B Les oiseaux

D’autre part, l’oiseau est également une référence commune aux deux poètes dans Le Langage des Oiseaux et la deuxième partie de Dieu. Dans la première partie du recueil d’Hugo,il existe un dialogue entre l’homme ailé et une figure étrange composée de plusieurs « bouches, d’ailes et d’yeux » qui représentent le « Tout ». Dans la deuxième partie, la figure étrange est remplacée par des oiseaux que l’homme ailé croise l’un après l’autre sur son chemin. Cet ordre est inversé dans Le Langage des Oiseaux. C’est-à-dire qu’il existe d’abord un dialogue entre chaque oiseau et la huppe, ensuite un dialogue entre le chambellan et les trente oiseaux, devenus le « Tout ». Parmi les cent mille oiseaux cités dans Le Langage des Oiseaux, seuls trente parviennent au lieu qu’ils souhaitaient atteindre. Les autres oiseaux perdent la vie, renoncent au voyage ou bien s’égarent. Nous pouvons imaginer que les oiseaux cités dans la deuxième partie de Dieu sont ceux qui n’ont pas réussi à atteindre leur but dans Le Langage des Oiseaux. Les oiseaux égarés ont chacun une vision différente de la vérité à cause des limites de leurs sens ; et chaque oiseau erre dans la zone où il se trouve sans pouvoir trouver le bon chemin. A ce sujet, nous lisons dans Dieu :

‘« Chacun des noirs oiseaux vers qui je m’élevais,
Comme jadis le mage était loin de l’apôtre,
Volait seul dans sa zone et ne voyait pas l’autre 202 . »’

Parmi les oiseaux d’Hugo, nous pouvons citer la chauve-souris qui cherche Dieu et les mystères de l’univers sans aucun succès, ce qui la désespère : « Dieu n’est pas ! Dieu n’est pas ! désespoir ! »  203  

‘« La chauve-souris est, dans la cosmologie ailée de Victor Hugo, l’être maudit qui personnifie l’athéisme. La chauve-souris symboliserait à cet égard un être dont l’évolution spirituelle aurait été entravée, un raté de l’esprit 204 . » ’

Dans l’histoire de La Chauve-souris à la recherche du soleil, nous trouvons également cet animal ailé. Après des années de recherche, il ne parvient pas à trouver le soleil, d’où son désespoir : « Comment se fait-il que je ne puis regarder en aucune façon le soleil un seul instant ? Je suis pendant toute ma vie dans cent désespoirs, afin de pouvoir être un seul instant perdue en lui. J’erre les yeux fermés des mois et des années, et à la fin j’arrive ici 205 . »

Dans Dieu, comme dans Le Langage des Oiseaux, le hiboureprésente le scepticisme. Voici ce que répond le hibou à la huppe à ce sujet dans Le Langage des Oiseaux : « Je crois bien que l’amour envers le Simorg n’est pas fabuleux, car il n’est pas ressenti par des insensés ; mais je suis loin de me tenir ferme dans son amour, je n’aime que mon trésor et mes ruines 206 . »

Dans le Dictionnaire des Symboles, le hibou est considéré comme « symbole de tristesse, d’obscurité, de retraite solitaire et mélancolique 207  » mais jamais comme symbole du scepticisme.

Notes
202.

Ibid., p. 431.

203.

Ibid., p. 388.

204.

Chevalier Jean et Gheerbrant Alain. Dictionnaire des Symboles. Paris, Robert Laffont/Jupiter, 1982, p. 220.

205.

’Attar, Le Langage des oiseaux (traduction), éd. cit., pp. 171 et 172.

206.

Ibid., p. 72.

207.

Dictionnaire des Symboles, éd. cit., p. 504.