7.5. Lalla en harmonie avec la nature.

Le lecteur se rend compte que Lalla est un personnage qui se sent à l'aise dans la nature, ou pour le dire autrement disons qu'il y a une sorte d'interaction et d'harmonie entre Lalla et les éléments qui composent la nature; c'est ce que démontre le premier chapitre de la première partie où Lalla aime les fourmis, les hannetons…:

‘Il y a toujours des fourmis, où qu'on s'arrête… Mais Lalla les aime bien tout de même. Elle aime aussi les scolopendres lentes, les hannetons mordorés, les bousiers, les lucanes, les doryphores, les coccinelles, les criquets pareils à des bouts de bois brûlés. pp77-78 ’

, joue avec les mouches (page78). Elle aime le vent:

‘Le vent n'attend pas. Il fait ce qu'il veut, et Lalla est heureuse quand il est là, même s'il brûle ses yeux et ses oreilles, même s'il jette des poignées de sable à sa figure. p79 ’

Lalla admire l'épervier (page 80), et une sorte de complicité s'instaure entre Lalla et la mer qui l'appelle:

‘Ensuite la mer l'appelle à nouveau. p81 ’

Elle court derrière les crabes (page 82), et aime beaucoup regarder le ciel:

‘Lalla aime beaucoup le ciel… Lalla ouvre très grands les yeux, elle laisse le ciel entrer en elle. pp90- 91 ’

Cela pour ce qui concerne le premier chapitre, mais les exemples se poursuivent dans les autres chapitres; ainsi elle aime être sur le plateau de pierres (chapitre deux: page 96), elle aime les guêpes en les laissant voler autour de ses cheveux (chapitre trois: page 100), elle veut se trouver dans les collines (chapitre quatre: page 112); elle aime suivre le Hartani dans les sentiers (chapitre sept: page 129).

Cette idée que Lalla se sent bien dans la nature se confirme dans l'exemple qui suit, où le lecteur apprend qu'elle aime entendre les histoires de Naman assise au bord de la mer: Ce sont des histoires que Lalla aime bien entendre, comme cela, assise

‘à côté du vieux pêcheur, en face de la mer, à l'ombre du figuier, quand le vent souffle et fait battre les feuilles. p107 ’

Dans l'extrait qui suit, Lalla aime écouter les histoires en regardant la mer, en sentant le vent, et en écoutant les vagues:

‘Elle est heureuse parce que c'est tout à fait le moment d'entendre une histoire, comme cela, sur la plage, en regardant le feu qui fait clapoter la poix dans la marmite, la mer très bleue, en sentant le vent tiède qui bouscule la fumée, avec les mouches et les guêpes qui vrombissent, et pas très loin, le bruit des vagues de la mer qui viennent jusqu'à la vieille barque renversée sur le sable. p145 ’

L'extrait suivant véhicule encore cette idée d'un sentiment de bien-être dans la nature:

‘Elle aime bien marcher sur le sentier très blanc qui serpente entre les collines, en écoutant la musique aiguë des criquets, en regardant les traces des serpents dans le sable. p136 ’

Lalla aime aussi le bruit de la pluie, et la lumière des éclairs:

‘…c'est comme cela qu'elle aime entendre le bruit de la pluie: les yeux grands ouverts dans le noir, voyant par moments le toit s'éclairer, et écoutant toutes les gouttes frapper la terre et les plaques de tôle avec violence, comme si c'étaient de petites pierres qui tombaient du ciel. p160 ’

Après sa fuite de l'atelier de Zora, la patronne qui frappe tout le temps les petites filles chétives, Lalla se réfugie dans la nature où elle pourra à nouveau regarder les nuages, les guêpes...:

‘La liberté est belle. On peut regarder de nouveau les nuages qui glissent à l'envers, les guêpes qui s'affairent autour des petits tas d'ordures, les lézards, les caméléons, les herbes qui tremblotent dans le vent. p189 ’

