4. Les Chroniques d'une vie dans le deuxième texte.

Nous avons démontré comment le deuxième texte développe une multitude d'actions qui, dans la plupart des cas, n'entretiennent pas de lien entre elles: à l'évidence, il ne s'agit pas ici de "récit", parce que tout simplement ce dernier exige une action unifiée dont les parties entretiennent des rapports de causalité; il nous reste, alors, à déterminer quel est ce type de texte qui permet d'avoir plusieurs actions en même temps, dépourvues de lien causal, et se rapportant au même personnage.

Selon nous, le deuxième texte de Désert développe des "Chroniques d'une Vie" du personnage Lalla; en effet pour F. Revaz

‘les textes dans lesquels l'unicité de l'acteur est assurée sont les Vies, ou Biographies, qui ont pour tâche de rapporter les faits et gestes d'une personne, de sa naissance à sa mort. (Ibid. : 146). ’

Dans la dernière citation, il est clairement dit qu'il faut avoir un seul "acteur" pour parler de "vie": pour ce qui concerne le deuxième texte de Désert –et mis à part tout le chapitre neuf de la deuxième partie qui est consacré à Radicz avec le développement de son point de vue (Lalla est absente de tout le chapitre, sauf à la fin)- nous pouvons affirmer qu'il est le prototype de ce texte où on raconte une "vie".

En effet, dans ce type de texte, les actions

‘sont rapportées sans lien apparent. Tout comme dans une Chronique, seul le déroulement événementiel apparaît. On a affaire à une énumération de faits qui se succèdent chronologiquement, mais qui ne s'intègrent pas dans une chaîne causale...Relater une vie en suivant sa trame événementielle n'est donc pas encore produire un récit. (Ibid. : 147) ’

Nous ajoutons encore que dans le deuxième texte du Désert, on ne rapporte pas la vie entière de Lalla ("de sa naissance jusqu'à sa mort" comme le postule F. Revaz ), mais on se contente d'en relater quelques étapes: en effet, au dernier chapitre de la deuxième partie, Lalla donne naissance à une fille, mais elle ne connaît pas la mort comme sa mère59, ce qui ouvre la possibilité de disposer d'autres étapes de la vie de Lalla, dans un autre livre.

Notes
59.

L'histoire de la mort de la mère de Lalla est racontée par Aamma au chapitre onze (première partie): le lecteur y apprend que la mère est morte à la suite d'une grave maladie.