Nous trouvons l’origine de quelques passages de La Perle de Lackmi dans Le Livre des Rois.
Chez les deux auteurs, le roi Iskender rencontre les Brahmanes. Contrairement à La Perle de Lackmi où les Brahmanes accourent en foule voir Iskender, dans Le Livre des Rois, ce sont le roi et ses sujets qui vont les rencontrer 339 . Chez Judith Gautier, Iskender part seul découvrir l’eau de vie alors que chez Ferdowsi, il part avec son armée. Chez les deux auteurs, Iskender entre dans le royaume des guerrières mais le contenu des aventures dans ce pays est complètement différent dans les deux œuvres. Dans Le Livre des Rois comme dans La Perle de Lackmi, sur une montagne, Iskender rencontre Israfil, l’Ange du dernier jour 340 . Quelques temps avant de mourir, Iskender rencontre également « le Faqfur », l’empereur de Chine 341 .
La comparaison entre Le Livre des Rois et Iskender permet de conclure que les extraits du Livre des Rois dont Judith Gautier s’est inspirée ne représentent que quelques pages. En effet, chez les deux auteurs, le début de l’histoire est semblable. Les extraits empruntés au Livre des Rois sont les plus nombreux dans le premier récit d’Iskender. Ils diminuent au cours des autres récits. Judith Gautier propose une nouvelle version de l’histoire d’Iskender tout en conservant les noms propres employés par Ferdowsi. Donc, il ne s’agit pas d’une traduction ou d’une simple adaptation, Judith Gautier a tout développé et elle en a fait une œuvre personnelle. On peut se poser pourtant la question sur les raisons qui ont mené Judith Gautier à choisir des passages du Livre des Rois. Est-ce par nostalgie de l’époque où la France était puissante ou par l’intérêt qu’elle porte à l’exotisme qu’elle s’est inspirée de l’épopée persane ?
Il serait nécessaire de préciser qu’hormis Ferdowsi, un autre poète persan, Nezâmi(1141-1209), a laissé un recueil intitulé Le Livre(l’Histoire) d’Iskender. Comme son titre l’indique, ce recueil est aussi une version de l’histoire d’Iskender. Pourtant, en comparant Le Livre d’Iskender de Nezâmi avec Iskender de Judith Gautier, il nous semble qu’il n’y ait aucune influence du poète persan sur celle-ci. En France, Le Livre d’Iskender de Nezâmi avait été traduit par Louis Spitznagel en 1829.
Šâhnâmè, éd. cit., p. 360.
Voici le texte en persan :
[...] سكندر چو بشنيد شد سوي كوه بديدار بر تيغ شد بيگروه
سرافيل را ديد سوري بدست بر افروخته سر ز جاي نشست
پر از باد لب ديدگان پر ز نم كه فرمان كي آيد ز يزدان كه دم
چو بر كوه روي سكندر بديد چو رعد خروشان فغان بر كشيد
كه اي بنده آز چندين مكوش كه روزي بگوش آيدت يك خروش
كه رفتن بياراي و بر بند رخت بمان ديگري را مر اين تاج و تخت
چنين داد پاسخ بدو شهريار كه بهر من اين آمد از روزگار
كه جز جنبش و گردش اندر جهان نه بينم همي آشكار و نهان
از آن كوه با ناله آمد فرود همي داد نيكي دهش را درود ...
(Šâhnâmè, éd. cit. p 363.)
Šâhnâmè, éd. cit., p. 365.