Les caractéristiques générales des cours

Les caractéristiques des cours particuliers entre C et Y

Du côté de l’enseignante Y, la préparation de chaque cours est soigneuse : des cartes de caractères fournies de transcription phonétique et de sens sur l’envers, des comptines pour entraîner la perception et la production des éléments phonologiques, des textes destinés à la stratégie pragmatique (parce que C se penche trop sur le savoir explicite), des images de marchandises quotidiennes pour effectuer des conversations simulées d’achats, etc. Elle met en place des stratégies variées d’étayage et de présentation d’informations selon les caractéristiques linguistiques et selon la performance de D dans le cours précédent. Par exemple elle préfère induire son élève à découvrir pour elle-même la syntaxe chinoise, à la présenter directement : elle met les trois cartes des caractères ‘moi’, ‘acheter’ et ‘pomme’ côte à côte, qui constitue une phrase simple ‘J’achète des pommes.’ Elle la prononce tout en employant des gestuelles et l’image de pommes. Ensuite, elle remplace la carte ‘moi’ par celle du caractère ‘toi’ et ‘pomme’ par ‘quoi’; elle prononce la nouvelle phrase avec une intonation montante tout en rajoutant la carte de la marque interrogative. C semble confuse, ce qui est bien normal car dans ces phrases elle n’a rencontré que le caractère ‘moi’. Y donc réduit la difficulté en remplaçant le mot de question ‘quoi’ par ‘paire’ et prononce cette nouvelle structure interrogative avec une intonation montante. Ensuite, elle revient sur la première question et fait comprendre à C qu’elle doit faire un choix entre les deux fruits. Tout ce processus se déroule en la langue cible de C. La règle grammaticale est assez rapidement comprise et C verbalise sa réponse à la question ‘Qu’est-ce que tu achète ?’ en manipulant les cartes.

Pour C qui s’attendait à des cours sérieux, de telles méthodes sont assez amusantes parce qu’elles provoquent l’apprenant à s’employer activement leur capacité cognitive dans une exploration efficace de la nature de la langue cible. Pourtant, comme C dit avec des regrets, ‘Ta méthode marche très bien pour connaître et comprendre de nouvelles choses, mais cela n’aide pas à les mémoriser.’ En effet, la mémorisation pose un tel obstacle qu’à un moment donné, toutes les deux sont un peu découragées — C ne se souvient parfois de rien du cours précédent malgré sa compréhension très satisfaisante. Cette situation améliore d’un rythme modeste quand Y arrange des activités qui visent à donner des contextes linguistiques variées et simples à des formes déjà rencontrées.

Ce problème de consolidation des acquis est partiellement dû à la négligence de Y dans ses stratégies d’étayage mais peut-être aussi à des facteurs personnels comme le travail professionnel chargé ou à l’âge. Sinon le choix d’abandonner l’apprentissage de l’écrit à cause du manque de temps et d’énergie ferme-t-il un accès important pour faciliter la mémorisation ? Par rapport à D qui apprend à tracer les caractères dès le début et ainsi possède un répertoire associatif écrit-son-sens, C semble manquer d’appui mnémonique. Comme on verra plus tard dans les deux corpus, D recours assez souvent à l’écrit pour des buts variés alors que C doit se contenter de répétition et des notes en système PINYIN et en langue maternelle.

La raison existe probablement aussi dans la stratégie choisie par C. Elle s’appuie largement sur ses notes pour récupérer les informations et refuse une stratégie alternative proposée par Y car pour elle les notes seront utiles quand elle se trouvera en Chine. D’autre part, elle s’attache tant à la forme qu’elle ne semble pas réagir aux informations contextuelles et paraverbales. Elle est également très sérieuse quant à l’exactitude de la prononciation des tons : l’autorépétition et l’autocorrection sont des événements continuels. La stratégie métacognitive est prépondérante chez C : elle prend le temps pour découper toutes les données en caractères monosyllabiques, très souvent verbalise cette déduction en français ou en italien et elle explique parfois pourquoi elle utilise telle ou telle façon. Elle tient beaucoup à ses stratégies qui la rassurent et refuse d’essayer autres choses.

Le manque de temps à cause de son travail chargé au consulat est sûrement un facteur négatif dans son apprentissage mais c’est surtout ce manque de variété et de flexibilité dans ses stratégies qui rend l’apprentissage coûteux malgré l’efficacité momentanée et la gaieté pendant les cours. Les stratégies que C met en œuvre, bien qu’elles soient assez multiples, révèlent toutes une intention particulière — de savoir clairement tout ce qui se passe.

Y commence à s’inquiéter de ses problèmes tandis que C semble très contente des cours. ‘Ces deux heures de cours sont la meilleure chose de ma journée,’ elle avoue. En plus, elle a noté tant de choses !

De temps en temps C fait des remarques qui sont majoritairement positives sur l’efficacité d’une méthode ou sur la performance d’elle-même ou de son enseignante ; elle explicite aussi ses difficultés particulières.

Le rapport entre C et Y a des facettes différentes. Il est de nature enseignante – élève bien entendu mais aussi prestataire d’un service – cliente ou encore la facette par rapport à l’âge puisque leurs cours impliquent une assez large partie de discussion sur les cultures et les connaissances du monde. Cette dernière facette enrichit l’interaction entre les deux parties et équilibre leurs statuts par des échanges de pensées. La première facette définit proprement les rôles de chacune dans les activités d’apprentissage. La deuxième particulièrement contrebalance l’influence de la partie experte sur sa cliente : celle-ci garde une indépendance dans ses choix de stratégies et refuse d’accepter les propositions professionnelles de sa prestataire de service. La nature ‘commerciale’ du contrat de cours particuliers peut donc endommager l’apprentissage par la difficulté de mise en accord sur des aspects importants de l’apprentissage.