Afin d’analyser globalement les activités des quatre binômes nous avons procédé à un découpage de plusieurs niveaux. Ce découpage est similaire à celui adopté par Buty (2000) ; les niveaux du découpage sont : les situations, les phases et les étapes.
Une situation est alors définie par le contenu qu’elle met en jeu ; elle est construite avant la séance et met en jeu plusieurs activités différentes (situation A1, A2, B).
Une phase est définie, comme l’ensemble des interventions ayant une unité de sens ; elle peut constituer une réponse à une question ou à un groupement de questions. Une phase peut être définie, comme une situation, avant la séance et aussi en cours de la séance, mais sa structuration peut varier en fonction des réponses des apprenants. Chaque phase est repérée par des numéros des interventions extrêmes (début et fin des interventions relatives à la phase)
A priori avant les séances, nous avons défini cinq phases pour la situation A1de la manière suivante :
Après avoir transcrit les dialogues des binômes nous nous sommes aperçus que ces derniers peuvent traiter deux questions à la fois ; ceci a été observé pour les questions 3 et 4 chez les 4 binômes. C’est pour cette raison que nous avons considéré que les réponses à la question 3 et 4 constituent une seule phase.
A son tour une phase peut être subdivisée en étapes qui traduisent avec plus de précision l’activité de l’apprenant et reconstituent sa démarche . La succession des étapes à l’intérieur d’une phase reconstituent la façon dont l’élève traite une question pour répondre à ce qu’on lui demande de faire.
Il est à signaler que pour les étapes, il n’y a pas de correspondance entre chaque alinéa et les tours de parole, par ce qu’elles peuvent être évoquées à plusieurs reprises à différents moments de la phase.
D’après l’analyse des transcriptions, les quatre tableaux ci-dessous résument pour les quatre binômes les grandes phases de l’activité. L’intégralité des phases d’activités pour les quatre binômes enregistrés est donnée en annexes (Annexes C).
Phase |
N° d’interventions du début et de la fin de chaque phase |
Etapes de chaque phase de l’activité |
1 | 1 - 8 | Reconnaissance du matériel Lecture des données Réalisation de l’expérience demandée |
2 | 9 - 22 | Description des observations Identification des entités présentes Réponse à la question1 : Identification du dépôt formé Cu(NO3)2 en s’appuyant sur le modèle des couples de charge |
3 | 23 - 46 | Réponse à la question2 : Ecriture de l’équation correspondante à la dissociation de AgNO3 Identification des couples Ecriture des demi équations redox Ecriture de l’équation bilan Conclusion que le dépôt n’est pas Cu(NO3)2 mais Ag |
4 | 47 - 53 | Réponses aux questions 3 et 4 : Ecriture de l’équation prévue qui est inverse par rapport à la première équation Interrogation sur la possibilité de cette réaction Evocation de la force et du pouvoir oxydant Confirmation que c’est bien la réaction inverse qui se passe et justification par le transfert d’électrons |
Phase |
N° d’interventions du début et de la fin de chaque phase |
Etapes de chaque phase de l’activité |
1 | 1 - 8 | Reconnaissance du matériel Lecture des données Réalisation de l’expérience demandée |
2 | 9 - 26 | Réponse à la question1 : Identification du dépôt comme étant Ag à partir des observations Identification du dépôt à partir de la demi réaction |
3 | 26 - 50 | Réponse à la question2 : Ecriture des demi équations redox Ecriture de l’équation bilan selon le sens de la formation du dépôt de Ag |
4 | 51 - 56 | Réponses aux questions 3 et 4: Conclusion immédiate que rien ne se passe Argumentation par le pouvoir réducteur |
Phase |
N° d’interventions du début et de la fin de chaque phase |
Etapes de chaque phase de l’activité |
1 | 1 - 8 | Reconnaissance du matériel Lecture des données Réalisation de l’expérience demandée |
2 | 9 - 20 | Description des observations Identifications des entités présentes Réponse à la question1 : Identification du dépôt formé comme étant du Ag à partir de l’équation de la réaction |
3 | 21 - 36 | Réponse à la question2 : Ecriture des demi équations redox Ecriture de l’équation bilan selon le sens de la formation du dépôt de Ag |
