Dans cette partie, l'objectif de notre analyse consiste à déterminer si le deuxième texte de Désert:
Pour ce faire, nous allons suivre la progression de l'action dans tous les chapitres qui composent les deux parties de Désert:
Lalla marche; elle cueille une feuille de plante grasse; elle poursuit un bourdon en courant (page 75); Lalla écarte les fourmis avec une branche (page 77); elle joue avec les mouches (page 78); elle se dirige vers la mer (page 79); elle court, puis monte sur les dunes (page 81); elle retourne vers la Cité pour travailler (page 85); elle va vers les dunes pour voir le ciel (page 90); le matin Lalla va chercher l'eau à la fontaine (page 92).
Lalla va dans la direction du plateau de pierre pour rencontrer Es Ser, le Secret, et pour voir le désert à travers ses yeux.
Lalla observe les guêpes et les mouches (page 100); elle regarde les feux, puis ramasse les brindilles et les rapporte à la maison d'Aamma (page 101); quand Naman vient chez Aamma, Lalla lui demande de lui dire les noms des villes qui la font rêver (page 102).
Lalla va chercher le Hartani dans les collines (page 108); avec le Hartani, Lalla marche à travers les champs de pierre (page 110); dès qu'elle termine son travail, elle se dirige vers les collines pour voir le Hartani, (page 112); elle observe avec lui le ciel et les pierres, et écoute le chant des insectes (page 113).
Lalla va à la mer (page 115); soudain elle ressent le regard d'Es Ser: elle veut qu'il cesse sa vengeance.
Lalla demande à sa tante de lui raconter l'histoire de l'Homme Bleu.
Un jour, Lalla suit le Hartani dans un gouffre (page 126); elle le suit encore quand il commence à chercher les odeurs (page 129); quand elle termine son travail à la Cité, elle se dirige vers les collines (page 136); un jour, elle entre avec le Hartani dans l'un des trous des collines (page 138).
Lalla cueille des aiguilles pour le feu préparé par Naman (page 143); elle va chercher la poix pour que Naman calfate son bateau, Lalla s'assoit pour écouter l'histoire racontée par le pêcheur (page 145); quand Naman termine de raconter l'histoire, Lalla reste un peu à la plage puis elle rentre chez elle à la tombée de la nuit, (page 151).
Quand elle va à la mer, elle essaie de se souvenir de sa mère, morte il y a longtemps (page 153); elle continue après à se promener au bord de la mer (page 157); quand elle voit la grande mouette blanche, elle court derrière elle (page 159).
La nuit, quand il pleut, Lalla ne s'empêche pas d'observer les éclairs, et d'écouter la pluie qui tombe (page 160); un jour elle part avec Aamma pour prendre un bain dans l'établissement de bains (page 161).
Durant tout le mois du jeûne, Lalla voit voir le Hartani dans les collines (page 167); après le coucher du soleil la famille d'Aamma se réunit pour manger (page 168); un jour, Lalla se réveille: elle sait que le mois du jeûne est terminé et que c'est le jour de la fête, elle part à la mer pour se baigner (page 170), puis retourne chez Aamma pour manger les beignets (page 171); quand le moment de tuer le mouton arrive, Lalla s'enfuit à la mer pour ne pas voir jaillir le sang du mouton, juste après elle retourne vite pour manger la viande (page 173); elle écoute les histoires racontées par sa tante (page 174); quand sa tante finit de raconter les histoires, Lalla va à la mer pour observer la nature, puis elle rentre chez elle.
L'argent est arrivé à manquer dans la maison: Aamma décide alors d'emmener Lalla dans un atelier pour travailler; un jour après Lalla se dispute avec la patronne de l'atelier qui frappe tout le temps les petites filles, et s'enfuit.
Aamma propose à Lalla de se marier à un homme riche, mais la jeune fille refuse (page 193); quand elle apprend que Naman est tombé malade à cause du vent de malheur, Lalla part lui rendre visite (page 196); l'homme riche revient une deuxième fois, mais Lalla s'enfuit vers les collines; le vieux Naman est mort.
Lalla décide de s'enfuir vers le désert avec le Hartani, parce que l'homme riche est revenu plusieurs fois pour la demander en mariage.
Lalla se retrouve à Marseille; elle est hébergée chez sa tante Aamma, (page 265); elle passe ses journées à marcher dans les rues, et à observer les gens venus de tous les pays travailler à Marseille.
Lalla fait la connaissance de Radicz, un mendiant gitan; parfois elle passe la journée avec lui en regardant les gens qui entrent et sortent de la gare (page 277); Lalla se sent mal, en voyant tant de pauvres, et elle s'évanouit (page 279).
Un policier frappe à la porte de l'appartement d'Aamma pour vérifier les papiers: Lalla se dispute en lui intimant de partir.
