Un filtre affectif bas

La ‘face’ est une notion subjective : il y a des apprenants adultes qui arrivent à se convaincre que puisque l’on (un natif inconnu et l’alloglotte lui-même) ne se connaît pas, cela leur fait rien s’ils parlent mal la langue ou commettent des erreurs stupides. Mais beaucoup d’apprenants ne réagissent pas de cette manière, pas sur le coup au moins.

La ‘face’ n’est pas simplement une question de présence ou d’absence ; c’est aussi une notion à degrés en proportion avec la liberté de parler et de faire sans causer de dommage à la représentation qu’a l’apprenant de son image chez l’autrui. Le degré est déterminé par le rapport interindividuel : c’est ‘paradoxal’ que lorsque le rapport est éphémère, la face est plus importante ; on ressent plus rassuré et avoir plus de liberté quand le rapport est plus stable, surtout quand ce rapport est convivial car ‘il/elle me comprend.’ La ‘face’ est beaucoup moins menacée au sein de la famille que devant des inconnus. Le rapport entre un alloglotte adulte et un natif dans le milieu naturel est souvent peu solide pour permettre une grande étendue de liberté de parler mal la langue. L’amour-propre pour une image respectueuse nous est si important qu’il nous coûte souvent cher de le protéger !

Dans les cours d’échange/particuliers, la définition commune de la situation dès le début stabilise le rapport entre les deux parties. L’objectif commun est un apprentissage efficace et heureux d’une langue étrangère. Cette explicitation permet aux deux parties de s’attendre avec plus de volonté à des étrangetés linguistiques, acquisitionnelles, comportementales et relationnelles. Elle présuppose une indulgence réciproque, mais surtout de la partie du natif, envers l’imperfection dans la performance linguistique ; cette indulgence réciproque est intériorisée et grandement baisse le risque d’endommagement de l’image égocentrique. Le filtre affectif descend au plus bas afin que les stratégies cognitives marchent avec une grande efficience.