III.Conclusion de la situation A2

Pour cette situation, la tâche demande de prédire, de réaliser, de décrire et de commenter un événement. Vu que cette situation est centrée sur le niveau événement qu’il soit perceptible ou reconstruit (E ou é), tous les binômes se sont penchés principalement sur le niveau événement. Mais selon les binômes il y a des mises en relation du niveau événement avec d’autres niveaux.

Pour cette situation, les binômes J&C, K&F et Y&B ont suivi un cheminement qui confirme l’analyse a priori :

Dans l’étape de la prédiction et à partir des réponses des différents binômes, la règle du gamma et le modèle de l’équation directe s’avèrent être le moyen le plus simple, car ils mettent en jeu moins de paramètres que le modèle de Nernst. Ce dernier modèle qui permet la bonne prédiction, est plus complexe car il met en jeu plusieurs paramètres relatifs à l’équation de Nernst tels que la température, la pression, le transfert d’électrons et la concentration qui ne sont pas explicites dans la tâche proposée. Pour cette raison, nous supposons que les différents binômes n’arrivent pas à mobiliser les concepts de base (concentration et échange d’électrons) pour construire le modèle de Nernst, mais ces concepts sont substitués par un formalisme qui empêche l’apprentissage et qui se restreint à un équilibrage d’équations chimiques.

Les concepts de base, sur lesquels les binômes devraient construire leurs réponses, sont souvent remplacées par des représentations symboliques. Dans notre cas les connaissances de base relatives à l’électron sont remplacées par la règle du gamma.

Comme en seconde et en première, pour construire leur raisonnement, les élèves ne font pas appel aux concepts fondamentaux mais aux représentations. Dans le cas de la seconde et de la première c’était les représentations et les équations dans notre cas c’est le modèle des potentiels de référence ou la règle du gamma. Ceci nous mène à conclure que les notions sur les électrons qui n’étaient pas bien comprises lors de l’apprentissage fondamental, ne sont pas bien utilisées ultérieurement. Par conséquent les étudiants n’utilisent la notion de transfert d’électrons que pour équilibrer l’équation de la réaction. Aussi les étudiants n’arrivent pas à faire le lien entre l’évolution du système chimique et les concentrations des entités présentes dans ce système. Dans les deux cas, au secondaire et au supérieur, les connaissances de base, électrons et concentration, sont remplacées par des formalismes qui empêchent l’apprentissage.

Après avoir réalisé l’expérimentation et constaté par l’observation que c’est la réaction inverse qui s’est produite, les trois binômes ne concluent pas directement par cette observation mais ils essayent de repérer, en plusieurs étapes, cette évolution inattendue du système chimique.

Toutes ces étapes et ces démarches, adoptées par les étudiants pour pouvoir conclure qu’il y a bien eu une réaction inverse par rapport à celle prévue, montrent bien à quel point le modèle des potentiels de référence et la règle du gamma sont des connaissances fondatrices autours des quelles les apprenants construisent leurs réponses .

Pour les différentes étapes d’activité et particulièrement pour les conclusions, les binômes J&C, K&F et Y&B articulent les trois principaux niveaux : perceptible, reconstruit et théorique. Nous remarquons que, d’après l’analyse des transcriptions (Annexes C), tous les différents niveaux sont mis simultanément en jeu dans des phases de conclusion, d’interprétation et de décision, c’est-à-dire dans des moments forts de l’apprentissage.

Aussi, nous remarquons que, dans l’étape du retour au niveau théorique (schémas ci-dessus) et pour argumenter le sens observé de la réaction, les binômes se réfèrent encore aux pouvoirs oxydants et aux lois d’équilibrage, et ne font pas recours à l’équation de Nernst.

K&F particulièrement cherchent d’autres couples et par conséquent d’autres potentiels de référence qui répondent à la règle du gamma et aux observations faites, ils travaillent alors avec des équations chimiques plutôt qu’avec la loi de Nernst.

D’après l’analyse des transcriptions pour les trois binômes J&C, Y&B et K&F nous avons repéré la prédominance de la règle du gamma pour les modèles chimiques mis en jeu par les étudiants pour la totalité de la situation A2.

Ce recours abusif au modèle des potentiels de référence n’a pas empêché, pour les binômes Y&B et K&F, l’apparition des grandeurs concentration et constante d’équilibre. Plus encore K&F font référence à la constante d’équilibre et à la stabilité, mais ils n’ont pas pu articuler ces niveaux théoriques avec d’autres niveaux de modélisation pour expliciter, par exemple, la relation entre la constante d’équilibre et le potentiel du système.

D’après l’analyse des réponses des différents binômes, nous pouvons déduire que même si la réponse est erronée, les étudiants ont fourni un effort cognitif important mais qui reste centré sur le modèle des potentiels de référence. L’usage abusif de ce modèle n’a pas aidé les apprenants à évoquer l’importance des concentrations dans l’évolution d’un système redox. Ceci peut s’expliquer par le fait que dans un exercice écrit, on donne toutes les valeurs nécessaires pour répondre à la question; or dans cette situation expérimentale, les concentrations étaient indiquées sur les flacons. Bien que les concentrations soient données, les étudiants ne les utilisent pas car elles ne sont pas données d’une manière explicite mais elles sont présentes dans la situation ; vu que dans une situation expérimentale il y a beaucoup d’informations, et quand l’étudiant doit choisir, il ne fait pas souvent le bon choix. Bien qu’ils sachent utiliser le modèle de Nernst dans le cas d’exercice, et devant une situation expérimentale, les étudiants ont les éléments de la situation mais ils ne les mettent pas en relation ; ils utilisent plutôt des modèles beaucoup plus primitifs par ce qu’ils mettent moins de niveaux en relation.

Comme implications à l’enseignement, le lien entre les concentrations des entités présentes et la grandeur prédictive E doit être fait aussi fréquemment que possible. Donc pour trouver une nouvelle interprétation de l’évolution d’un système chimique, c’est-à-dire pour permettre un bon retour au niveau théorique et une émergence du modèle de Nernst, il faut fournir aux étudiants des informations qui relèvent du niveau théorique telles que les concentrations des entités présentes. Il faut aussi attirer l’attention des apprenants sur les différentes observations et leur faire exploiter leur totalité ; ceci va leur permettre de se servir des observations utiles au modèle qui devrait apparaître.