La psychotypologie et le transfert

En tous cas de figure il ne faut pas oublier que la difficulté est toujours la difficulté ressentie par le sujet apprenant ; elle ne s’agit pas d’un problème purement linguistique. Une notion qui essaye de rendre compte de cet aspect non négligeable est celle de la psychotypologie — ‘la perception de la distance interlinguistique ou de la parenté interlinguistique’. Autrement dit c’est une typologie subjective. (Daniel Véronique, AILE N° 1) Kellerman clame que c’est la psychotypologie plutôt que la distance linguistique qui déclenche ou contraint le transfert. Cela voudrait dire que si le calcul du rapport LM-LC de l’apprenant est de proche de la réalité, il se peut qu’il fasse moins de transfert négatif !

La notion de la psychotypologie révèle la possibilité que la différence typologique ne constitue pas forcément une difficulté d’apprentissage. Parfois au contraire, il se peut qu’une différence distincte entre LM et LC puisse d’une raison ou d’une autre être bien reconnue par l’apprenant et celui-ci met en œuvre une stratégie d’éloignement de son répertoire langagier au profit d’une construction ‘nouvelle’. On verra cela dans le chapitre IV.

Cette typologie subjective n’est pas statique. Alors l’une des tâches pour l’apprenant et l’enseignant — terme général ici qui renvoie à celui qui prend la responsabilité d’aider l’apprentissage de l’apprenant — est de faire évoluer cette psychotypologie dans la direction bénéfique à l’apprentissage au niveau linguistique et de la culture.

Un problème notionnel est la démarcation entre la psychotypologie et le savoir explicite. Les exemples donnés dans des recherches n’aident pas beaucoup pour la distinction. Pour le souci de confusion, on abandonne la notion bien intéressante et révélatrice de la psychotypologie pour examiner celle du savoir déclaratif chez les apprenants adultes dans le chapitre IV.

Il faut noter que la reconnaissance de la distance interlinguistique n’est pas toujours opératoire. Nous avons vu dans le chapitre I les configurations et les fonctions des éléments prosodiques du chinois. Il concerne là une étrangeté extrêmement difficile à gérer, surtout à gérer complètement pour les apprenants adultes. Dans tous les cours du chinois au niveau débutant que j’ai donné à des adultes occidentaux, j'ai remarqué que ces grands élèves répètent beaucoup de leur propre volonté les éléments au niveau minimal de monosyllabe. Mais ils répètent mal : ils parfois donnent l’impression qu’ils n’entendent pas la différence entre ma prononciation et la leur.

La détérioration de la perception distinctive et de la capacité articulatoire fait que cet aspect de l’apprentissage est beaucoup plus difficile pour les adultes que pour les enfants. De nombreuses recherches concernant le résultat final de l’acquisition ont prouvé que les adultes souvent n’arrivent pas à l’accent ‘native-like’.

Pourtant, l’amélioration de la qualité des répétitions au fur et à mesure dans les cours constitue un indice fort qui encourage l’idée qu’un accent ‘native-like’ chez les apprenants adultes n’est pas tout à fait impossible.