Qaside vient du mot « qasd » qui signifie « un but précis », le but ici étant de rédiger un panégyrique. La période de domination de la qaside commença au début du IVe siècle et alla jusqu’à la fin du VIe siècle de l’Hégire, qui fut un siècle d’évolution littéraire. Elle connut son apogée au cours du Ve siècle et au début du VIe siècle. Mais déjà au Ve siècle à cause des évolutions politiques et sociologiques, comme par exemple l’avènement de la dynastie Saljuqiân (429) et du changement de la capitale du Xorâsân pour l’Irak, le panégyrique s’affaiblit même si à cette époque il existait des qasides très connues. Au VIe siècle, des poètes utilisaient à la fois la qaside et le qazal. Au fur et à mesure le qazal devint de plus en plus fort et la qaside s’affaiblit, le qazal prit même le rôle essentiel de la qaside pour le panégyrique. Après l’attaque des Mongols au VIIe siècle et la destitution des grands rois avec leur cour, la qaside laissa sa place au qazal. Au cours de ce siècle, le qazal supplanta totalement la qaside de telle sorte que Sa’di dans une qaside en annonça officiellement la mort et en critiqua la forme traditionnelle qu’il ne respecta plus. Zahir Fâryâbi (?-mort à Tabriz en 598 de l’Hégire), dans une qaside, après avoir fait l’éloge de plusieurs arts, ajouta que ce genre d’art n’avait aucun acheteur et que les qasides avaient laissé leur place à des masnavis, des qazals et des contes en vers.
La qaside fut le premier genre qui entra dans la littérature iranienne après l’Islam, à l’imitation de la poésie arabe. Les poètes des débuts comme Rudaki (moitié du IIIe siècle-329 de l’Hégire) et Onsori (?-431 de l’Hégire) imitèrent la poésie arabe dans tous ses aspects. Plus tard il exista un écart entre les qasides arabes et persanes, les qasides persanes penchèrent vers l’intérieur et la description du bien-aimé caché alors que la poésie arabe resta plutôt tournée vers l’extérieur.
L’unité de sujet qui existait dans les anciens qasides disparut aux époques Teymuri, peut-être à cause de l’influence du qazal. Dans les qasides des premières époques le sujet essentiel était l’éloge du bien-aimé, ce qui fut suivi par d’autres thèmes comme les conseils, la morale, le récit et les descriptions, les félicitations, les remerciements à Dieu, les plaintes, les élégies funèbres, la philosophie qui vinrent en second plan, même si des poètes connus comme Nâser Xosrow (394-481 de l’Hégire) écrivit des qasides religieuses et philosophiques, Manučehri (?-422 de l’Hégire) et Xâqâni (520-582 ou 595 de l’hégire) décrivirent la nature, Sanâi (?-525 ou 545 de l’hégire) utilisa la philosophie. Il faut considérer l’éloge comme le but essentiel des qasides.
La qaside contient de 15 à 50 ou 60 vers mais M. Mehdi Mo’iniân dans sa Grammaire de la langue persane écrit que le minimum est de 20 et le maximum est de 70, 80, parfois plus de 150. Un vers persan est constitué de deux hémistiches séparés par un espace. Le radif est le mot ou les mots qui se répètent à la fin des hémistiches ou des vers. Le qâfiye est l’équivalent d’une rime. Le terme qâfiye désigne plus précisément les mots situés à la fin de chaque hémistiche qui contiennent la rime, appelée les lettres du qâfiye. Le qâfiye se place avant le radif dans le cas où les deux sont présents dans un hémistiche 533 . On appelle le premier vers mosarra’, c’est-à-dire que les deux hémistiches du premier vers ont le même qâfiye et le même radif. Ce qâfiye et ce radif vont se répéter dans les hémistiches pairs des vers suivants (situés à gauche).
