III.Conclusion Générale et implications pour l’enseignement

En adoptant le modèle théorique présenté ci-dessus, nous avons pu décrire l’activité cognitive de l’élève en termes de représentations, d’événements et de propriétés.

L’interprétation des résultats informe sur le fonctionnement cognitif de l’élève face à la tâche proposée. En effet, la chimie est une discipline qui permet d'interpréter des transformations chimiques au moyen de concepts fondamentaux comme la liaison chimique et la façon dont elle se forme ou se modifie.

Ces concepts semblent ne pas être manipulés pour eux-mêmes à partir de leur définition ou de leurs propriétés. Ce que les élèves manipulent, ce sont principalement les représentations symboliques de ces concepts, en utilisant des règles propres à ces symboles, même si elles n'ont pas été enseignées.

Ce fonctionnement du savoir ne permet pas d'aboutir aux conclusions en principe attendues par l'enseignant et s’écarte du sens profond que porte le concept de réaction chimique. La réaction chimique ne semble donc pas, pour les élèves, être considérée comme une réorganisation d'objets (atomes, électrons) mais résulte d'une manipulation de symboles.

Il est intéressant de comparer ce fonctionnement d'élèves débutants à celui de chimistes confirmés, doctorants ou chercheurs professionnels en chimie de synthèse. Les pratiques professionnelles de ces experts passent par les représentations symboliques. Il semble même exclu que ces personnes communiquent sans disposer d'un support (papier, tableau…) sur lequel il est possible d'inscrire les représentations des formules ou des réactions chimiques impliquées dans la discussion. La chimie, à ce niveau élevé, semble donc se communiquer par un jeu de symboles muni de règles de fonctionnement et de transformation. Le fait que la réaction chimique ne puisse se penser qu'en termes symboliques, ne semble donc pas être l'apanage du spécialiste puisque, au tout début de l'apprentissage, c'est également le moyen utilisé par les élèves alors même que ce moyen n'est pas opératoire.

Par l’étude et l’analyse de la manière avec laquelle l’apprenant approche les concepts fondamentaux  (atome, ion, molécule, transformation chimique, liaison chimique et couche électronique) nous avons constaté que les notions fondatrices autour desquelles les apprenants de différents niveaux construisent leurs réponses, sont un jeu de symboles et un formalisme dénudé du sens profond de la réaction chimique.

L’étude des corrélations nous a montré que l’usage intensif des représentations vient en fait compenser l’absence des évènements qui sont indispensables pour donner un sens à tout phénomène et concept chimique.

De ce fait l’apprenant ne parvient pas à approcher correctement les concepts chimiques, car le symbolisme et le formalisme ne lui permet pas de fonder une réponse complète. Cela a été confirmé par les entretiens d’explicitation qui ont montré que pour certains élèves le transfert d’électrons est remplacé par un transfert de charges positives et que l’équilibrage des équations chimiques est le centre d’intérêt de l’apprenant.

Manquant de compréhension profonde des concepts de chimie, les élèves sont incapables de percevoir la relation entre les différents concepts et leurs aspects quantitatifs (Gabel & Bunce, 1994) ; ce qui les empêchent de trouver la bonne solution à ces problèmes. Pour obtenir la « solution correcte » les apprenants tendent à adapter une variété d’algorithmes techniques, plutôt que de résoudre le problème utilisant des concepts scientifiques.

En investiguant la relation entre la résolution de problème et la compréhension des concepts chimiques, Nakhleh et Mitchell (1993) ont trouvé que l’enseignement conventionnel focalise sur « comment avoir la réponse correcte » et non sur la compréhension de la chimie elle même. Les enseignants préfèrent souvent les méthodes standard d’enseignement qui fournissent une formule numérique plutôt que les instructions qui demandent l’usage du raisonnement et du jugement.

Les résultats de notre recherche et des travaux cités montrent que les représentations et le formalisme peuvent inhiber la compréhension des concepts chimiques.

Comme implication pour l’enseignement nous avançons les propositions suivantes :

les enseignants devraient régulièrement vérifier la compréhension des concepts chimiques par leurs élèves avant d’introduire de nouveaux concepts.

les enseignants devraient aider les étudiants à maîtriser les méthodes qui les aident à convertir un symbole en une information et en un sens qui le traduit.

les enseignants ne devraient pas utiliser les symboles, les formules et les équations comme des représentations métaphoriques.

les enseignants devraient poser fréquemment des questions permettant, aux apprenants, de percevoir la relation entre les différents concepts et leurs aspects qualitatifs.