Au chapitre treize (première partie) quand on lui a annoncé qu'Aamma a l'intention de la faire marier à un homme riche, Lalla refuse, et trouve refuge dans la mer. Puis, quand l'homme riche est revenu à la maison, elle s'est enfuie, mais cette fois-ci dans les collines de pierres:

‘L'homme se trompe sur son regard, il fait un pas vers elle, en tendant les cadeaux. Mais Lalla bondit aussi vite qu'elle peut, elle s'en va en courant, sans se retourner, jusqu'à ce qu'elle sente sous ses pieds le sable du sentier qui mène vers les collines de pierres. p199 ’

Dans la deuxième partie, le lecteur apprend que Lalla est à Marseille, mais son amour pour la nature reste indéfectible, même si tout ce qui y renvoie, à Marseille, demeure rare, sauf "un peu de soleil qui entre par les deux fenêtres" de la chambre d'Aamma (page 265), et l'arbre que Lalla peut voir de la chambre de l'un des résidents de l'hôtel où elle travaille, (page 318).

Comme nous l'avons affirmé, la nature se caractérise par son absence dans la deuxième partie (du moins pour les sept premiers chapitres), témoignant les deux exemples qui suivent:

‘Elle pense qu'elle aimerait pousser la porte et être dehors tout de suite, comme autrefois, entourée par la nuit profonde aux milliers d'étoiles. Elle sentirait la terre dure et glacée sous ses pieds nus. Elle entendrait les craquements du froid, les cris des engoulevents, le hululement de la chouette, et les aboiements des chiens sauvages. Elle pense qu'elle marcherait, comme cela, seule dans la nuit, jusqu'aux collines de pierres, au milieu du chant des criquets, ou bien le long du sentier des dunes, guidée par la respiration de la mer. p286’

Ce dernier extrait vient après la dispute de Lalla avec le policier (troisième chapitre, deuxième partie), et la première chose à laquelle elle pense est la nature avec tout ce qui la représente: les étoiles, la terre, les cris des engoulevents, les collines…

Même remarque dans l'exemple qui suit:

‘Elle pense à l'étendue des plateaux de pierres, dans la nuit, aux monticules de cailloux tranchants comme des lames, aux sentiers des lièvres et des vipères sous la lune, et elle regarde autour d'elle, ici, comme si elle allait les voir apparaître…. Mais il n'y a que cette avenue, et encore cette avenue…p311 ’

Ce dernier extrait démontre que tout ce que Lalla aimait dans la première partie (les monticules de cailloux, les plateaux de pierres, les sentiers…) a disparu à Marseille témoignant l'emploi de "Mais il n'y a que cette avenue, et encore cette avenue".

Dès qu'elle termine son travail à l'hôtel, Lalla sort, pour que le soleil chasse et enlève "tout ce qu'il y a de noir et de triste" (chapitre quatre: page 294), puis elle se dirige vers le port qui lui rappelle le désert:

‘Ici, tout d'un coup, c'est le silence, comme si elle était vraiment arrivée dans le désert. p294 ’

Á la fin de la deuxième partie, une sorte de symbiose unit la nature à Lalla quand cette dernière s'apprête à accoucher:

‘…sa plainte monte, se mêle au bruit ininterrompu de la mer, qui vient à nouveau dans ses oreilles. La douleur va et vient dans son ventre, lance des appels de plus en plus proches, rythmés comme le bruit des vagues. p417 ’ ‘Couchée sur le côté dans le sable, les genoux repliés, Lalla gémit à nouveau selon le rythme lent de la mer. La douleur vient par vagues, par longues lames espacées, dont la crête plus haute avance à la surface obscure de l'eau, accrochant par instants un peu de lumière pâle, jusqu'au déferlement. p418 ’

Le lecteur voit bien que cette symbiose dans les deux exemples est réalisée à travers:

Même remarque dans l'exemple de la page 418, où cette interaction est mise en avant par le biais de: "Lalla gémit à nouveau selon le rythme lent de la mer".