3.2. Dans Le deuxième texte.

Le lecteur ne manque pas de remarquer dans le deuxième texte la répétition des mêmes instructions, ou indices entre au moins deux personnages; nous avons décidé d'appeler ce phénomène "correspondance".

Ainsi, dans les exemples qui suivent c'est l'indice "les yeux verts" qui se trouve repris pour:

‘Naman s'arrête de peindre un instant; les enfants et Lalla regardent son visage de cuivre où brillent ses yeux verts. p150 ’ ‘Il est tout petit et maigre, avec de beaux yeux verts…p101’ …un Algérien grand et très maigre, avec un visage dur et de beaux yeux verts comme ceux de Naman le pêcheur. p292 ’
  • et Radicz:
‘Il a des yeux verts. p276’

L'Algérien, le veilleur de nuit, est comme Naman, "grand et maigre":

‘Naman le pêcheur n'est pas comme tout le monde. C'est un homme assez grand et maigre…p83 ’ ‘…et le veilleur de nuit…un Algérien grand et très maigre. p292’ ‘L'homme dont le visage a été mangé par "une maladie terrible", a des mains "agiles": Il ressemble un peu au vieux Naman, il a le même genre de mains, puissantes et agiles, des mains brûlées par le soleil et pleines de savoir. pp319-320 ’

, comme les mains de Naman qui "vont vite" et "savent faire des nœuds avec légèreté":

‘Ses grandes mains brunes aux ongles cassés vont vite, savent faire des nœuds avec légèreté. p105’

Daniel, le jeune qui habite l'hôtel où Lalla travaille,"est très très noir" (page 318), comme le Hartani:

‘...Le Hartani se lève et se retourne. Le soleil brille sur son visage noir. p109 ’

Le Hartani a un "visage lisse", et ses mains sont "longues":

‘Le Hartani n'a pas vraiment de famille, comme Lalla...Lalla aime son visage lisse, ses longues mains. p113 ’

, tout comme Daniel qui a de "longues mains" et un visage "lisse"(page 319).

Le lecteur se souvient que les bergers, les amis du Hartani:

‘ont des visages lisses, couleur de cuivre brûlé, avec des fronts bombés…p137’

, comme le Hartani dont le visage est "très mince et lisse", et le "front bombé" (page 108).

Cette ressemblance entre les bergers et le Hartani est reprise encore au chapitre douze (première partie):

‘Autour de lui, il y a toujours les bergers noirs comme lui…p191 ’

Daniel, le jeune noir, a des "dents blanches" (page 319), qui rappellent les incisives de Radicz qui sont, aussi, "blanches" (page 276).

Radicz a "la peau cuivrée" (page 276), comme Lalla dont le visage est "couleur de cuivre": (page 333), et comme Naman le pêcheur qui a un "visage couleur de cuivre"( page 150).

Les doigts de Lalla "sont effilés" (page 181) comme ceux du Hartani:

‘Le Hartani prend la main de Lalla dans sa longue main brune aux doigts effilés…p113’

En lisant ces deux descriptions de Lalla au chapitre sept (deuxième partie):

‘C'est à cause de toute la lumière qui jaillit de ses yeux, de sa peau, de ses cheveux, la lumière presque surnaturelle. p333’ ‘La lumière de la fenêtre illumine les lourds cheveux noirs, fait une flamme autour du visage de Lalla, sur son cou, sur ses épaules, jusque sur ses mains posées à plat sur la nappe blanche. p336’

, le lecteur se rend compte que certaines propriétés sont reprises pour la prostituée (au chapitre cinq, deuxième partie):

‘Ce qui étonne le plus en elle, après sa petite taille, ce sont ses cheveux: courts, bouclés, ils sont d'un rouge de cuivre qui étincelle bizarrement à la lumière du couloir derrière elle, et font comme une auréole de flamme sur sa tête de poupée grasse, comme une apparition surnaturelle.p313’
Lalla. La prostituée.
-la lumière presque surnaturelle: p333
-la lumière de la fenêtre illumine les lourds cheveux noirs, fait une flamme autour du visage de Lalla: p336
-comme une apparition surnaturelle: p313
-ses cheveux… sont d'un rouge de cuivre qui étincelle bizarrement à la lumière du couloir derrière elle, et font comme une auréole de flamme sur sa tête de poupée grasse: p313

Le Hartani n'aime pas la Cité, ainsi il "ne vient jamais à la ville"(page 113), ou encore:

