La marque définie par la Grammaire Universelle

Outre les principes, les paramètres, la GU constitue la base pour définir si une caractéristique linguistique est marquée ou non et si oui, à quel point elle est marquée. Les caractéristiques noyaux des langues, i.e. les principes, qui sont gouvernées par la GU sont non marquées parce qu’elles demandent le moindre de données pour l’acquisition ; celles périphériques qui ne sont pas gouvernées par la GU et propres aux langues différentes sont marquées et leur acquisition exige plus d’efforts.

Dans sa comparaison entre la notion de marque dans la théorie de la GU et celle dans la typologie, White (1989a) explique que la première est ‘interne à l’apprenant, et constitue un résultat de la faculté du langage ; elle n’est pas externe, existant seulement dans les langues dans leurs états actuels.’ (Ellis 1997 ; de ma propre traduction)

La définition de la marque est tout de même problématique : faut-il la baser sur la distance par rapport au noyau de la GU ou sur la distance LM-LC ? — Plus loin du noyau, plus flou devient le critère de la marque. Si la définition est directement en fonction de la quantité de données linguistiques pour l’acquisition, ne faut-il pas considérer les deux distances à la fois, surtout dans le cas des adultes pour qui l’impact de la langue maternelle par l’intermédiaire des opérations formelles peut être assez forte sur l’acquisition d’une langue étrangère ?

Prenons le pro-drop comme exemple.

Le pro-drop est considéré comme moins marqué que le non-pro-drop parce qu’il est plus proche du noyau de la GU et demande moins de données linguistiques pour l’acquisition. Cette conclusion part probablement de la constatation partiale que les langues du ‘setting’ pro-drop ne connaissent que l’ordre VS. Mais en réalité existent également d’autres ordres des mots du pro-drop : OV, VO, OVS et VOS, ce qui est le cas en chinois. Ne faut-il pas considérer dans le compte de la dépense acquisitionnelle ces ‘sous-settings’, i.e. ces caractéristiques groupées (‘clustered’) autour du setting pro-drop ? Le même ‘setting’ du pro-drop est lié à des variétés dans l’ordre des mots dans des langues différentes ; ces variétés ne devraient pas amener à l’uniformité quantitative dans les données linguistiques nécessaires pour leurs acquisitions respectives. À partir d’ici il me semble que la distance entre un setting (ou un sous-setting) et le noyau de la GU se confond avec la distance interlinguistique.

Malheureusement, il y a peu de recherches sur les langues du type pro-drop à différents ordres des mots comme le chinois pour que nous puissions en tirer une conclusion. Mon expérience de communication avec des occidentaux adultes qui parlent le chinois me donne l’impression assez nette qu’ils ont plus de mal à comprendre certaines structures pro-drop que celles ‘canoniques’ de non-pro-drop et que leurs énoncés se penchent généralement vers celles-ci. Mais il faut bien sûr des recherches fiables pour faire une conclusion quelconque.