3 L’unité de structure

D’après Monsieur Bahâ-Ed-Din Xoram Šâhi dans [L’Esprit et le langage de Hâfez], la structure des qazals de Hâfez est plutôt inspirée de celle du Coran que de celle des qazals des poètes l’ayant précédé. En effet dans le Coran il n’y a pas d’ordre et d’unité de structure apparents tout comme dans l’œuvre de Hâfez. Certains considèrent que ce manque d’ordre constitue le défaut de ses poèmes, défaut encore accentué par les copistes qui dans les qazals modifièrent l’ordre des vers et le vocabulaire selon leur goût. Ce genre de modifications a pu se produire mais il est difficile de croire qu’il y ait eu tant d’erreurs.

Hâfez évoque plusieurs sujets philosophiques, religieux et amoureux. Cette variété de sujets que l’on peut trouver dans un seul qazal rappelle la technique du contrepoint en musique ; il s’est aussi parfois inspiré de Sa’di et de Xayyâm :

‘Douleur de solitude

O roi de beauté, je crie merci dans les souffrances de la solitude,
Sans toi, mon cœur est à la mort ; il est temps, reviens.
Les fleurs de ce jardin ne conserveront pas toujours leur fraîcheur ;
Aie pitié des fables tant que tu jouis de ta force.
La nuit dernière je me plaignais au Zéphyr à propos de cette chevelure.
Il me dit : « Tu es bien fort, laisse ces pensées noires :
Cent zéphyrs du matin, chargés de chaînes, dansent dans ses boucles ! »
Tel est celui que tu aimes, ô mon cœur, laisse donc tout espoir.
Le désir, ton absence, m’ont conduit au point de m’égarer loin du gué de la patience.
Mon Dieu, à qui confier le subtil secret qu’ici-bas
Cette omniprésente beauté nulle part ne se dévoile ?
Echanson, le gazon et la rose, si ton visage n’apparaît, sont privés de couleur.
Avance de ta démarche gracieuse, ô buis, pour rendre au jardin son éclat.
Les tourments que j’endure pour toi me sont un élixir sur cette couche d’infortune ;
Ton souvenir m’est un doux compagnon dans ma retraite solitaire.
Sur la circonférence du destin, je figure le point de la résignation.
La grâce se confond avec ta pensée, la juste sentence avec ton ordre.
Penser à toi, juger par soi, dans le monde des derviches, ni l’un ni l’autre n’est admis.
Hérésies, dans ce rite, que l’égoïsme et l’indiscipline.
Sous ce disque d’azur mon cœur saigne, verse du vin.
Je veux chercher dans la coupe d’émail bleu le mot de cette énigme 530 .’
Notes
530.

Anthologie de la poésie persane, éd. cit., p. 264.