B Les Anglais remplacent les Français.

A Téhéran, le traité de Finkenstein ne faisait pas l’unanimité dans l’entourage du Šâh et certains étaient tentés par les intrigues des Anglais, dont Mohammed-Ali, le frère aîné de l’héritier du trône, écarté du pouvoir parce que sa mère n’appartenait pas à la famille impériale Qâjâr. Il comptait sur l’appui des Anglais pour faire valoir son droit d’aînesse.

Cependant ce fut la signature de la paix de Tilsit en juillet 1807 qui fut fatale aux Français en Perse : le Šâh, déçu par la réconciliation franco-russe dans laquelle la restitution de la Géorgie n’avait pas été envisagée, tourna à nouveau ses regards vers l’Angleterre qui ne laissa pas passer une telle occasion. En 1808 Sir Harford Jones vint avec d’immenses richesses en Perse et le général Malcom débarqua dans le Golfe persique à Bandar-Abbâs avec une puissante escorte et y construisit des fortifications. Le Šâh, effrayé par les Français qui menaçaient de quitter immédiatement la Perse, repoussa les avances des Anglais en leur envoyant le gouverneur de Chiraz.

Ce furent alors les Russes qui eurent raison de l’amitié franco-perse en relançant les hostilités. Le Général de Gardane obtint un cessez-le-feu et le début de négociations pour la paix. Les Persans pensaient obtenir l’évacuation de la Géorgie avec l’appui des Français. Mais le Maréchal russe Gardowitch avait reçu l’ordre de son souverain de n’abandonner aucun territoire et ne céda jamais. Sir Harford Jones arriva dans la capitale, offrit l’alliance de l’Angleterre et put obtenir sans mal le renvoi de la mission de Gardane 14 .

En 1809 des négociations furent entamées pour la signature d’un traité entre la Perse et l’Angleterre qui ne fut pas immédiatement ratifié à Londres. En 1810 Malcom retourna en Perse avec des officiers et en 1811 Sir Gore Ouseley fut envoyé à Téhéran comme ambassadeur permanent auprès de la cour du Šâh et c’est en cette qualité qu’il négocia le traité définitif qui fut signé le 25 novembre 1814.

Ce traité était un accord défensif et mentionnait que toute alliance future de la Perse avec des pays hostiles à l’Angleterre serait déclarée nulle et que la Perse devait empêcher la pénétration de toute armée hostile à l’Angleterre sur son territoire. Cet accord était exclusivement centré sur l’influence française en Perse et passait totalement sous silence la Russie dont l’influence n’était pourtant pas négligeable. Cet oubli, lors de la signature du traité de Turkmantchay en 1828, allait compromettre la solidité des relations entre l’Angleterre et la Perse.

Une clause du traité de 1814 engageait l’Angleterre à fournir des secours et des subsides à la Perse en cas d’agression et d’invasion par une armée étrangère. Une autre clause concernait les rapports de la Perse avec l’Afghanistan : les Anglais s’engageaient à ne pas intervenir dans un conflit entre les deux pays mais de son côté la Perse devait attaquer l’Afghanistan si celui-ci venait à être en guerre contre l’Angleterre. L’Angleterre par ce traité réussit à éliminer la France et après le retour du Général de Gardane en France les relations avec la Perse furent très espacées durant trente ans 15 .

Notes
14.

Ibid., pp. 100 à 102.

15.

Terenzio Pio-Carlo. La Rivalité anglo-russe en Perse et en Afghanistan jusqu’aux accords de 1907. Paris, Arthur Rousseau, 1947, pp. 15 à 20.