Conclusion.

Tous ces exemples amènent le lecteur à conclure que le narrateur, qui a choisi d'être l'intermédiaire entre lui et le texte, en prenant en charge la construction textuelle, est "indigne de confiance" selon l'expression employée par W. C. Booth (1970):

‘Je dirai d'un narrateur qu'il est digne de confiance quand il parle ou agit en accord avec les normes de l'œuvre. (1970: 52)’

Alors que le narrateur indigne de confiance est celui qui est "capable d'erreur", (Ibid. : 52).

Dans du Sens II A. J. Greimas postule que

‘toute proposition formulée par l'énonciateur repose sur une base épistémique allant de l'affirmation au doute et de la réfutation à l'admission (des dizaines de verbes tels que prétendre, présumer, supposer...). Cet acte épistémique, pourtant, qui sert de prélude à la communication, n'est pas une simple affirmation de soi, mais une avancée, une sollicitation de consensus, d'un contrat, auxquelles l'énonciataire donnera suite par une acceptation ou un refus. (1983 : 123)’

Il se trouve que dans le premier texte, des verbes comme "douter", ou"prétendre" ne sont pas explicitement employés, et c'est au lecteur de trouver cette base épistémique à travers les multiples indices que nous avons examinés plus haut.

Ces indices ont démontré que ce lecteur:

  • émet des doutes sur les capacités du narrateur à prendre en charge la narration;
  • et à la fin prend ses distances par rapport à lui;

, ce qui a pour conséquence de rompre la confiance ou le "contrat fiduciaire" entre les deux.

Dans le Dictionnaire raisonné (1979), A. J. Greimas définit ainsi le "contrat fiduciaire":

‘Le contrat fiduciaire met en jeu un faire persuasif de la part du destinateur et, en contrepartie, l'adhésion du destinataire38. ’

Or, les indices que nous avons vus font que le narrateur du premier texte n'emporte pas "l'adhésion" du lecteur.

Enfin, nous pensons que par-delà le cas particulier de Désert, le lecteur ne manque pas de se poser la question -à chaque fois qu'il lit un texte littéraire -ou de presse, par exemple- si le narrateur (cette instance-intermédiaire entre ce lecteur et le livre) est digne de sa confiance et de donc de son "crédit"39.

Notes
38.

Entrée "Fiduciaire".

39.
Voir la partie "le narrateur, le lecteur et le principe de contrat fiduciaire selon A. J. Greimas."