8.2. La femme.

La femme telle que représentée dans la première partie du deuxième texte est différente de la femme telle que vue dans la deuxième partie:

  • première partie:

Le lecteur remarque dans cette partie, la rareté des allusions à la femme en tant qu'objet de désir, et les deux paragraphes qui suivent en référent de façon rapide et à peine dévoilée:

‘Les filles lavent leurs jambes et leur visage sous le jet glacé. Quelquefois elles s'arrosent avec les seaux en poussant des cris stridents. p93 ’ ‘Quand elle arrive au canal, au centre de la rivière, il y a une marche, et Lalla tombe dans l'eau jusqu'au ventre; elle se dépêche de sortir, sa robe colle à son ventre et à ses cuisses. Il y a des garçons sur l'autre rive, qui regardent les femmes relever leurs robes pour traverser la rivière, et qu'on bombarde à coups de cailloux. p162 ’

Dans les deux exemples qui précèdent, la référence à la femme en tant que désir (nous insistons sur l'idée qu'il s'agit d'un désir à peine dévoilé) se manifeste quand les filles lavent leurs jambes, (exemple de la page 93), quand la robe de Lalla colle à son ventre et à ses cuisses, et enfin quand les femmes relèvent leurs robes pour traverser la rivière, (exemple de la page 162).

Mais rien de tel dans la deuxième partie, où Asaph le frère de Naman, regarde les seins et le ventre de Lalla, quand celle-ci s'est présentée pour travailler dans son épicerie:

‘Quand il a su que Lalla cherchait du travail, ses yeux se sont mis à briller et il est devenu nerveux… Mais quand il parlait de cela, tout le temps il regardait le ventre et les seins de Lalla, avec ses vilains yeux humides…p267’

Même remarque dans le paragraphe qui suit, où Lalla trouve, dans l'une des chambres de l'hôtel où elle travaille, un magazine représentant la femme en tant qu'objet sexuel:

‘Quelquefois, sur un lit ouvert, Lalla trouve un magazine plein de photos obscènes, de femmes nues aux cuisses écartées, aux seins obèses gonflés comme d'énormes oranges; de femmes aux lèvres peintes en rouge clair, au regard lourd taché de bleu et de vert, aux chevelures blondes et rousses. pp291-292’

Dans l'exemple qui suit, les deux femmes prostituées sont réduites uniquement à de la chair:

‘Les hommes silencieux regardent, immobiles au bord du trottoir comme des soldats de plomb, leurs yeux fixés sur le ventre des femmes, sur leurs seins, sur la courbe de leurs hanches, sur la chair pâle de leur gorge, sur leurs jambes nues. p314’

Et Lalla a failli être violée par l'un des habitants de l'hôtel:

‘Un jour, Lalla est entrée dans sa chambre, et il était là. Il l'a prise par le bras et il a voulu la faire tomber sur son lit, mais Lalla s'est mise à crier et il a eu peur. p321 ’

À côté de la femme considérée comme objet de désir, il y a la femme maltraitée, comme celle qui est battue constamment par son mari:

‘Et le ménage étranger, lui italien, elle grecque, et l'homme est ivre chaque soir, et chaque soir il frappe sa femme à grands coups de poing sur la tête, comme cela, sans même se mettre en colère, seulement parce qu'elle est là et qu'elle le regarde avec ses yeux larmoyants dans son visage bouffi de fatigue. pp302-303’

C'est dans cette "saisie" différente de la femme que le lecteur se trouve sollicité, l'invitant à considérer les différentes manières dont elle est vue, tour à tour, à la Cité, et à Marseille (deux mondes opposés) et ne font que renforcer le lecteur dans l'idée que le monde moderne valorise moins la femme que le monde qui est de l'autre de la mer, en l'occurrence la Cité.