c) Le contenu du Šâhnâme

L’ouvrage de Ferdowsi n’est donc pas entièrement original et on pourrait le lui reprocher mais comme l’affirme C.H. de Fouchécour : « Il a enchaîné tout le matériau dont il disposait dans quelques grandes idées qui lui étaient chères ; il a mis au service de ce travail un talent exceptionnel de poète épique et de narrateur. Il a cherché à recentrer sur l’Iran - ses rois et son « peuple » - ce que les sources plus immédiates devaient lui offrir en ordre dispersé 499 . »

On peut diviser le contenu du Livre des Rois en trois parties : la partie légendaire concernant la première dynastie légendaire de la Perse composée de dix rois, la partie épique concernant les héros et la partie historique concernant la dynastie des Sassanides. Le Livre des Rois contient cinquante chapitres, chaque chapitre correspond à un roi depuis l’époque de Kiumars jusqu’à Yazdguerd. C’est ainsi que Ferdowsiput raconter l’histoire de l’Iran. Parmi les cinquante rois on en rencontre des bons, et des mauvais qu’il blâme. Il ne s’agit pas uniquement d’un livre d’éloges des rois, l’auteur y fait l’éloge de tous les héros, de toutes les personnes honnêtes et intelligentes, ainsi que de l’Iran et du peuple iranien. Le Šâhnâme relate l’ensemble des expériences historiques de l’Iran pour administrer correctement la sociétéet procurer le confort à ses habitants. Le plus important aux yeux de Ferdowsi est la justice, il blâme la tyrannie qui est une conséquence du pouvoir absolu. La solution est le partage du pouvoir, d’ailleurs tout au long du livre, sauf dans la partie légendaire où les rois détenaient le pouvoir absolu, les héros ou les prêtres zoroastriens le partagent avec les rois.

La base de l’épopée nationale de Ferdowsi est la guerre entre le bon et le mauvais tout comme dans la religion de Zoroastre il y a la guerre entre le bien et le mal. Dans la partie légendaire, la guerre entre les bons et les mauvais nous est montrée sous la forme de guerres entre les rois et les dives qui étaient apparemment les Indiens non aryens de ce pays.

Tout au long du Šâhnâme, Ferdowsi parle de l’amour de la vie, du bonheur des gens, du respect des autres, de la haine de la guerre, du meurtre et de la destruction. L’idéal de Ferdowsi est l’Iran de l’époque des Sassanides ; l’esprit du Livre des rois reflète cette culture. Il est important de rappeler que même si Le Livre des Rois contient plusieurs histoires il présente tout de même une unité.

Le Livre des Rois de Ferdowsi est une épopée humaine au service de laquelle se trouve l’amour qui est naturel et non épique et qui est nourri par la force, la puissance des hommes et l’intelligence des femmes. Ces histoires amoureuses sont dépourvues des séparations et des soupirs habituels qui n’ont pas leur place dans l’épopée. Cet amour est caractérisé par les enjeux politiques qui sont sur son chemin et dont il triomphe toujours comme par exemple l’histoire de Zâl et Roudâbeh : Mehrâb est de la race de Zahhâk et à cause de la haine des Persans pour Zahhâk, ils refusent que le fils du héros Sam se marie avec une femme de cette famille.

L’importance de Ferdowsi pour les Iraniens est telle que l’on dit que s’il n’y avait pas eu des écrivains comme Goethe, Hugo et Pouchkine, la langue et la nationalité allemande, française et russe existeraient encore mais que si Ferdowsi et son Livre des Rois n’avaient pas existé la nationalité iranienne et la langue persane auraient peut-être disparu.

En Europe la traduction la plus connue est peut-être celle de Jules Mohl en français faite entre 1838 et 1878 en sept volumes. En 1826 Jules Mohl avait été désigné par le Roi pour corriger les trente-cinq exemplaires du Šâhnâme qu’il consultaet en reconstituer la version authentique. Il publia une édition bilingue du Livre des Rois en 1876-78.

Notes
499.

La description de la nature dans la poésie lyrique iranienne du XI e siècle, thèse, p. 28.