L’accès continu à la Grammaire Universelle

Quatre points de vue sur l’accès à la GU dans l’apprentissage de L2 par l’adulte

Selon la classification de Ellis, il y a quatre points de vue sur la question de l’accès continu à la GU par l’adulte : accès complet, non-accès, accès partiel et double accès.

1° Accès complet

Le point de vue d’un accès complet affirme que la faculté essentielle du langage dans l’acquisition de la langue maternelle est encore impliquée dans celle de la langue étrangère.

Flynn rejette l’hypothèse qu’il y a une période critique dans l’apprentissage d’une langue étrangère en invoquant les similitudes entre l’acquisition de la langue maternelle par l’enfant et celle de la langue étrangère par l’adulte. L’un des rapprochements assez convaincant est que l’adulte fait preuve de la même productivité infinie. Elle affirme aussi que l’adulte possède aussi des connaissances grammaticales non pas fournies par les données. De l’autre côté, les tenants de cette thèse reconnaissent le rôle intermédiaire de la langue maternelle : quand les paramètres-settings de L1 et de L2 sont identiques, l’apprentissage de la L2 est facile ; dans le cas contraire, L1 induit l’apprenant en erreur à mal analyser les données, des difficultés surviennent et des efforts supplémentaires sont nécessaires.

Un doute s’impose : puisque la GU fonctionne pour que tous les enfants (dans des conditions normales) acquièrent parfaitement leur langue maternelle, n’importe laquelle, pourquoi les adultes arrivent à des résultats finaux très variés mais rarement à la perfection dans leur apprentissage d’une langue étrangère ?

2° Non-accès

Le point de vue d’opposé insiste sur une distinction fondamentale entre les deux acquisitions : l’enfant recourt à la faculté langagière tandis que l’adulte fait preuve des stratégies d’apprentissage. L’étude sur l’acquisition de la langue maternelle exige une théorie linguistique alors que celle sur l’apprentissage d’une langue étrangère une théorie cognitive.

L’hypothèse de non-accès ne pourrait pas expliquer l’existence d’un ordre naturel dans l’acquisition (‘natural order’) chez l’adulte — malgré le fait qu’il puisse acquérir ce que l’on lui apprend. Si l’apprenant d’une langue étrangère s’appuie complètement sur la mise en œuvre des stratégies qui sont personnelles et donc extrêmement variées, aucune régularité dans la séquence d’acquisition persisterait.

Je mentionne ici en passant que l’ordre naturel acquisitionnel du chinois — par l’enfant ou par l’adulte — devrait se différencie largement de celui des langues morphosyntaxiques. (Cf. Chapitre I)

3° Accès partiel

Ce point de vue prévoit que les apprenants ont accès aux principes de la GU, ce qui les contraint à construire une ‘grammaire sauvage’. Leur accès aux paramètres est restreint dans le sens qu’ils ne peuvent pas acquérir les valeurs des paramètres qui sont différents de ceux dans leur langue maternelle. Mais les tenants du point de vue d’un accès partiel reconnaissent en même temps que les stratégies générales d’apprentissage disponibles peuvent sortir les apprenants de l’impasse posée par la langue maternelle grâce aux hypothèses qu’ils font sur la nature de la langue cible et qui se matérialisent dans leur interlangue.

Autrement dit, les paramètres que l’apprenant a acquis dans sa langue maternelle ne peuvent se transférer dans la langue cible ; les stratégies d’apprentissage sont indispensables pour combler ce manque d’appui.

4° Double accès

Selon cette position de double accès, l’adulte a un accès continu à la GU qui pourrait garantir une construction réussie de la compétence grammaticale. Mais l’adulte met également en œuvre un module dont la fonction est de résoudre généralement les problèmes (‘a general problem solving module’). Ce dernier, comme un outil ‘fondamentalement inadéquat pour traiter les structures au-delà d’un certain niveau élémentaire’, au terme de Felix, explique le fait que l’adulte n’atteigne pas le niveau natif de la langue cible. D’autre part, grâce à ce module, l’apprenant est capable de faire des hypothèses sur des phénomènes abstraits par des opérations formelles. Puisque l’apprenant adulte est incapable de supprimer ce module, les deux systèmes cognitifs, distincts et autonomes l’un de l’autre, entrent en compétition dans l’acquisition de la langue cible.