2 Résumé du Langage des Oiseaux

Le Langage des oiseaux est un poème de philosophie religieuse sous forme de dialogues en vers entre les oiseaux. Parmi ces poèmes, sont également évoqués plusieurs anecdotes et mythes persans et islamiques.

Attâr, après avoir loué Dieu, fait l’éloge de Mahomet. Il fait ensuite l’éloge des quatre califes qui ont suivi ce dernier après sa mort à savoir Abu Bakr, Omar, Osmân et Ali. Attâr continue son recueil en présentant et en louant les oiseaux pour ensuite décrire leur réunion.

Tous les oiseaux du monde se réunissent dans un certain lieu et décident de choisir un guide parmi eux pour les mener derrière le mont Qâf où réside le Simorq, le roi des oiseaux (ce nom désigne un oiseau fantastique et veut dire trente oiseaux ; le mot « Simorq » est composé de « Si » signifiant « trente » en persan et de « morq » signifiant « oiseau »). La huppe prétend être capable d’assumer cette tâche car « elle a […] sur la poitrine l’ornement qui témoign[e] qu’elle [est] entrée dans la voie spirituelle [et q’u] elle a […] sur la tête la couronne de la vérité 505 . » Elle prétend connaître le roi qu’elle est incapable de trouver seule.

Le désir de voir le Simorq s’empare des oiseaux. Cependant la route est longue et chacun d’eux trouve une excuse pour s’en dispenser malgré sa bonne volonté. Pour le rossignol, « Atteindre au Simorg, c’est au-dessus de [s]es forces, l’amour de la rose [lui] suffit. C’est pour [lui] qu’elle fleurit avec ces cent feuilles ; comment donc serai [t-il] malheureux 506  ? » La perruche déclare qu’elle n’a pas « la force de [s]’élever jusqu’à l’aile du Simorg ; la source de Khizr [lui] suffit 507 . » La perdrix dit : « Ô mes amis ! ouvrez les yeux, voyez ce que je mange et comment je dors. Peut-on provoquer celui qui dort sur une pierre et qui mange des pierres ? Mon cœur est blessé, dans cet état pénible, par cent chagrins, parce que mon amour pour les pierres précieuses m’attache à la montagne 508 . »

La huppe trouve une réponse à chaque oiseau et à chaque fois, elle termine son discours par une ou plusieurs anecdotes pour mieux convaincre l’oiseau en question et elle finit par les persuader. Les oiseaux font un tirage au sort pour choisir un guide et le sort désigne la huppe. Tous, au nombre de cent mille se décident à renoncer à la vie et à suivre la huppe pour aller au mont Qâf. Ils parviennent au chemin menant vers la première vallée déserte. La terreur s’empare d’eux lorsqu’ils aperçoivent le chemin sans fin qui les attend et ils décident de se réunir pour poser quelques questions à la huppe. Certains mettent en cause la crédibilité même de leur guide : « Ô toi qui te mets à notre tête ! dis-nous en quoi tu as sur nous la prééminence. Puisque tu es en réalité comme nous, et nous comme toi, d’où vient la différence qu’il y a entre nous ? Quelle faute avons-nous commise dans notre âme ou dans notre corps, pour que tu sois d’une catégorie pure, et nous d’une catégorie impure  509 ? »

Comme auparavant, le guide leur répond un à un en s’appuyant parfois sur des bases philosophiques solides et en terminant toujours sur une ou plusieurs anecdotes. En réponse au vingt-deuxième oiseau, il décrit les sept vallées à parcourir avant d’arriver au roi Simorq : « La première vallée qui se présente est celle de la recherche (talab) ; celle qui vient ensuite est celle de l’amour (’ischc), laquelle est sans limite ; la troisième est celle de la connaissance (ma’rifat), la quatrième celle de l’indépendance (istignâ), la cinquième celle de la pure unité (tauhid), la sixième celle de la terrible stupéfaction (hairat), la septième enfin est celle de la pauvreté (facr) et de l’anéantissement (fanâ), vallée au-delà de laquelle on ne peut avancer 510 . »

Après avoir entendu le discours de la huppe et les difficultés représentées par un tel voyage, certains oiseaux meurent de peur sur place. D’autres se mettent en route et entament un voyage qui durera quelques années. Seulement trente oiseaux arrivent au lieu qu’ils souhaitaient atteindre « sans plumes ni ailes, fatigués et abattus, le cœur brisé, l’âme affaissée, le corps abîmé 511  » et les autres oiseaux perdent leur vie ou bien renoncent au voyage.

