Pour le lecteur, l' "enfant" est très important dans le deuxième texte de Désert, puisque Lalla à un certain moment de sa vie est présentée comme une enfant: cette importance est mise en relief à travers l'une des techniques narratives, en l'occurrence la technique du point de vue. En effet, tout passe par le prisme d'une enfant (Lalla), qui observe l'espace, les autres personnages, qui connaît l'expérience du temps…
Plusieurs indices font que le lecteur interprète le deuxième texte de Désert comme une sorte de plaidoyer pour l'enfance; ainsi:
Dans ce dernier paragraphe, les enfants enfreignent les règles qu'ils doivent respecter durant le mois du jeûne -des règles que le conservatisme des adultes veille à observer:
En s'appuyant sur des indices, le lecteur se rend compte que l'enfant n'est pas à l'abri des aléas et des incertitudes de la vie, puisque beaucoup d'enfants ont connu des moments difficiles, loin d'une vie heureuse, et insouciante: il y a ainsi des enfants-orphelins, comme Lalla, le Hartani et Radicz qui tous ont été abandonnés par leurs parents.
L'enfance n'est pas à l'abri non plus de la brutalité du monde des adultes puisqu'elle est présentée comme exploitée et maltraitée à l'image de ces petites filles, frappées par Zora la patronne de l'atelier de tapis:
‘Mais la grosse femme vêtue de noir se venge sur les petites filles, celles qui sont maigres et craintives comme des chiennes, les filles de mendiants, les filles abandonnées qui vivent toute l'année dans la maison de Zora, et qui n'ont pas d'argent. p188’ ‘...la grosse femme pâle recommence à donner des coups de canne à Mina, une petite fille de dix ans à peine, toute maigre et chétive, parce qu'elle avait cassé sa navette...p189 ’L'enfance malheureuse est représentée aussi par Radicz qui a été vendu par sa mère à un patron, parce qu'elle n'avait plus d'argent pour nourrir sa famille; Radicz est devenu après mendiant, puis voleur, pour connaître enfin la mort au cours d'un vol de voiture:
‘Avant, je n'habitais pas avec le patron, tu sais. J'habitais avec mon père et ma mère dans une caravane, on allait de foire en foire…Et puis mon père est mort, et comme on était nombreux et qu'on n'avait pas assez d'argent, ma mère m'a vendu au patron et je suis venu habiter ici, à Marseille. p340 ’Dans le paragraphe qui suit il s'agit de l'enfance malade, dont la santé est précaire et fragile:
‘Il y a un bruit surtout qui la suit partout où elle va, qui entre dans sa tête et dans son ventre et répète tout le temps le même malheur: c'est le bruit d'un enfant qui tousse, dans la nuit, quelque part, dans la maison voisine…p308 ’Le lecteur ne manque pas de compatir89 au sort de ces enfants qui ont connu déjà la souffrance, et la rudesse de la vie dès leur jeune âge.
Cette idée de compassion est à lier à la notion de "sympathie" développée par V. Jouve, et que nous avons rencontrée plus haut.