La qaside traditionnelle est composée de quatre parties. La première partie en est la mise en scène. Elle décrit les beautés de la nature, l’endroit où a lieu le festin. La deuxième partie, qui peut être composée d’un ou plusieurs vers, sert de transition entre la première et la troisième partie. La troisième partie constitue le corps de la qaside. En exagérant, le poète fait l’éloge du bien-aimé, ou louangé, il en donne l’image d’un héros épique, d’un être surnaturel accomplissant des choses extraordinaires, par exemple lorsque le roi traverse une rivière on dit qu’il traverse une mer immense et profonde. On peut identifier les héros des qasides grâce aux documents historiques, on sait que le héros ne méritait pas tous les éloges qu’on fait de lui et que bien souvent il avait beaucoup de défauts. Dans la quatrième partie le poète fait une prière en faveur du bien-aimé pour lequel il demande la vie éternelle. La qaside était surtout destinée à encourager les gens à faire la guerre. Parmi les autres poètes connus pour leurs qasides, nous pouvons citer Rudaki (né vers le milieu du IIIe siècle de l’Hégire/IXe siècle ap. J.-C.) à Banj Rudak, aux environs de Samarqand et mort en 329 de l’Hégire), Onsori Balxi (mort en 431 de l’Hégire/1039), Farroxi Sistâni (mort en 429 de l’Hégire), Masud Sad Salmân Lâhori (mort en 515/1121; il était alors bibliothécaire à la cour), Moezzi (né à Nisâpur ; mort avant 521/1127), Anvari (né vers 519/1125 et mort à Balx en 585/1189. Durant la captivité du prince, il composa une célèbre élégie Les Larmes du Xorâsân où il décrivit les dévastations subies par cette province).
Exemple d’un vers persan avec sa transcription phonétique en français contenant le radif et le qâfiye :
ﺨﻴﺎﻡﺍﮔﺭﺯﺒﺎﺪﻩﻣ ﺴﺘﻲ ،ﺧﻮﺶ ﺒﺎﺵﺑﺎ ﻻﻟﻪ ﺭﺧﻰ ﺍﮔﺭ ﻧﺸ ﺴﺘﻰ ﺧﻮﺶ ﺒﺎﺵ
radif qâfiye radif qâfiye
Xayyâm agar ze bâde m asti , xoš bâš
qâfiye radif
bâ lâle roxi agar neš asti , xoš bâš.
qâfiye radif
(J. B. Nicolas, Les Quatrains de Khèyam (traduction), Paris, Imprimerie Impériale, 1867, quatrain 242, p. 123.)
Exemple d’une qaside avec sa transcription phonétique en français contenant seulement le qâfiye :
ﺒﺱﺒﮔﺭﺪﻳﺪﻮﺒﮔﺭﺪﺪﺭﻮﺯﮔ ﺎﺭ ﺩﻞ ﺑﻪ ﺪﻧﻴﺎ ﺪﺭﻧﺒﻧﺩﺩ ﻫﻮﺸﻴ ﺎﺭ
ﺍﻴﻜﻪ ﺩﺴﺘﺖ ﻣﻳﺭﺴﺪ، ﮐﺎﺭﻯ ﺒﮐﻥ ﭘﻳﺵ ﻫﺯ ﺁﻦ ﮐﺯ ﺘﻮ ﻧﻴﺎﻳﺪ ﻫﻴﭻ ﮐ ﺎﺭ
ﺍﻳﻧﮐﻪ ﺩﺮ ﺸﻬﻧﺎﻣﻪﻫﺎ ﺁﻮﺭﺩﻩﺍﻧﺪ ﺭﺴﺗﻢ ﻮ ﺭﻮﻴﻴﻧﻪﺘﻥ ﺍﺴﻔﻧﺪﻴ ﺎﺭ
ﺘﺎ ﺒﺪﺍﻧﻧﺩ ﺍﻴﻥ ﺧﺪﺍﻮﻧﺪﺍﻥ ﻣﻟﮎ ﮐﺯ ﺒﺴﻰ ﺧﻠﻖ ﺍﺴﺖ ﺪﻧﻴﺎ ﻴﺎﺪﮔ ﺎﺭ
ﺍﻴﻧﻬﻣﻪ ﺭﻔﺗﻧﺩ ﻭ ﻣﺎﻯ ﺷﻮﺥ ﭼﺷﻢ ﻫﻴﭻ ﻧﮔﺭﻔﺘﻪ ﺍﺯ ﺍﻳﺷﺎﻥ ﺍﻋﺘﺑ ﺎﺮ
1. Bas begardid o begardad ruzg âr
Del be donyâ dar nabandad hušy âr
2. Eyke dastat miresad kâri bekon
Piš haz ân kaz to nayâyad hic k âr
3. Inke dar šahnâmehâ âvardeand
Rostam o ruyine tan esfandiy âr
4. Tâ bedânand in xodâvandân e malek
kaz basi xalq ast donyâ yadg âr
5. Inhame raftand o mâye šux cašm
Hic nagrefte az išân e’teb âr .