4 | 37 - 51 | Réponses aux questions 3 et 4: Conclusion immédiate que rien ne se passe Argumentation par le pouvoir oxydant Vérification des pouvoirs oxydants à travers les potentiels de référence |
Phase |
N° d’interventions du début et de la fin de chaque phase |
Etapes de chaque phase de l’activité |
1 | 1 | Reconnaissance du matériel Lecture des données Réalisation de l’expérience demandée |
2 | 2 - 13 | Description des observations Réponse à la question1 : Identification du dépôt formé comme étant du Ag à partir de ses propriétés perceptibles Identification du dépôt formé à partir de l’équation de la réaction |
3 | 13 - 22 | Réponse à la question2 : Ecriture des demi équations redox Ecriture de l’équation bilan selon le sens de la formation du dépôt de Ag |
4 | 23 - 85 | Réponses aux questions 3 et 4: Conclusion immédiate que rien ne se passe Argumentation par la constante d’équilibre Calcul de la constante d’équilibre à partir des potentiels de référence indépendamment des conditions expérimentales |
Ces tableaux permettent une analyse globale des réponses des élèves. Pour la première phase, tous les binômes sont passés chronologiquement par la reconnaissance du matériel, par la lecture des données et par la réalisation de l’expérience demandée; ce qui confirme les étapes construites pour prévoir l’activité de l’apprenant. Pour répondre aux questions 1 et 2 de la situation A1, trois des quatre binômes ( S&A, Y&B, K&F ) ont procédé à une identification du dépôt formé à partir des observations et à partir de l’écriture de l’équation de la réaction dans le sens de la formation de l’argent Ag. Donc les observations ont guidé les étudiants à identifier le dépôt formé et à écrire l’équation correspondante, ce qui ne fait pas expliciter le modèle appliqué par ces trois binômes. Généralement le recours à l’observation n’est pas la spécificité d’un binôme ou d’un autre, c’est ce qu’on trouve dans la littérature (Rollnick & al, 2001 ) et qui confirme qu’au cours des expérimentations les apprenants commencent toujours par l’observation.
Exceptionnellement pour le binôme J&C, l’identification du dépôt formé a été faite en premier lieu à partir du modèle des couples de charges et c’est par la suite en identifiant les entités et les couples présents que le binôme J&C a fourni l’équation correspondant à la formation de Ag.
Pour répondre aux questions 3 et 4, nous remarquons qu’il y a un consensus « immédiat » sur l’irréversibilité de la réaction chimique pour les quatre binômes.
Cette irréversibilité de la réaction chimique découle du fait que les quatre binômes s’appuient principalement sur le modèle des potentiels de référence. Nous repérons l’usage de ce modèle à travers le recours aux pouvoirs oxydants, aux pouvoirs réducteurs ou même à la constante d’équilibre dans les conditions normales. Les interventions des différents binômes se présentent alors comme suit :
Binôme J&C :
C 54 : mais est-ce qu’elle est possible cette réaction ( ?) je me demande si elle est possible ( ?)
C 56 : peut être que ils n’ont pas la même force pouvoir oxydant des deux couples ne permet pas la réaction
Binôme Y&B :
Y 39 : si on fait l’inverse qu’est ce qu’on va obtenir ( ?)
Y 43 : normalement y a pas de réaction
B 44 : par ce que le pouvoir oxydant de Cu2+ elle est inférieur au pouvoir oxydant de Ag+
Binôme K&F :
F 23 : normalement je pense qu’il n’ y a aucun de réaction rien ne se passerait
K 27 : on peut calculer le la constante d’équilibre de cette réaction
Ce consensus sur l’irréversibilité de la réaction chimique n’est qu’une déduction faite à partir du modèle des potentiels de référence. En effet le modèle des potentiels de référence ne prends pas en compte la réversibilité de la réaction d’oxydoréduction, la réversibilité apparaît alors en conflit avec ce modèle. Dans le but de savoir si l’apprenant conçoit la réversibilité et pour savoir quels sont les processus cognitifs mis en jeu lorsqu’il y a réversibilité de la réaction d’oxydoréduction, nous allons pour les quatre binômes procéder par une analyse plus fine de cette irréversibilité.