Comment faut-il prouver l’accès continu aux universaux ?

Le principe d’apprentissage de l’enfant et celui de l’adulte

Comme on vient de voir ce que prétend White, l’apprenant enfant de la langue maternelle emploie le Subset Principle, c’est-à-dire qu’il initialement se conforme à la valeur la plus restreinte d’un paramètre. Il lui suffit des données positives pour élargir la grammaire conservatrice qu’il construit en premier lieu. L’adulte, par opposition, n’a plus d’accès au Subset Principle. Par conséquent, il construit une grammaire ‘superset’ qui renvoie à la valeur la plus large d’un paramètre. White propose que pour réduire la grammaire ‘superset’, l’adulte aura besoin de données négatives et des connaissances grammaticales pour distinguer l’agrammatical du grammatical.

Ellis, de sa part, fait l’hypothèse que si l’apprenant adulte réussissait à cette réduction du ‘superset’ sous la condition de données positives, l’accès continu à la GU serait prouvé. En acceptant l’affirmation de l’impossibilité de cette réduction avec seulement des données positives, on est obligé d’avouer que l’adulte n’a plus d’accès à la GU. Il y a quelque-chose dans ce raisonnement qui n’est pas très convaincante.

Tout abord, il nous faut nous garder de l’idée absolue que des données négatives sont toujours obligatoires parce que cela voudrait dire que l’apprenant adulte ne pourrait jamais plus avancer son interlangue sans être corrigé.

Outre l’évidence négative, y compris l’hétéro-correction et l’auto-correction hétérodéclenchée, l’apprenant adulte est capable de servir des données positives pour réduire sa grammaire ‘superset’ à une grammaire conforme à la langue cible.

La présence forte d’une forme langagière dans les données peut parfois exercer une telle impression chez un apprenant motivé, prêt à avancer son interlangue, qu’il la substitue à la forme incorrecte ou inappropriée dans sa grammaire ‘superset’. C’est une capacité et une tendance évidente même dans notre usage quotidien de la langue maternelle. C’est ce qui se passe quand les gens s’approprient une expression particulièrement expressive dans un film ou dans un livre, l’intègre dans son parler habituel et ainsi rejette, provisoirement peut-être, d’autres expressions en concurrence. Un apprenant adulte peut effectuer la réduction de sa grammaire ‘superset’ et ainsi améliorer son interlangue de la même manière, sauf que dans ce cas la forme correcte ou appropriée supplante souvent pour toujours la forme incorrecte ou inappropriée pour la raison que l’interlangue est un système instable et susceptible d’avancer d’un rythme dynamique.

De reconnaître ce comportement autonome est de ne pas exagérer les facteurs extérieurs pour négliger l’importance et la valeur de l’initiative, des capacités du sujet apprenant. En fin de compte, sans la motivation et l’engagement active de l’apprenant dans l’interaction avec les données positives, les données négatives se réduiraient au simple dressage ; on pourrait dire que l’on n’acquiert pas ce que l’on ne veut pas acquérir. À partir de cette considération, on peut et doit aider l’apprenant adulte à promouvoir ces qualités et stratégies et à développer une empathie très propice à un apprentissage moins lourd, cognitivement et psychologiquement.

Cette reconnaissance ne nie nulle part à l’effet important des données négatives. En fonction des conditions particulières, elles peuvent s’avérer cruciales à l’apprentissage par l’adulte. Par exemple, dans le cas où l’apprenant est motivé d’améliorer son interlangue mais s’attache obstinément à la stratégie pragmatique, la correction peut être très nécessaire pour provoquer l’apprenant à reconstruire une grammaire conforme à la langue cible en déconstruisant l’ancienne.

Les données négatives mettent en relief l’importance de la donnée, de l’environnement et leur interaction avec les facteurs intérieurs alors que les données positives révèlent l’impact primordial des facteurs intérieurs de la part de l’apprenant adulte. Laissant à côté la question de l’accès au Subset Principle, nous pouvons au moins faire l’hypothèse que non seulement utilise l’adulte les données négatives, il est également capable de réduire sa grammaire intermédiaire de nature Superset en exploitant les données positives.

Est-ce que c’est cette capacité d’utiliser les données positives qui prouve l’existence de l’accès continu aux universaux, comme supposé Ellis ?

Une preuve plus sûre se trouve dans le choix des settings de la langue maternelle et de la langue cible.