L’usage efficace des stratégies

Il y a une variété de stratégies propices à l’apprentissage de la langue étrangère que l’interaction en milieu naturel ne permet pas même sous un ‘contrat didactique’.

Une bonne appropriation des éléments phonologiques de la langue chinoise demande des exercices isolés sous l’étayage d’un natif car l’alloglotte lui-même souvent n’entend ni des qualités prosodiques très subtiles qui lui sont inconnus ni la différence entre sa prononciation problématique et celle correcte. Ce n’est que sous un contrat didactique assez consistant que peuvent s’effectuer des exercices qui dépassent la simple imitation pour mettre en œuvre des activités comparatives et probablement répétitives, éventuellement grâce à des enregistrements ou des schémas de tons.

Les cours interindividuels, en raison de leur double objectif (la communication et l’apprentissage de langues) ainsi que du temps abondant que les deux partenaires se donnent, constituent un lieu très favorable à la réalisation du processus de décontextualisation - recontextualisation. Clarifions d’abord les notions. ‘La décontextualisation consiste, pour l’apprenant, à focaliser et extraire de son contexte le segment (le plus souvent un mot) qu’il souhaite apprendre. (…) La recontextualisation est le chemin inverse. D’un point de vue psycholinguistique, elle apparaît comme une manipulation exercée par le locuteur sur le segment concerné. (…) cette manipulation, en tant qu’elle constitue une familiarisation du sujet avec une nouvelle forme linguistique, est en soi un facteur favorable à l’apprentissage.’ (B. Py, Apprendre une langue dans l’interaction verbale, Bulletin suisse de linguistique appliquée, 63/1996, 11-23)

Voici un exemple concret dans un cours d’échange français-chinois. Au cours de son expression d’une histoire, l’apprenant du français hésite sur le choix entre les deux adjectifs ‘neuf’ et ‘nouvel’ même s’il les a utilisés maintes fois auparavant sans distinction ; évidemment les items concernés se trouvent dans la Zone Proximale. L’hésitation constitue une sollicitation d’aide au natif qui répond à l’appel en donnant des explications sous forme de données. Il demande ensuite l’apprenant de lui donner deux exemples selon ses explications. Les bons exemples de l’apprenant, même s’il les exprime tant bien que mal, prouvent qu’il a bien profité des données et trouvé de bonnes positions pour les deux items dans son système d’interlangue. À la sortie de cette séquence latérale assez longue mais réussie, les deux parties reviennent à l’histoire du début ; même dans le cas où ils n’arrivent pas à reprendre le fil communicatif, ils ‘se promettent’ d’y revenir dès que l’histoire revient à leur esprit — le rituel communicatif est respecté. Ainsi l’apprentissage non seulement demeure au sein des données en LC mais aussi s’enchâsse dans la communication sous forme d’une ‘clairière’. Tels processus de décontextualisation - recontexualisation sont assez nombreux dans les cours d’échange/particuliers alors qu’ils endommagent les conversations dans le milieu naturel car le but de communication fait que les natifs ne s’attendent pas à jouer le rôle de l’enseignant.

Un atout stratégique des apprenants adultes est la métacognition, portant soit sur la langue ou sur la méthode de travail. À cause du manque de temps dans le milieu naturel, d’une part, cet atout dans son état non automatisé ne peut pas s’achever, d’autre part, la tentative de sa mise en œuvre ralentit la compréhension et la production.

Sous un contrat de cours particuliers/d’échange, son fonctionnement accompli permet l’apprenant de contrôler la situation tandis que sa mise en scène répétitive accélère son automatisation.

Avec de la négociation, l’apprenant peut être autorisé à employer la stratégie ‘malhonnête’ qui consiste à prétendre de comprendre ce qu’il ne comprend pas ou pas complètement, ce qui simule d’une manière la période silencieuse chez l’enfant.

Compte tenu du petit nombre de pages, on fait l’économie de d’autres stratégies favorisées par la situation de cours d’échange/particuliers.

En résumé, il faut comprendre que savoir les stratégies est une chose, pouvoir les employer en est une autre. L’optimalisation, la multiplicité et la flexibilité dans les choix de stratégies ne sont pas seulement une capacité individuelle mais aussi un résultat influencé par les conditions externes.

Le contrat de cours d’échange/particuliers promeut la voie à double sens entre la communication et l’apprentissage et par conséquent baisse largement le filtre affectif et permet une meilleure utilisation de stratégies qu’en milieu naturel ou institutionnel.

Faute des conditions objectives dans le milieu naturel, le natif n’est pas assez souvent à même de satisfaire les besoins de l’apprenant alloglotte en fournissant de l’étayage approprié; il faut changer de manière qualitative le rapport entre les deux parties pour matérialiser ces conditions indispensables.