2 L’unité de sens

Le Šâh Šojâ’ (qui a régné de l’an 759 à l’an 786 de l’Hégire), qui était le contemporain de Hâfez et écrivait lui-même des poèmes, reprocha aux qazals de ce dernier de ne pas présenter une unité de sens. En effet ils sont d’inspiration soufi, amoureuse, spirituelle, philosophique, matérialiste, et font l’éloge du vin.

Monsieur Ja’fari Langarudidans[Le Secret de la permanence de l’Iran dans les écrits de Hâfez] 529 , a cité trois théories au sujet du problème de l’unité de sens dans l’œuvre de Hâfez :

Selon Edward Browne, l’orientaliste anglais, certains qazals de Hâfez ont un sens spirituel où l’on trouve des symboles et des expressions codés, ce qui ne fait aucun doute, mais dans d’autres qazals le but du poète est de s’exprimer distinctement. Dans les poèmes de Hâfez les sujets matériels et spirituels sont mêlés, ceux qui connaissent les Iraniens savent que certains ont plusieurs facettes, ils sont parfois de bons musulmans, des mystiques, des fanatiques, des matérialistes ou des insouciants.

Selon Ahmad Kasravi (1890-1945), historien et écrivain iranien, Hâfez n’était intéressé que par les rimes et il construisit des poèmes purement formels ce qui explique que les vers n’aient pas de rapport entre eux du point de vue du sens. Selon Pétrowsky, un historien russe contemporain, les sujets des poèmes de Hâfez comme la beauté, l’amour, la liberté des sentiments et le vin n’ont pas de sens spirituel. Les musulmans fanatiques ont essayé de les justifier car ils avaient tout intérêt à récupérer les poètes connus pour s’attirer la sympathie de la population, récupération qui est possible car les vers du poète sont souvent ambigus. En effet Hâfez utilisait la technique de l’ihâm, c’est-à-dire qu’il faisait douter son lecteur en employant des mots possédant plusieurs sens. Il jouait principalement sur le sens propre et le sens figuré. Cette technique avait été utilisée auparavant par d’autres poètes. Ainsi la poésie de Hâfez est ouverte. Elle ne possède pas un système d’interprétation toute faite de son symbolisme, elle permet à la fois une lecture littérale accessible à tous et offre des prolongements perceptibles par la transfiguration du sens des mots et des phrases qui les portent. Le poète permet à son lecteur de le comprendre comme il le souhaite.

Notes
529.

Ed. cit., p. 155.