Finalement, les trente oiseaux rencontrent le chambellan de la cour de la majesté suprême qui leur répond que la présence des oiseaux ne change rien à l’éternité de sa majesté et qu’ils feraient mieux de retourner à leur lieu de départ. Désespérés, ils répondent qu’à l’exemple du papillon qui ne saura se sauver du feu qu’il aime pour demeure, ils veulent être anéantis par le feu.

Le chambellan leur ouvre la porte et « un monde (nouveau) se présent[e] sans voile à ses oiseaux 512 . » Ils se rendent compte qu’ils sont devenus eux-mêmes le Simorq qui veut dire trente oiseaux. Ils voient « qu’eux et le Simor[q] ne form[ent] en réalité qu’un seul être 513 . » « Les oiseaux s’anéanti [ssent] en effet à la fin pour toujours dans le Simorq ; l’ombre se perd […] dans le soleil, et voilà tout 514 . »

Nous pouvons remarquer que tout au long du recueil, l’inspiration mystique est présente. Attâr est l’un des plus grands représentants du soufisme de l’époque. Les « sept vallées » sont des métaphores qui servent à montrer les sept « étapes » à franchir dans le soufisme pour arriver à Dieu. « Le chemin » parcouru par les oiseaux est bien « le chemin spirituel » qui mène à Dieu. « La huppe » est une métaphore pour montrer « le guide spirituel » et le « Simorq » illustre la félicité. Attâr montre dans ce recueil « l’unité dans la pluralité et la pluralité dans l’union. » Dans les extraits suivants, entre autres, nous retrouvons l’esprit mystique d’Attâr :

‘La Grâce

« Dans les rues de Bagdad un soufi un matin passait ;
il entendit un marchand qui criait :
« J’ai du miel, disait-il, j’en ai en abondance
et je le vends très bon marché ; qui me le prend ? »
Notre soufi lui dit : « O vendeur patient,
voudrais-tu en donner pour rien ? – A Dieu ne plaise !
N’es-tu pas fou, mon bon ? Quelle mouche te pique ?
Qui donnerait jamais rien pour rien à personne ? »
Mais une voix d’En-Haut : « Allons, soufi, dit-elle,
fais encore un effort, monte encore d’un degré,
Et tu recevras tout de moi sans rien donner,
et, s’il t’advient de le souhaiter, plus encore 515 . » »’ ‘L’Union Mystique

« Loqmân de Sarakhs dit : « O mon Dieu, je suis vieux
et je suis incertain et je suis égaré.
Un esclave vieilli a droit à quelque joie
et qu’on lui mette en main l’acte qui l’affranchit.
Regarde-moi, mon roi : voici qu’à te servir
mes cheveux noirs sont devenus comme la neige.
Je suis plein de tristesse, accorde-moi la joie ;
je suis vieux, fais-moi la grâce de m’affranchir. »
Une voix dit : « Sais-tu, ô l’élu entre tous,
que de celui qui veut quitter la servitude,
La conscience et la raison sont effacées :
sois prêt à t’en défaire, si tu le veux, et marche.
- O mon Dieu, dit Loqmân, Toi seul est mon désir
et peu m’importent ma conscience et ma raison. »
Et il sortit de la raison, de la conscience,
tout en dansant, battant des mains, dans sa folie,
Disant : « je ne sais plus désormais qui je suis.
Je ne suis plus esclave certes, que suis-je donc ?
De servitude, point ; de liberté, pas plus.
Mon cœur ne connaît plus la peine ni la joie.
Je ne sais plus : serais-Tu moi, ou suis-je Toi ?
Je suis perdu en Toi, le Deux est aboli 516 . » »’

Notes
505.

Garcin de Tassy. ’Attar, Le Langage des oiseaux (traduction), Paris, Sindbad, 1982, deuxième édition, p. 47.

506.

Ibid., p. 52.

507.

Ibid., p. 55.

508.

Ibid., p. 61.

509.

Ibid. p. 113.

510.

Ibid., pp. 229-230.

511.

Ibid., p. 290.

512.

Ibid., p. 293.

513.

Ibid., p. 295.

514.

Ibid., p. 296.

515.

Anthologie de la poésie persane, éd. cit., pp. 191 et 192.

516.

Ibid., p. 193.