Les ‘universaux’ typologiques et les universaux acquisitionnels et linguistiques

Puisque ce sont les universaux qui définissent largement la notion de la marque qui à son tour est directement liée aux difficultés, aux stratégies et au résultat de l’apprentissage, il est très important de reconnaître la nature des ‘universaux’ postulés dans les théories.

La définition quantitative de l’universel dans la typologie est basée sur des études comparatives synchroniques des langues qui valorisent les familles indo-européennes au détriment des langues ‘rares’. Le principe de majorité prédit déjà que les langues ‘rares’ telle que le chinois sont obligatoirement plus marquées. Cela camouflage des universaux qui ne pourrait persister que dans des langues ‘primitives’. Les universaux tellement définis ne sont pas fondamentaux ni linguistiquement ni acquisitionnellement. Sa validité reste, plutôt qu’à travers toutes les langues et à travers les acquisitions de ces langues, dans la comparaison linguistique binaire (‘language pairs’), entre LM et LC. C’est peut-être pour cela que la typologie est étroitement liée au sujet de transfert.

Dans la langue chinoise l’absence de l’exigence de la structure sujet-prédicat donne lieu à deux arrangements syntaxiquement souples mais logiquement solides : la topicalisation (‘The use of various grammatical devices for placing the topic of a sentence in sentence initial position e.g. "As for love, it is no substitute for money"’, Ellis) et la focalisation (la mise en valeur du propos / information nouvelle (La grammaire d’aujourd’hui)). Pour la phrase ‘Cette personne n’a pas d’aspiration.’ on peut exprimer dans deux ordres mais toujours avec les mêmes mots :

这 人 没 出息。

ce-homme-NÉG- aspiration

没 出息 这 人。

NÉG- aspiration - ce-homme

En renversant l’ordre des mots, on passe sur l’échelle d’expressivité d’un degré à un autre. Autrement dit, sous la condition qu’aucune accentuation prosodique est accordée aux éléments particuliers dans ces deux phrases, la deuxième est plus expressive que la première pour la simple raison qu’une nature qualitative—le manque d’aspiration—est préposée et donc focalisée.

La focalisation est probablement une tendance universelle de communication ; dans l’apprentissage d’une langue étrangère elle a lieu peut-être après la topicalisation due au degré plus élevé de la difficulté, mais si la langue cible ne permet pas ou ne favorise pas la focalisation, c’est possible que l’apprenant réprime cette tendance pour se conformer à la norme canonique. La focalisation n’est donc pas très voyante ni dans le comportement acquisitionnel ni dans les recherches de l’acquisition de langues étrangères.

La topicalisation par contre n’est pas autant négligée. Odlin (1989 : 89) avoue qu’il y a ‘des évidences détaillées pour une grande dépendance du modèle topique-commentaire au premier stade de l’acquisition.’ D’autres comme Klein prouvent de plus que les apprenants de l’allemand, malgré leur LM, produisent des énoncés similaires. (Ellis, 1997)

D’autre part dans l’usage de la LM, ‘on trouvera souvent, en position frontale, les éléments thématiques, quelle que soit leur fonction. C’est là une caractéristique de la langue parlée contemporaine.’ (La grammaire d’aujourd’hui)

Ces résultats de recherches ne révèlent-ils pas que la qualité universelle de l’acquisition tient en premier lieu à l’organisation logique de la cognition humaine mais non pas à la configuration linguistique instantanée?