G - Conclusion

Elément fondamental de l’enseignement de l’histoire, l’archéologie occupe une place pédagogique relativement importante depuis le dernier tiers du XIXe s.. Le tableau de ses apports dans cette discipline (annexes 3 et 4) montre que beaucoup d’éléments sont soit évoqués, soit développés depuis le programme de 1880. La conception des textes officiels est imprégnée d’une culture archéologique nettement marquée, malgré une évolution contrastée. Les programmes de 1890 et 1902 font référence aux découvertes d’Egypte et de Mésopotamie, pays où de grandes fouilles ont commencé vers le milieu du XIXe s.. Nous pouvons donc dire que l’historien a eu le souci d’introduire assez tôt l’archéologie dans l’histoire scolaire.

Bien que les manuels scolaires ne traduisent pas toujours cette importance dans leur présentation, en particulier pour le début de la période étudiée (XIXe s.), les enseignants ont beaucoup d’opportunités pédagogiques et bénéficient d’un contexte épistémologique favorable à l’archéologie. La documentation s’est considérablement améliorée, enrichie, diversifiée. Cependant, nous ne pouvons tirer de conclusion définitive de l’examen rapide des manuels scolaires d’histoire. Cela nous apporte seulement des indices. Nous avons noté un changement depuis les programmes de 1937-1938 269  : la part des photographies devient plus importante. Les progrès techniques d’impression facilitent le développement de l’analyse documentaire. Le professeur dispose d’une grande variété de documents archéologiques, dont les représentations s’enrichissent quantitativement et qualitativement dans les années 1950. Les livres contiennent alors plus de photographies en couleur. Les documents gagnent en précision et clarté : ceux qui proviennent d’opérations archéologiques sont plus nombreux. Le changement a lieu dans les années 1930. Les photographies d’artefacts, en général restaurés, sont remarquables.

Cette importance accrue est complétée par un changement méthodologique notable. Le ministère demande de mettre en place des méthodes actives (redécouverte, analyse documentaire), qui font appel de plus en plus, au fil du temps, à des supports archéologiques. Nous avons déjà daté ce changement, très net à partir des programmes de 1923-1925, même si ces méthodes existent officiellement dès la fin du XIXe s..

Mais l’archéologie est limitée à certaines classes, variables dans le temps. Les élèves des niveaux de sixième et de cinquième sont principalement concernés en raison du découpage chronologique des programmes. Ils ont toujours appris les civilisations grecque, romaine et médiévale. L’étude de l’Orient a été réduite, celle de l’Europe accrue.

L’archéologie, qui a fait beaucoup de progrès, a été vulgarisée auprès du public. Elle s’est développée conjointement dans les secteurs de la recherche et de l’histoire scolaire. Les préhistoriens et médiévistes voient leur contribution augmenter dans les programmes, dès le milieu des années 1920 et des années 1930. Il s’agit plutôt d’une accélération, d’un phénomène culturel soutenu par ces spécialistes. L’Ecole des Annales a eu un rôle fondamental, en accélérant les changements dans l’histoire enseignée, opérés à partir du début du XXe s.. Cela semble correspondre à la rupture épistémologique de l’histoire, que Nicole Allieu date des années 1929-1933 270 .

Les Instructions Officielles expliquent que ces programmes donnent les éléments nécessaires pour analyser l’évolution historique de la société et comprendre le monde contemporain, ses origines, ses héritages. L’enseignant s’appuie sur le sens de l’observation des élèves. L’archéologie, qu’elle soit terrestre ou monumentale, permet de satisfaire ces savoirs. Sa place est renforcée par la dernière réforme de 1995, quand l’enseignant travaille à partir de vestiges pour élaborer son raisonnement et extraire du document un maximum d’idées historiques. L’objectif « est de réaffirmer la finalité profondément civique et politique de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique scolaire, c’est-à-dire que la connaissance du monde dont elles sont porteuses concerne la formation des citoyens, de personnes titulaires de droits et d’obligations qui ont le monde en charge et donc des responsabilités à son égard et à l’égard des humains qui l’habitent 271  ».

Notons aussi que certaines notions archéologiques ou certaines découvertes ont mis du temps pour être intégrées aux programmes : l’expression de «  Révolution industrielle » n’est présente dans les textes officiels que depuis 1957. Un recul est nécessaire pour s’intéresser aux anciennes installations de production. Un net décalage existe entre la publication des données archéologiques scientifiques et leur transcription dans les manuels.

Enfin, le développement de l’archéologie, depuis une vingtaine d’années, est également lié à une harmonisation entre les ministères de l’Education Nationale et de la Culture. Tous deux ont collaboré pour réaliser une politique favorable à une action culturelle qui mette en valeur le patrimoine.

Les champs de l’archéologie évoluent. Celle-ci commence à s’ouvrir au passé contemporain, très proche de notre société. «  L’archéologie du passé contemporain » liée à l’histoire du présent concerne le XXe s. Ainsi, des archéologues étudient grâce à des fouilles des traces matérielles des deux guerres mondiales : par exemple, des tombes collectives, un char anglais enfoui dans la région de Cambrai datant de la première guerre mondiale, des ouvrages de la ligne Maginot, un bombardier anglais tombé en 1945 à Fléville en Lorraine, les vestiges du mur de l’Atlantique 272 . Cette dynamique est récente et pourrait s’intégrer aisément à l’histoire scolaire, pour traiter en particulier le programme de troisième. Son intérêt est de «  révéler la présence physique du passé dans notre présent » 273 . Les spécialistes mettent au point des méthodes d’investigation.

Nous proposons ici un résumé et un essai de découpage chronologique des apports de l’archéologie à l’enseignement de l’histoire, en fonction des multiples critères énoncés ci-dessus en cinq périodes, en résumant notre étude :

  1. Programmes de 1865 et 1874 :
  1. Programmes de 1880 à 1923-1925 :
  1. Programmes de 1931 à 1967-1969 :
  1. Programmes de 1977 :
  1. Programmes de 1985-1988 à 1995-1998 :

Nous remarquons une diversification importante de l’archéologie, à un degré tel que les archéologues ont souvent des spécialités. Cette pluridisciplinarité est le reflet d’une évolution épistémologique au cours de laquelle cette recherche s’est détachée de l’histoire. L’archéologie n’est plus exclusivement au service de l’histoire, comme au XIXe s.. Les archéologues occupent presque la même place que les historiens et peuvent étudier l’homme et son environnement grâce à des sources spécifiques liées à leurs travaux. A ce titre, ce sont des historiens. Ils renseignent sur des domaines comme la culture matérielle, où l’archéologie est la source principale d’information. Leur contribution est complémentaire de celles des autres historiens, qui travaillent sur des sources différentes.

Notes
269.

Nous ne pouvons pas nous prononcer pour la période 1940-1944. Mais nous avons constaté que les programmes de 1941 sont établis dans une continuité historique par rapport aux précédents.

270.

DEVELAY 1995 a, 135.

271.

AUDIGER 1999, 49.

272.

OLIVIER 2000, BOURA 2000, DESFOSSES 2000, JASMIN 2000, LEGENDRE 2000. Un dossier est consacré à l’archéologie du XXe s. pp.22-45.

273.

OLIVIER 2000, 27.