9.2. La motivation des noms propres dans Désert.

Le lecteur se rend compte tout au long de sa lecture de Désert que les noms des personnages sont motivés, dans le sens où dans la plupart des cas ils se trouvent pourvus de signification.

Ainsi, la mère a appelé sa fille "Lalla Hawa" (pages 89), car elle était la "fille d'une chérifa".

Le texte ne donne pas le sens de "chérifa", et c'est au lecteur de le trouver; ce dernier apprend dans le dictionnaire que "chérif" est un nom masculin (dans le dictionnaire, le féminin "chérifa" n'existe pas), et signifie "un prince", ou "un descendant de la famille du prophète Mohamed", alors qu'étymologiquement le mot signifie "honnête et noble"93.

Il faut noter aussi que "chérifa" s'applique seulement à "Lalla", et non à "Lalla Hawa" ensemble comme le laisse suggérer l'exemple, ce qui pose un problème pour un lecteur français qui interprète l'ensemble "Lalla Hawa" comme "une chérifa".

Pour ce qui concerne "Hawa", le sens de ce nom n'est pas donné, ce qui pose encore un problème pour un lecteur non arabophone, dont la signification lui échappe.

Cette signification est difficile à trouver, même pour un arabophone, car il y a au moins deux homonymes homophones, ayant deux significations différentes en l'occurrence celles de "vent" et de "amour"; il y a aussi un autre mot qui ressemble aux deux derniers au niveau de sa phonétique, et ayant pour sens "Ève".

Pour notre part, nous pensons que "Hawa" signifie "vent", tout simplement parce que cet élément est présent, aux chapitres un et treize de la première partie, et au chapitre sept de la deuxième partie.

Lalla porte un autre nom: "Bla Esm" (page 352), et veut dire littéralement "Sans Nom" (la traduction est donnée par le texte), car:

‘Quand je suis née je n'avais pas de nom…p352 ’

Il arrive que le texte donne le sens des noms des personnages, facilitant ainsi le travail interprétatif du lecteur: c'est le cas de "Al Azraq, l'Homme Bleu" des histoires racontées par Aamma:

‘"On l'appelait Al Azraq parce qu'avant d'être un saint, il avait été un guerrier du désert, tout à fait au sud…Dieu l'a appelé et il est devenu un saint, il a abandonné ses habits bleus du désert… Dieu ne voulait pas qu'on le confonde avec les autres mendiants, et il avait fait en sorte que la peau de son visage et de ses mains reste bleue, et cette couleur ne partait jamais, malgré l'eau avec laquelle il se lavait. La couleur bleue restait sur son visage et sur ses mains, et quand les gens voyaient cela, malgré la robe de laine usée, ils comprenaient que ce n'était pas un mendiant, mais un vrai guerrier du désert, un homme bleu que Dieu avait appelé, et c'est pour cela qu'ils lui avaient donné ce nom. Al Azraq, l'Homme Bleu…" p120’

"Al Azraq" veut dire en français "le Bleu", et il est appelé ainsi, car sa peau a gardé la couleur bleue de ses habits de guerrier du désert.

"Es Ser", veut dire "le Secret": ce personnage est appelé ainsi parce que "personne ne sait son nom" (page 94), et "nul ne doit savoir son nom" (page 96).

Pour le Hartani, le sens est donné par le texte:

‘L'enfant était le Hartani, c'est le surnom qu'on lui a donné parce qu'il avait la peau noire comme les esclaves du Sud. p111 ’

Aamma signifie en arabe "tante paternelle", ou "la sœur de son père", comme indiqué au chapitre neuf de la première partie, (page 152).

"Le Bareki" que porte l'un des fils d'Aamma, signifie le Béni parce que ce personnage "a été béni le jour de sa naissance" (page 101), et le Soussi, le mari d'Aamma, est appelé ainsi, car il vient de la région du fleuve Souss (page 101).

"Ikikr", que porte l'une des filles qui habite la Cité, et que Lalla aime car elle raconte tout le temps des histoires, signifie "pois chiche" en berbère "à cause d'une verrue qu'elle a sur la joue" (page 85), et "Oummi", l'un des noms que porte la mère de Lalla veut dire "mère" en arabe.

Pour ce qui concerne le premier texte, le lecteur se heurte à des difficultés quant à la signification de certains noms; c'est le cas de "Nour" qui veut dire "lumière" une signification donnée par le texte, mais difficilement discernable pour un non arabophone:

‘…ses yeux brillaient, et la lumière de son regard était presque surnaturelle. p9’

L'un des saints évoqués dans le chant religieux au chapitre deux (page 67) porte le nom de "Çahabi", c'est-à-dire "le compagnon du prophète:

‘…Sidi Abderrhaman, celui qu'on appelait Çahabi, le compagnon du prophète…p67 ’

De même que "el Kaamel" que porte un autre saint signifie "le parfait" (page 67), mais le texte n'en donne pas le sens de façon claire, à défaut de majuscules comme dans l'exemple de la page 67:

‘Sidi Mohamed ech Cheikh el Kaamel, le parfait...p67’

"Ech Chems", le nom de l'un des fils de Ma el Aïnine, veut dire "le Soleil" (page 365), et "Ma el Aïnine" signifie littéralement "l'Eau des Yeux":

‘"…sa mère l'a nommé Ma el Aïnine, l'Eau des Yeux, parce qu'elle avait pleuré de joie au moment de sa naissance…" p366’

C'est le cas aussi d'un autre fils de Ma el Aïnine qui s'appelle "ed Dehiba", et qui signifie "la Parcelle d'Or", en français (page 38). Ce même fils porte un autre nom, en l'occurrence celui de 'Sebaa", et qui veut dire en français"le Lion".

Notes
93.

Voir le Robert. Dictionnaire de la langue française tome II (1987).