E - Vers une méthodologie du projet

Jean-Pierre Obin propose une méthodologie intéressante d’élaboration de projet. L’objectif est de modifier l’état initial d’un établissement pour le mener vers un idéal prévu au départ, que l’on n’atteint pas, mais dont on s’approche (l’état final) après les changements effectifs. Ces transformations commencent par un travail innovant réalisé par un petit groupe d’acteurs (enseignants) qui réussissent à créer des évolutions qu’il s’agit de faire partager par le plus grand nombre. Cela est rendu possible grâce à une bonne communication interne et à la formation du personnel. De nouvelles identités sont produites et donnent naissance à des projets. Le chef d’établissement a un rôle important à assumer : il assure la cohérence des transformations, le respect des objectifs globaux 519 .

L’archéologie est une voie pour changer l’école ou le collège dans un cadre interdisciplinaire. Elle est à associer à d’autres champs de connaissances, pour qu’un maximum d’enseignants puisse intégrer cette démarche. C’est ce que nous avons essayé de mettre en place à Suze-la-Rousse, grâce à un travail mené conjointement avec les professeurs de français, d’histoire, d’arts plastiques et la documentaliste. Des actions communes les ont réunis lors d’une pièce de théâtre sur la vie dans l’Egypte ancienne en sixième et l’écriture d’une fiction historique en cinquième Thomas, Marianne et la chèvre d’or 520 .

Les projets sont multiples : l’exemple d’un P.A.E. à Bourganeuf en 1989/1990, avec deux classes de 6e sur le thème Mathématiques et Antiquité, associant les professeurs de mathématiques et de sciences humaines 521 . Citons aussi l’exemple de la visite interactive du site gallo-romain de Vienne et de Saint-Romain-en-Gal, diffusé sur le site internet du collège de La Mure 522 . Les élèves de sixième ont visité ces sites renommés. L’année suivante, en cinquième, une partie d’entre eux, avec leur ancien professeur, se sont lancés dans « l’aventure » informatique pour publier leur travail à l’échelle planétaire ! Et ils ont réussi à atteindre leur objectif avec dynamisme. Ils ont assimilé une partie des programmes officiels et appris à créer un ensemble de pages du site internet de l’établissement.

Le professeur doit personnaliser son enseignement. Choisir et s’investir dans un projet raisonnable ne posent aucune difficulté insurmontable. La relation enseignant-élève n’en est que meilleure. Il faut être soi-même 523 . La pédagogie du projet valorise la personnalité et l’initiative des uns et des autres, qui peuvent choisir de s’investir dans des actions 524 . Elle peut être un élément d’enrichissement pour le collégien, qui a une longue journée de six à sept heures de cours, et permet de varier les situations d’apprentissages 525 .

Le décloisonnement des disciplines est nécessaire 526 . Il contribue à modifier la vision des élèves à l’égard de l’enseignement en termes souvent positifs. Il permet de créer des formes pédagogiques inhabituels ou innovantes, de dynamiser l’enseignement. Cependant, nous pensons que le sentiment d’incitation à monter des projets pédagogiques est à renforcer chez les professeurs. L’élève doit être le centre de leurs préoccupations. Ils exercent un métier dans lequel leur énergie est au service de l’apprenant. L’enjeu est important : la réussite scolaire et sociale des jeunes dépend, entre autres, du rôle de leurs maîtres.

Le temps de travail des projets archéologiques pourrait être pris en compte dans leur temps de service. Certains itinéraires de découverte semblent fonctionner ainsi, mais les textes officiels sont encore imprécis. Une partie du temps passé à la mise en oeuvre du projet est prévue dans le service obligatoire, ce qui diminuerait sa charge de travail par rapport à un emploi du temps comprenant des heures supplémentaires.

Nous sommes favorable à une réduction raisonnable des horaires d’histoire-géographie et éducation civique, dans la mesure où celle-ci s’opère réellement au profit de l’élève, et si elle permet aux enseignants d’histoire de proposer des actions ou des projets culturels (d’archéologie en particulier) en compensation. D’après les textes actuels, les itinéraires de découverte concernent le cycle central. Ils sont obligatoires en cinquième à la rentrée 2002, et le seront en quatrième en septembre 2003. Il semble que cette réforme ait conduit le ministère à imposer la baisse des heures des disciplines au seuil plancher, c’est-à-dire à trois heures, au lieu de trois et demi ou quatre en histoire-géographie. Nous espérons que cela contribuera au développement de projets au bénéfice de tous les élèves concernés.

Mais nous constatons trois problèmes qui freinent cette dynamique. Les textes sur l’action culturelle présentent une lacune et une ambiguïté à la fois : les notes de service 527 , indiquent que «  l’atelier est ouvert, sans pré-requis particulier, aux élèves volontaires des collèges […] à partir de la quatrième. En collège, le chef d’établissement peut accorder des dérogations aux élèves de cinquième (ou même de sixième dans le cas particulier de l’atelier écriture) ».

Il faut étendre le champ des ateliers de pratiques artistiques dans le domaine de l’archéologie à la sixième et à la cinquième, sans dérogation, car ceux-ci restent très liés aux programmes d’histoire de ces niveaux, basés sur l’Antiquité ou le Moyen Age.

Les ateliers de Suze-la-Rousse et de Labastide Saint-Pierre sont donc dans une situation ambiguë : l’Education Nationale et les institutions culturelles les ont acceptés. Le premier a fonctionné parce qu’il concerne le domaine de l’écriture. Le second est toléré, mais il n’est pas tout à fait conforme aux textes officiels, même si l’enseignante d’histoire collabore avec celle de français. Madame Poncelet nous a informé que son atelier a failli être refusé pour l’année 2001/2002. Celui-ci est prolongé en 2002/2003 528 .

La question des coûts des animations ou des projets archéologiques est à prendre en considération. «  Une réflexion globale sur les coûts de l’école est indispensable. Nous souhaitons tous une école de la réussite, de la qualité. L’augmentation de moyens ne serait pas prioritaire 529  ». Peut-être faudrait-il réduire le nombre d’heures supplémentaires attribuées aux projets culturels, et payer les professeurs en heures‑poste, c’est-à-dire qu’ils réalisent leur projet au maximum pendant leurs heures obligatoires.

Enfin, ils doivent pouvoir bénéficier d’une plus grande variété de stages de la formation permanente, orientés davantage vers l’action culturelle, ou personnalisés en fonction des projets de l’établissement, de manière à se remettre en cause, à changer et à faire bénéficier les élèves des acquis de ces stages. La correspondante à la formation permanente de notre collège, n’a pu nous proposer de stage lié à l’archéologie. Le ministère a le pouvoir de créer des initiatives, de susciter une demande. De plus, une bonne communication entre les établissements doit être développée. Elle donne des idées, stimule, motive 530 . Il est important de savoir ce qui se passe ailleurs.

Notes
519.

OBIN 1993, 262-263 et 265.

520.

Grignan, éd. Complicités, 1999, 78 p.

521.

JABET 1991, 30-32.

522.

Adresse sur Internet : http://ac-grenoble.fr : aller sur le site web du collège. de La Mure (Isère). OLIVIER 1998.

523.

DESJARDINS 1992, 23.

524.

PERRENOUD 1992, 54.

525.

DEVELAY 1995 a, 158.

526.

GIORDAN 1993, 44.

527.

Notes du 6 mai 1996 modifiées par celles du 21 avril 1998 et du 30 juin 1999.

528.

Information de mars 2002.

529.

DEVELAY 1996, 24.

530.

MOYNE 1992, 25.