5.4. Le récit.

Le lecteur note que le premier texte obéit à la forme narrative, ou constitue un récit, mais des difficultés d'interprétation surgissent; en effet, la proposition narrative (Pn) actions se trouve située bien avantles Pn situation initiale et nœud, ce qui va à l'encontre de l'ordre habituel tel que suggéré par F. Revaz (1997); le problème aussi c'est que le lecteur n'interprète la Pn actions -posée dès le premier chapitre- comme une Pn actions qu'après que le texte aura posé les Pn situation initiale et nœud- ces deux dernières Pn sont exposées bien loin au deuxième chapitre.

Pour résumer disons que les différentes Pn n'apparaissent pas dans l'ordre proposé par F. Revaz.

Toujours au premier texte, il existe des éléments qui entravent la progression du récit comme la répétition de certains thèmes au sein du même chapitre, la présence d'éléments qui n'ont aucun lien causal avec le récit comme cette invocation au chapitre deux qui prend dix pages (de la page 58 jusqu'à la page 67), la danse (de la page 68 jusqu'à la page 71), les histoires racontées par l'aveugle au chapitre trois (de la page 230 jusqu'à de la page 232), les circonstances historiques de la colonisation du Maroc qui occupent presque la totalité du chapitre cinq...

Le deuxième texte présente une toute autre structure, puisque le lecteur se trouve devant une multiplicité d'actions dépourvues de lien causal les unes avec les autres, alors que le récit exige une action "unifiée" avec des sous-actions liées les unes aux autres: il s'agit dans ce texte non pas d'un récit, mais plutôt des "chroniques de la vie de Lalla".

Il faut dire que le récit n'est pas totalement absent du deuxième texte, mais se trouve dépendant structurellement des chroniques qui occupent le niveau enchâssant16: ces quelques récits qui dépendent des chroniques sont marginaux par rapport à l'économie générale du texte.

En remarquant que dans les deux textes le récit est fortement perturbé:

  • puisqu'il n'y a pas d'ordre dans l'enchaînement des propositions narratives;
  • et que certains éléments viennent occuper la place du récit en l'évacuant, comme l'invocation au chapitre deux qui prend dix pages, ou les circonstances historiques qui sont évoquées tout au long du chapitre cinq;
  • et que dans le deuxième texte le récit reste marginal par rapport à une structure dominante (en l'occurrence les chroniques);

, l'effet esthétique sélectionné par le lecteur consiste en la constatation de la mise à l'écart, et la minoration, dans Désert, de l'un des symboles du roman17.

Notes
16.

Cette idée de niveaux enchâssé et enchâssant fait allusion aux suggestions de G. Genette (1983): comme nous le verrons plus loin Genette postule que le niveau enchâssé ne peut exister sans le niveau enchâssant, d'où le constat de dépendance.

17.

Dans Le Clézio, l'écart romanesque, M. Labbé fait remarquer que le récit en tant que symbole du roman, est l'une des composantes qui s'est trouvée la plus perturbée dans les œuvres de le Clézio.