‘Quand elle arrive aux collines, Lalla regarde si le Hartani est là, mais elle sait bien que c'est inutile: le berger n'aime pas les gens, et il s'en va quand ceux de la Cité viennent acheter les moutons. p169 ’

, même remarque pour Es Ser qui veut être seul, et ne peut pas donner la chaleur de son regard, "quand Lalla est dans la Cité":

‘Car Es Ser ne peut pas faire entendre son nom, ni donner la chaleur de son regard, quand Lalla est dans la Cité de planches et de papier goudronné. C'est un homme qui n'aime pas le bruit et les odeurs. Il faut qu'il soit seul dans le vent, seul comme un oiseau suspendu dans le ciel. p92 ’

Es Ser parle avec ses yeux, sans le langage articulé des hommes:

‘Il ne parle pas. Il ne parle jamais. C'est avec son regard qu'il sait parler, car il vit dans un monde où il n'y a pas besoin des paroles des hommes. p203 ’

, tout comme le Hartani:

‘Lalla sait que les paroles ne comptent pas réellement. C'est seulement ce qu'on veut dire, tout à fait à l'intérieur, comme un secret…Et le Hartani ne parle pas autrement…il regarde Lalla, avec son beau regard de métal, sans rien dire, et c'est dans la lumière de son regard qu'on entend ce qu'il dit, ce qu'il demande. p132 ’

Le Hartani se méfie des habitants de la Cité:

‘Lalla aime passer les jours avec le Hartani. Elle est la seule à qui il montre toutes ces choses. Les autres, il s'en méfie…pp130-131’

, tout comme les bergers, ses amis:

‘Quand les jeunes bergers viennent la voir sur le chemin, ils restent d'abord un peu à distance, parce qu'ils sont plutôt méfiants… Il n'y a que le Hartani qui puisse rester avec eux, parce qu'il est berger comme eux, et parce qu'il ne vit pas avec les gens de la Cité. p137’

Le deuxième texte est celui des marginaux: en effet, Es Ser vit dans le plateau de pierres, où aucun habitant de la Cité ne s'y aventure, tout comme le Hartani qui vit dans les collines, loin de la Cité; Naman peut être considéré comme un marginal, parce que c'est un Juif qui vit au sein d'une société à majorité arabo-musulmane, et qu'il habite loin de la Cité:

‘Au lieu d'aller vers la maison d'Aamma, Lalla marche lentement vers l'autre bout de la Cité, là où vit le vieux Naman. p207 ’

Radicz est un gitan et un mendiant (doublement marginal), et habite loin de la ville:

‘Il vit très loin, quelque part à l'ouest, près de la voie ferrée, là où il y a de grands terrains vagues et des cuves d'essence, et des cheminées qui brûlent jour et nuit. p277 ’

Les personnages dans le deuxième texte de Lalla sont définis par les contraires, et le lecteur note que cet aspect contradictoire est commun à plusieurs personnages:

  • comme Lalla qui se sent parfois "bien", et parfois "un peu triste" comme dans l'exemple qui suit:
‘Alors, de temps en temps, quand elle se sent bien, qu'elle n'a rien à faire, ou quand elle est au contraire un peu triste sans savoir pourquoi, elle chante le mot…p77’

Dans l'exemple suivant, elle éprouve le désir de s'approcher du Hartani:

‘Lalla sent la chaleur du corps du berger, tout près d'elle, et la lumière de son regard entre en elle peu à peu. Elle voudrait bien arriver jusqu'à lui, jusqu'à son règne, être tout à fait avec lui, pour qu'il puisse enfin l'entendre. Elle approche sa bouche de son oreille, elle sent l'odeur de ses cheveux, de sa peau. p139 ’

Mais quelques lignes après, elle veut "échapper à l'étreinte du berger":

‘Tout d'un coup, Lalla ne comprend plus ce qui lui arrive. Elle a peur, elle secoue la tête et cherche à échapper à l'étreinte du berger qui maintient ses bras…p140 ’
  • Es Ser, le Secret:
‘Il est effrayant quelquefois, et d'autres fois il est très doux et calme, plein d'une beauté céleste. p95
  • le Hartani:
‘Quandil est inquiet, ou quand il est au contraire très heureux, il s'arrête, il pose ses mains sur les tempes de Lalla…p132’
  • Radicz:
‘Il y a des jours où ses yeux sont tristes et voilés, comme s'il était perdu dans un rêve, et que rien ne pouvait l'en sortir. D'autres jours, il est gaiet ses yeux brillent…p276’
  • le photographe:
‘Lui, est à la fois heureux et inquiet de recevoir toutes ces lettres. p347’