Chapitre IV. Le cas Judith Gautier

I Iskender

A Les conteurs en Perse

Dans le prologue d’Iskender, le conteur évoque son intention de raconter l’histoire d’Iskender d’après les traditions conservées à travers les siècles et recueillies par l’historien Mirxond et le poète Ferdowsi. Plus loin, à la première page du premier récit, le conteur ajoute qu’il raconte cette histoire « dans la langue noble de Firdouci et d’Hafiz. » C’est ainsi que, d’après le conteur, les quatre récits d’Iskender ont été racontés. Ce procédé qui consiste à mettre le récit dans la bouche d’un conteur semblerait venir d’une tradition en Perse qui a presque disparu à notre époque avec l’arrivée des médias. En effet, depuis quelques siècles, dans certains milieux populaires, des conteurs récitaient à haute voix des extraits du Livre des Rois. Ainsi, ils participaient à la propagation du persan et à la connaissance de la gloire de la Perse ancienne. Dans Iskender,le conteur raconte en présence de nobles habitants de Téhéran, réunis pour un festin magnifique. De ce fait, le lecteur se sent davantage proche du contexte dans lequel les histoires du Livre des Rois se racontaient en Perse.

Avant de commencer leurs récits, les conteurs avaient coutume d’invoquer Dieu, Mahomet et les imams. Aussi, au début du récit du Trône des Kéianis, Judith Gautier invoque-t-elle Dieu, Mahomet et les imams : « J’invoque le nom d’Allah le grand, le sublime, le miséricordieux. J’implore Mohammed et Aly (que la bénédiction d’Allah soit sur eux !) et, me tournant vers Kèbla, je prie les imams (que la bénédiction d’Allah soit sur eux !) de m’être favorables 306 . »

Ce début du Trône des Kéianis ressemble également au début du Livre des Rois où Ferdowsi, après avoir loué Dieu, glorifie Mahomet et les quatre califes qui l’ont suivi à savoir Abubakr, Omar, Osmân et Ali 307 .

Notes
306.

Gautier Judith. Iskender, histoire persane. Paris, Bibliothèque des Deux Mondes, L. Frinzine et Cie, Editeurs, 1886, p. 1.

307.

Ferdowsi. Šâhnâmè, huitième édition. Téhéran, éditions Amir Kabir, 1995, pp. 22 et 23.