L’apprentissage et les observables

Selon la définition de Py, il y a apprentissage ‘aussitôt qu’une nouvelle forme est intégrée dans un microsystème,’ — un microsystème étant la perspective dans laquelle on voit l’organisation des connaissances intermédiaires de l’apprenant — ‘qu’elle est traitée par l’apprenant comme un modèle à imiter et qu’elle contribue à l’accomplissement d’une tâche de communication.’ (Bulletin suisse de linguistique appliquée, 63/1996, 11-23) Dans ce sens l’interaction exolingue sous un contrat didactique est un lieu très favorable à l’apprentissage dont la preuve se manifeste par l’existence des occurrences données-prises au sein des séquences potentiellement acquisitionnelles.

L’enchaînement typique des SPA est marqué par la distance nulle entre la donnée et la prise ; la séquence latérale commence avec la sollicitation d’aide de l’apprenant, passe par l’obtention de la donnée attendue et est clôt par la prise de cette donnée de la part de l’apprenant.

La qualité de l’apprentissage est observable à travers les modalités précises des occurrences données-prises.

De manière générale, il y a deux sortes de prises : les prises par mention et les prises en usage. Dans le premier cas l’apprenant répète la donnée du natif entièrement ou partiellement, avec ou sans une opération d’extraction de la donnée. Une prise en usage décrit le cas où l’apprenant utilise directement la donnée dans ses propres énoncés ; elle est donc un indice plus sûr de l’acquisition.

Pour le cas contraire de ‘non prise’, il peut y avoir des raisons variées. La donnée peut se trouver hors la Zone Proximale de Développement ainsi que le système d’interlangue de l’apprenant ne peut pas la traiter. Sinon c’est peut-être parce que l’information n’est pas mise en relief pour que l’apprenant ne la perçoive. Ou parce que la négociation est portée sur le sens et non pas sur la forme à cause soit d’une stratégie pragmatique de l’alloglotte et/ou du natif, soit de la pression de production ou de la menace de face. Ou encore une raison moins négative: l’apprenant traite l’information silencieusement.

Matthey nous rappelle que les deux sous-types de la prise par mention, à savoir la prise en écho et la prise par extraction renvoient à des opérations cognitives différentes. La prise en écho n’est qu’une ‘fonction élémentaire de l’imitation’ alors que la prise par extraction manifeste une plus grande autonomie par la capacité métalinguistique chez l’apprenant pour segmenter la chaîne parlée. La prise en usage par extraction témoigne de la plus grande compétence puisqu’elle implique une ‘activité verbalisée de recherche d’une forme de la langue.’ (Matthey 1996)

Voyons la chose dans une autre perspective. Py cite sept opérations à réaliser par un apprenant à travers une interaction exolingue. Je les présente ici comme elles sont dans son article mais sous la forme brève d’une liste ; nous les étudierons de plus près par le biais d’étayage dans la partie suivante.

Saisir des bribes de sens en s’aidant du contexte, des informations paraverbales disponibles, de connaissances déjà acquises dans la nouvelle langue ou dans d’autres langues (dont la langue maternelle).

Tirer un profit optimal de ses connaissances lexicales et grammaticales intermédiaires, notamment en les généralisant.

Baliser ses besoins linguistiques non satisfaits (par exemple des lacunes lexicales ou morphologiques) … à rendre possible une collaboration linguistique de la part de l’interlocuteur natif.

Tirer profit de l’aide fournie dans le cadre de la collaboration…, en transformant les propositions verbales du natif en objets virtuels d’apprentissage.

Gérer les relations entre les connaissances déjà acquises et les connaissances nouvelles.

Comparer les formes produites avec celles de l’interlocuteur natif afin de contrôler les différences.

Identifier au plus tôt les malentendus.

(Py, « Apprendre une langue dans l’interaction verbale », Bulletin suisse de linguistique appliquée, 63/1996, 11-23)