6.5. Le récit selon F. Revaz.

Dans notre étude de cette composante, nous nous sommes appuyés sur le travail de F. Revaz; en effet, son livre les Textes d'action (1997) vient après maintes études concernant une problématique sur laquelle beaucoup de théories se sont penchées, entre autres la sémiotique de A. J. Greimas.

F. Revaz introduit ce schéma dans sa définition du récit:

Ce qui différencie le récit des autres types d'actions, c'est justement la proposition narrative (Pn) "nœud" qui est définie comme ce qui "viole l'immobilité" de la "situation initiale" (1997: 177), et provoque la "perturbation"; ou encore le nœud c'est ce "point culminant -l'acmé- suivi d'un dénouement", (Ibid. : 182).

Ce qu'il faut ajouter aussi c'est que ces cinq propositions narratives se suivent dans un ordre bien précis: on a d'abord la Pn situation initiale, suivie par la Pn nœud, après c'est la Pn action qui se met en place, pour être suivie de la Pn dénouement, et à la fin la situation finale.

Cet exemple extrait de Queneau (1967)23 permet de faciliter la compréhension et l'application de ce schéma:

‘IL FAUT FAIRE SIGNE AU MACHINISTE. ’ ‘La dame attendait l'autobus’ ‘Le monsieur attendait l'autobus’ ‘Passe un chien noir qui boitait ’ ‘La dame regarde le chien’ ‘Le monsieur regarde le chien’ ‘Et pendant ce temps-là l'autobus passa. (Exemple tiré de F. Revaz; Ibid. : 188) ’

Cet extrait est un prototype d'un récit avec:

Nous allons voir maintenant quelle est la principale critique adressée par F. Revaz à A. J. Greimas, et qui nous a motivés à adopter ses hypothèses. Pour A. J. Greimas deux concepts entrent dans la définition de "la narrativité", (ou du récit), et qui sont l'état et la transformation. Cette hypothèse a été reprise par le Groupe d'Entrevernes dans Analyse sémiotique des textes:

‘On appelle narrativité le phénomène de succession d'états et de transformations. (1979: 14) ’

Ainsi la transformation, qui est liée à l'état d'un sujet, est définie comme

Le principal reproche adressé par F. Revaz à la sémiotique de A. J. Greimas, c'est qu'elle considère la transformation comme étant le seul critère qui doit être pris en compte pour dire qu'on est devant un récit, ou un texte narratif. Or la recette, comme celle de la "soupe au pistou"24, ou d'un gâteau, présente elle aussi une transformation, sans qu'elle relève du "récit", puisque ce dernier se caractérise par la présence du nœud défini comme ce qui "viole l'immobilité" de la situation initiale; il se trouve que cette perturbation reste absente dans la recette:

‘On constate que le passage de la Situation initiale à la Situation finale se fait linéairement, sans "déclencheur" d'aucune sorte. En somme, ce qui différencie radicalement la recette d'un récit c'est bien l'absence totale de perturbation. Dans la mesure où une recette ne relate pas une série d'actions singulières s'étant déjà produites une fois, mais un programme potentiel à réaliser autant de fois que désiré, il paraît évident qu'elle ne peut pas prévoir dans sa structure le surgissement d'un évènement inattendu, c'est-à-dire un nœud. (1997 : 178) ’

Il est clair qu'en rattachant les textes procéduraux, comme les recettes, à la narrativité (ou le récit), la sémiotique greimassienne n'a pas vu qu'une transformation ne donne pas nécessairement du "récit", et que ce qui différencie le récit ou un texte narratif, d'une recette, c'est que justement cette dernière est dépourvue de nœud, c'est-à-dire de cet élément perturbateur.

Nous pensons que l'apport principal de F. Revaz est d'avoir clairement démontré, avec des exemples à l'appui, que le "récit" peut être étudié de façon rigoureuse et scientifique en s'appuyant sur des outils qui relèvent de la linguistique textuelle.

Notes
23.

Œuvres complètes I; la Pléiade.

24.

Étudiée par A. J. Greimas dans du Sens II