Lalla trouve un travail, dans un hôtel (page 289); le matin, quand les locataires partent travailler, elle nettoie l'escalier, puis les chambres (page 291); dès qu'elle finit son travail, elle se promène dans les rues où il y a beaucoup de monde (page 293), après elle se dirige vers le port (page 294).
Dès qu'elle a fini son travail, Lalla marche dans les rues de la vieille ville (page 300); elle passe à côté des immeubles où s'entassent des gens pauvres (page 302); elle passe à côté de la cathédrale (page 305); elle se trouve après dans l'avenue où il y a beaucoup de monde (page 311); Lalla observe des hommes qui regardent deux prostituées sorties d'un immeuble (page 313); enfin elle s'enfuit en courant.
Lalla a décidé de quitter l'appartement d'Aamma, pour vivre seule dans un réduit à l'hôtel où elle travaille (page 317); un jour, un locataire a voulu abuser d'elle (page 321); quand elle apprend que M. Ceresola, l'un des locataires de l'hôtel, est mort, elle va chez lui pour le voir une dernière fois (page 324).
Lalla décide d'arrêter de travailler à l'hôtel; elle accompagne Radicz dans un magasin, puis dans un restaurant; elle fait la connaissance d'un photographe qui lui propose de travailler comme cover-girl.
Lalla est devenue une célèbre cover-girl: ses photos sont partout dans les magazines; le photographe l'emmène à Paris (page 349); elle accorde une interview à une journaliste (page 352).
Radicz se promène dans les rues, tôt le matin; il cherche à voler une voiture (page 387); à mesure que le jour monte, Radicz sent la peur qui augmente (page 391); enfin la portière d'une voiture s'ouvre (page 391); en même temps une voiture de policiers arrive, Radicz s'enfuit (page 393), mais un autobus le percute: il est mort.
Lalla quitte le photographe pour revenir à la Cité, elle donne naissance à une fille, fruit de son amour avec le Hartani.
Comme nous le remarquons, le deuxième texte du Désert ne dispose pas d'une action "unifiée"; en effet:
Ainsi, dans la première partie, il n'y aucun lien entre:
Le lecteur note le même mécanisme entre:
Le lien demeure inexistant aussi entre:
Nous pouvons multiplier les exemples, mais nous pensons que ce que nous avons présenté est suffisant pour prouver que dans la première partie, les actions sont multiples et sont dépourvues de lien causal entre elles pour pouvoir construire un récit.
Dans la deuxième partie, le lecteur se trouve devant le même mécanisme avec des actions privées de lien entre elles:
La même remarque vaut pour le chapitresix où Lalla a décidé de quitter l'appartement d'Aamma, pour vivre seule dans un réduit à l'hôtel où elle travaille, et le chapitre sept où se trouvant dans un restaurant avec Radicz, Lalla fait la connaissance d'un photographe qui lui propose de devenir une cover-girl.
Le chapitre neuf accentue encore l'hypothèse selon laquelle le deuxième texte ne développe nullement une action "unifiée": en effet dans ce chapitre il s'agit plutôt d'une série d'actions se rapportant à un personnage autre que Lalla, en l'occurrence Radicz.
Il faut souligner quand même que le lien causal n'est pas complètement inexistant, mais reste marginal par rapport à l'ensemble du deuxième texte de Désert:
Au chapitre treize, le lecteur apprend qu'Aamma propose à Lalla de se marier avec un homme riche:
‘"Ce sera un bon mari pour toi", dit Aamma. "Il n'est plus très jeune, mais il est riche, il a une grande maison, à la ville, et il connaît beaucoup de gens puissants. Tu dois l'épouser." p193’Le lecteur comprend alors qu'un lien causal unit les chapitres douze et treize: si la tante propose à Lalla de se marier à l'homme riche, c'est parce que l'argent permettra à sa famille, en difficulté, de s'en sortir.
Un autre lien causal existe aussi entre les chapitres treize et quatorze: en effet si Lalla décide de s'enfuir au désert, c'est parce que l'homme riche est revenu plusieurs fois chez sa tante dans l'espoir de l'épouser:
Dans la deuxième partie du texte, le lien causal existe aussi:
Et effectivement, Lalla a quitté le photographe au chapitre dix.
Bien que le lien causal ne soit pas complètement exclu, il reste par contre marginal tout au longdu deuxième texte. Comme F. Revaz, nous sommes tentés d'affirmer que, certes, on peut "localement" repérer une causalité,
‘mais la somme des actions ne constitue pas vraiment une action "une". (Ibid. ; 169) ’Rappelons que le deuxième texte de Désert comporte deux parties: l'une est appelée Le Bonheur, et l'autre La vie chez les esclaves.