et la cité, à Athènes au Ve s. av. J.-C. » : le « fonctionnement concret de la démocratie, l’examen de ses manifestations […] religieuses, culturelles et artistiques » (la frise des Panathénées par exemple).
- « La citoyenneté dans l’Empire romain » au IIe s. : « Etude autour d’un processus de romanisation ». « Montrer les principaux aspects de la vie civique » d’une ville.
- « Naissance et diffusion du Christianisme » : « l’organisation de l’Eglise des premiers siècles et de la diffusion du Christianisme ». Les persécutions.
- La « Méditerranée » au XIIe s. : le carrefour de trois « civilisations de la chrétienté occidentale, de l’Empire byzantin et de l’Islam ». Leurs spécificités.
- « Renaissance » : « Modification de la vision du monde » à partir d’oeuvres.
Les programmes expliquent les fondements du monde contemporain.
Voir programmes de 1977-1981 (seconde), mais les textes de 1995 font davantage référence au patrimoine monumental archéologique. Ils s’intéressent beaucoup à l’aspect politique de la société.
1re
(L,ES,S)
- « L’âge industriel et sa civilisation (du milieu du XIXe s. à 1939) » : présentation du « processus d’industrialisation » et les « transformations économiques […] en Europe et en Amérique du Nord ». - Voir programmes de 1985 avec une différence : l’étude est étendue à l’Amérique du Nord.
Term.
(L,ES,S)
- Aucun élément.  

Les textes officiels mettent en valeur l’archéologie dans l’enseignement de l’histoire pour plusieurs raisons.

Premièrement, les programmes du collège et du lycée de 1995 ont apporté une nouveauté en accordant une importance toute particulière au document patrimonial. Les Instructions les définissent comme des traces et des oeuvres des anciennes générations, considérées comme des éléments nécessaires pour construire la mémoire et la culture de l’élève. C’est pour cette raison qu’ils doivent être analysés par tous, quand ils sont répertoriés dans les textes officiels sous la rubrique «  Documents ». Les monuments choisis par l’enseignant représentent plus qu’une illustration du sujet abordé ; ce sont des éléments du programme à part entière ; grâce à une présentation approfondie, ils permettent de donner tout leur sens historique au thème choisi et à la problématique. Bien entendu, certains de ces documents patrimoniaux sont liés à l’archéologie terrestre ou monumentale : Alésia, une église. Les textes imposent de présenter également un château médiéval. Sur cinq manuels scolaires consultés, deux seulement publient une référence à une motte, sous forme de photographie d’un site réel ou de reproduction de la tapisserie de Bayeux. En revanche, ils proposent l’étude du château de pierre (exemple de Château Gaillard ou de Loches), à partir de photographie dont le nombre peut aller jusqu’à cinq 246 . L’élève analyse le dessin de reconstitution d’un château édifice castral de pierre. Le thème de la maison romaine est inégalement développé. Un ouvrage publie les photographies d’un fond de cabane fouillé sur le Palatin, d’une urne funéraire, de la maquette d’une insula, d’une fresque de la vie quotidienne, d’une villa et le dessin de la reconstitution d’une domus urbaine. Cette richesse documentaire caractérise également l’édition Larousse, avec quatre références archéologiques ; cela contraste avec ce que publie le manuel Belin : une vue de la villa de Boscoreale à Pompéi et une fresque d’une scène domestique.

Deuxièmement, les textes demandent à l’enseignant de présenter le chapitre des Hébreux à partir « des sources archéologiques ». C’est une précision nouvelle, même si cela se faisait auparavant. La Bible n’est plus la seule source documentaire.

Troisièmement, la culture matérielle a toute sa place. Le programme de cinquième demande de décrire la vie des paysans dans le cadre quotidien des campagnes. Les manuels des éditions Hachette et Hatier publient des documents intéressants sur l’habitat carolingien : des vues d’une maquette d’un village, d’un plan de maison et un dessin de sa reconstitution 247 . N’oublions pas que les travaux de recherches et les découvertes fortuites liées aux destructions et réaménagements par les archéologues enrichissent l’histoire enseignée.

Quatrièmement, pour traiter le chapitre de Rome, les compléments des programmes demandent d’exploiter, comme dans la réforme précédente, et dans la mesure du possible, « des exemples locaux pour l’étude d’une ville romaine et de ses monuments, forum, basilique, arc de triomphe, temple, théâtre, amphithéâtre, cirque, thermes, aqueduc ». L’enseignant peut développer la romanisation, la christianisation d’une région de Gaule. Il peut envisager une animation archéologique.

Nous notons toujours la complémentarité des champs des données archéologiques et des sources textuelles, pour étudier les civilisations du néolithique, égyptienne, grecque et romaine, la naissance du christianisme en sixième et, en cinquième, l’Eglise, la société féodale. L’archéologie monumentale fournit des renseignements historiques spécifiques. Elle est indispensable pour étudier la maison romaine et le château médiéval. Mais aucun changement n’est à souligner sur la diversité des documents dans les manuels.

