Faire des hypothèses sur les nouvelles connaissances

Sur les deux tours 148 et 150 D demande à Y de lui donner l’expression en chinois pour dire ‘parler avec’. Y lui donne le mot-composé ‘LIAO TIAN’ qui se traduit littéralement en ‘bavarder-ciel’, c’est-à-dire, de bavarder est de parler des sujets aussi vastes que le ciel. Un malentendu se cache dans la non-corrélation exacte entre la demande de D et l’offre de Y : le problème est sur la préposition ‘avec’. La préposition ‘avec’ en chinois, ‘HE’, suivi de son complément se place devant le verbe. Donc la phrase en question ‘Est-ce que tu bavardes avec tes amis ?’ se traduit de la sorte :

NI HE PENG-YOU LIAO-TIAN MA ?

你 和 朋 友 聊 天 吗?

toi –avec -ami -bavarder -INTERR

L’item donné par Y à la demande de D ne contient pas la préposition ‘avec’, ce qui est à l’insu de D. Par conséquent, celui-ci sur le tour 162 fait l’hypothèse d’une corrélation ‘LIAO’ = ‘bavarder’ et ‘TIAN’ = ‘avec’. À cause du malentendu sur la préposition, D matérialise un traitement syntaxique avec son savoir sur la structure de sa langue maternelle ou sur une autre langue dans son répertoire.

L’infirmation de cette hypothèse par Y sans correction relance D dans un traitement de l’item en question. Ce qui l’amène sur le tour 164 à reconnaître la forme ‘TIAN’ qui est en fait dans son répertoire.

On constate deux phénomènes particuliers ici. Le premier est l’instabilité du système d’interlangue : l’impact d’une nouvelle forme (‘LIAO’) peut contaminer une forme connue (‘TIAN’) et accroître la difficulté d’apprentissage. Le second est que dans ce cas un étayage modeste, c’est-à-dire qui ne cherche pas à tout faire pour l’apprenant, donne plus d’intérêt à la construction de la compétence et à la reconstruction de l’interlangue par l’apprenant lui-même. L’important pour l’enseignant est moins de donner du savoir que de faire construire.