D Le rôle des missionnaires.

Aux environs des années 1840 les missions religieuses jouèrent également un rôle dans l’établissement des relations entre la Perse et la France. Le premier objectif des missionnaires en Perse était l’instruction des chrétiens comprenant des Assyriens et des Arméniens qui étaient présents bien avant le XIXe siècle. Il faudrait rappeler que les missionnaires français qui arrivèrent au début du XVIIe siècle, ouvrirent une représentation en Hormuz 19 et s’installèrent à Ispahan, Bandar Abbâs où ils ouvrirent leurs écoles et leurs églises 20 .

Au XIXe siècle les écoles dirigées par des missionnaires appartenaient aux Américains, aux Sœurs de la Charité ou aux Lazaristes. En 1839 les missionnaires américains étaient au nombre de 46 et avaient plus de 960 garçons et 500 filles pour élèves 21 . Les familles aisées prirent l’habitude d’envoyer leurs enfants étudier en France afin de compléter leur éducation. La langue française qui était à la mode devint obligatoire dans toutes les écoles. Parmi les enfants chrétiens et musulmans qui furent éduqués dans ces écoles certains quittèrent le pays pour aller aux Etats-Unis ou en Europe, d’autres restèrent et contribuèrent à l’évolution de la société persane.

Au contact de l’Occident, l’élite persane se mit à en traduire les œuvres et la cour royale ainsi que l’entourage du gouvernement furent les premiers à commander ces traductions. Les opposants politiques et les particuliers furent également intéressés par les traductions. Les biographies de grands personnages tels que Pierre le Grand, Charles XII, Alexandre de Macédoine, Napoléon eurent la préférence. Au début du XXe siècle, au moment de la Révolution constitutionnelle les ouvrages scientifiques prirent le pas sur les romans historiques et les œuvres littéraires. Pour les ouvrages philosophiques, notamment ceux qui concernent le siècle des Lumières, il fallut attendre les années 40 22 .

La présence de fonctionnaires belges à la Douane, aux Finances et, plus tard, au Ministère des Postes permit de fournir des perspectives d’avenir intéressantes pour tous ceux qui avaient appris le français. Une autre source de contacts entre la Perse et la France fut fournie par l’archéologie. En effet les ruines historiques de Rhagès, d’Ecbâtâne, de Persépolis, de Suse, avaient attiré l’attention des savants français. En 1885 l’ingénieur Dieulafoy entreprit l’exploration des ruines de Suse, et à cette occasion sa femme publia un journal de leur voyage intitulé La Perse, la Chaldée, la Susiane. En 1895 M. de Balloy alors ministre de France à Téhéran obtint du Šâh le monopole des fouilles archéologiques en Perse, monopole confirmé en 1900 par la signature d’un accord 23 .

Notes
19.

Hormuz est une île iranienne au large du Golfe persique.

20.

Bibliographie sommaire des missionnaires partis en Perse au XVIIe sièsle tirés de la Bibliographie française De l’Iran, Bibliographie méthodique et raisonnée des ouvrages français parus depuis 1560 jusqu’à nos jours, Mohsen Saba 1951 et DesRelations entre la Perse, l’Europe et la France, Touzard Anne-Marie, mémoire de D. E. A., Institut d’études iraniennes, Paris III, juin 1990 :

Le Père Pacifique de Provins : Accompagné du Père Gabriel de Provins et du Père Juste de Beauvais, il arriva en 1629 à la cour d’Abbâs 1er et séjourna à Alep, Babylone et Ispahan. Il fonda deux centres à Bagdad et à Ispahan. Ses renseignements concernant les articles commerciaux en Perse furent utiles à ses successeurs. La publication de sa Relation de voyage en Perse faite par le Père Pacifique de Provins, prédicateur capucin en 1631 fut la cause de sa défaveur auprès de ses supérieurs.

Père Philippe de la Très Sainte Trinité : Il fut désigné par le Cardinal Barberini pour partir en Perse en 1629. Il publia son Itinerarium Orientale en 1640 qui fut traduit par le Père de Saint-André à Lyon en 1652 et en 1669 sous le titre de Voyage d’Orient du R. P. Philippe de la Très Sainte-Trinité, carme déchaussé. Son livre qui traite de la géographie, de la religion et des dynasties persanes jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle eut un grand succès à l’époque.

Le Père Raphaël du Mans : Durant un long séjour en Perse de cinquante deux ans, il fut en contact avec toutes les couches sociales et rédigea l’Estat de la Perse en 1660 où il décrit parfaitement la situation en Perse au milieu du XVIIe siècle. Il passa la fin de sa vie à Ispahan où il mourut en 1696 à l’âge de quatre-vingt trois ans. Il fut hautement apprécié par le Šâh Abbâs et son successeur le Šâh Soleyman pour ses qualités de mathématicien.

Le Père de Rhodes Alexandre : Il partit en Perse en 1654 et arriva à Ispahan en 1655. Sa relation de voyage fut rédigée par le Père Jacques de Machaud sous le nom de La Relation de la mission des Pères de la Compagnie de Jésus, établie dans le royaume de Perse, par le R. P. Alexandre de Rhodes, dressée et mise à jour par un Père de la même Compagnie et fut publiée en 1659.

Bourges Jacques : Il fut Evêque de Beryte et son séjour en Perse fut court. A son retour à Paris, en 1666, il publia sa Relation de voyage de Mgr l’Evesque de Beryte, vicaire apostolique du Royaume de la Cochinchine, par la Turquie, la Perse et les Indes. Son ouvrage contient des renseignements sur la culture persane et la géographie du pays.

Le Père G. de Chinon : Il partit en Perse dans la deuxième partie du XVIIe siècle. Il publia ses Relations nouvelles du Levant ou Traité de la relation du Gouvernement et des coutumes des Persans, des Arméniens et des Guèbres en 1671 à Lyon. Il avait une connaissance parfaite du chiisme.

Le Père Ange de la Brosse : Il publia la Pharmacopoea persica ex idiomate persico in latinum conversa à Paris et un dictionnaire en quatre langues (italienne, française, latine et persane) en Belgique en 1684 intitulé Gazophylacium linguae persarum.

Le Père Sanson : Il partit en Perse en 1683 et vécut quelques années à Ispahan, à Qazvin, au Kurdistan et à Hamadan. Il fut l’intermédiaire entre Louis XIV et le Chah Soleyman III, il remplaça l’Evêque de Babylone après sa mort. Il publia L’Etat Présent du Royaume de Perse qui fut sa relation de voyage.

Nous pouvons également citer les noms du Père Joseph (François Leclerc du Tremblay) (1577-1638) et du Père Beauvollier Antoine (1657-1708).

21.

Rohani Vahid. Le milieu intellectuel persan et l’Occident, mémoire de D.E.A., sous la Direction de CH-H. de Fouchécour, p. 14.

22.

Ibid.

23.

La Perse en contact de l’Occident, éd. cit., pp. 117-118.