Cependant, nous constatons, d’après la lecture des textes officiels de 1995-1998, un léger recul de la place des méthodes de découverte du passé dans les manuels par rapport aux textes de 1985-1988. Ce changement est nettement visible dans les ouvrages scolaires. L’édition Hatier évoque la fouille, l’archéologie expérimentale, les recherches sous-marines 248 . Hachette développe l’égyptologie et la technique de la conception assistée par ordinateur 249 .

Au vu du tableau d’analyse des programmes d’histoire de 1995, l’archéologie occupe une place plus importante en seconde. L’enseignant explique les fondements du monde contemporain en présentant les apports des civilisations grecque, athénienne, romaine, chrétienne, byzantine et musulmane. Pour cela, il s’appuie sur l’étude de monuments politiques et religieux.

Ayant examiné les manuels les plus récents, parus en général en 2000 pour la classe de sixième et en 2001 pour celle de cinquième, nous ne notons aucun changement par rapport aux publications de 1995 et 1997. Une minorité de livres valorise des données de fouilles archéologiques. L’un d’eux présente le dessin de la reconstitution d’une ferme gallo-romaine, avec des personnes : on aperçoit le zone de stockage du vin dans des dolia, le pressoir, une cour avec des animaux d’élevage, l’habitat et les dépendances 250 . Ce dessin est remarquable pour comprendre le fonctionnement d’une villa Il a pu être réalisé uniquement grâce à des données de fouille : nous pensons à l’exemple du site de la ferme du Molard, spécialisée dans la viticulture à Donzère (Drôme) et fouillée de 1981 à 1983 par Thierry Odiot. C’est la première fois que nous rencontrons dans les manuels un document de cette qualité pédagogique et d’une grande richesse archéologique au sujet de la ferme romaine. La recherche scientifique fournit depuis des décennies des données peu reprises dans les ouvrages scolaires malgré la photographie de la maquette de la villa gallo-romaine du musée d’Abbeville, publiée à plusieurs reprises depuis 1977. Les textes antiques ne peuvent pas nous renseigner sur l’organisation spatiale de la villa.

Nous avons relevé dans quatre manuels de sixième sur six un nombre relativement important de documents relatifs à la maison romaine urbaine et rurale. Chaque édition propose un ou deux supports archéologiques (photographie de site ou d’une maquette établie d’après des fouilles) sur l’habitat primitif (cabane du Palatin ou urne funéraire), sur la maison riche urbaine (insula, domus) sur la ferme (site de Montmaurin, reconstitution, fresque) et sur des décors ou éléments domestiques (vaisselle sigillée, mosaïque de maison, fresque, laraire) 251 .

Au terme de cette étude des programmes et des Instructions depuis 1865, nous remarquons donc que l’enseignement de l’histoire accorde une importance variable à l’archéologie, dont les travaux de recherches fournissent des documents aux leçons en tant qu’illustration ou objet d’analyse. Nous constatons qu’il a bénéficié des progrès réalisés dans les différents courants de la recherche, commentés dans la présentation épistémologique du sujet. Les relations entre l’archéologue et le professeur d’histoire sont limitées mais certaines.

Compte tenu de l’évolution du découpage des programmes, les élèves de sixième et de cinquième ont toujours étudié les données de l’archéologie et souvent les méthodes. Les textes officiels affichent une préoccupation presque permanente pour que les enseignants exploitent des supports archéologiques, quels que soient les objectifs pédagogiques donnés aux différentes réformes. L’étude de l’Antiquité et du Moyen Age a toujours représenté une caractéristique de l’enseignement de l’histoire en France. L’archéologie est, par nature, une source indispensable à la connaissance historique des civilisations. Elle constitue une dimension intégrée dans l’enseignement scolaire grâce aux documents et aux visites de sites culturels. Les champs des sources archéologiques et des données textuelles de l’histoire sont en général complémentaires.

Notes
244.

5e et 4e : arrêté de 10/1/1997 ; 3e : arrêté du 15/9/1998 ; lycée : arrêté du 14 juin 1995.

245.

Accompagnement des programmes de 5e, 1997.

246.

STERN 1997, 74, 80-81 ; IVERNEL 1997, 73-74, 84, 90-91 ; LAMBIN 1997, 65, 89 ; CASTA 1997, 63 ; MARSEILLE 1997, 88-89.

247.

LAMBIN 1997, 51 ; IVERNEL 1997, 95.

248.

IVERNEL 1996, 14, 112.

249.

BOUVET 1996, 32-33.

250.

SAINT-OURENS 2000, 105.

251.

6 documents pour SAINT-OURENS 2000, CHAMPIGNY 2000, IVERNEL 2000 et 5 pour KNAFOU 2000.