8.5. Les autres.

Les autres sont ceux par rapport auxquels les pauvres marchent en sens inverse, comme dans l'exemple qui suit:

‘Il y des hommes aux lunettes qui miroitent, qui se hâtent à grandes enjambées, il y a des pauvres vêtus de costumes élimés, qui vont en sens inverse. p293’

Dans ce dernier exemple, l'accent est mis sur la différence fondamentale des parcours entre les pauvres et les autres.

Les autres sont ceux qui habitent les villas "avec un chien méchant qui court le long du grillage en aboyant de toutes ses forces" (page 270); ceux qui donnent l'argent aux pauvres, comme à Radicz, à la sortie de la gare (page 277).

Ce sont ceux auxquels les pauvres s'agrippent pour demander de l'argent, comme dans l'extrait qui suit:

‘…les misérables, les affamés, qui s'agrippent aux vestes et aux jupes des bourgeois et ne les lâchent plus en marmonnant des incantations, jusqu'à ce qu'on leur ait donné une petite pièce. p279 ’

Les magasins où les pauvres mendient, (chapitre deux, deuxième partie), tout comme le dancing dans lequel le photographe emmène Lalla, (chapitre huit, deuxième partie), représentent l'autre monde opposé aux pauvres; même remarque pour le restaurant dans lequel Lalla et Radicz mangent:

‘Elle montre une table, près d'une grande fenêtre. Ils traversent la salle du restaurant. Autour des tables rondes, les hommes, les femmes relèvent la tête au-dessus de leur assiette et s'arrêtent de mâcher, de parler. Les garçons restent en suspens, la cuiller plongée dans le plat de riz, ou la bouteille de vin blanc inclinée un peu… Radicz n'ose pas regarder autour de lui… Un homme de haute stature est debout devant leur table. Il est vêtu d'un complet noir, et sa chemise est aussi blanche que les nappes des tables…Justement, il va ouvrir la bouche pour dire aux deux enfants de partir tout de suite, et sans faire d'histoires…pp335-336’

Ce qui démontre que le restaurant n'est pas un lieu pour des pauvres comme Lalla et Radicz, c'est:

  • la réaction des clients qui étaient en train de manger: "autour des tables rondes, les hommes, les femmes relèvent la tête au-dessus de leur assiette et s'arrêtent de mâcher, de parler. Les garçons restent en suspens, la cuiller plongée dans le plat de riz, ou la bouteille de vin blanc inclinée un peu";
  • celle de Radicz qui "n'ose pas regarder autour de lui";
  • et enfin celle du serveur: "justement, il va ouvrir la bouche pour dire aux deux enfants de partir tout de suite, et sans faire d'histoires".

La ville en tant que symbole de l'autre, est insensible et indifférente aux pauvres:

‘Ils sont là, au centre de la ville indifférente, dans le bruit saoulant des moteurs et des voix. p310 ’

, elle est "dangereuse" (page 307), et "meurtrière", parce qu'elle a tué Radicz, (page 411).

Les autres ont des "visages effrayants", (page 274); ils sont "sans visage" (page 307), ou ont des visages "identiques" (page 293); ils "marchent et grondent" sans arrêt (page 294); ils se "pressent" (page 306), et "se hâtent" (page 309).

Enfin, Lalla se rend compte qu'il faut marcher pour ne pas tomber et "pour ne pas être piétiné par les autres" (page 309).