CONCLUSION

Premièrement, nous avons examiné la langue chinoise dans ses grandes lignes et nous avons appris notamment que le signifiant graphique dans cette langue, par opposition aux langues alphabétiques, est non arbitraire, c’est-à-dire qu’il effectue une fonction mineure de transcription des sons et de renvoi directement au sens. L’indépendance entre les deux canaux, à savoir celui à l’écrit et l’autre à l’oral, a un impact sur l’apprentissage du chinois. Le savoir-faire de l’écriture chinoise semble aider la mémorisation par association entre les formes graphique et acoustique, ce qui est très bénéfique aux apprenants adultes qui ont perdu partiellement leur capacité perceptive et articulatoire, et qui font face à une langue phonologiquement extrêmement éloignée de leurs répertoires langagiers. Par conséquent, le traçage et les formes des caractères liés à la gestion ardue des tons et des sons étranges dans la langue chinoise constituent probablement un appui important pour les apprenants adultes occidentaux. C’est un point que nous avons essayé de démontrer en aval dans le chapitre VI, dans les deux cas de cours interindividuels.

Dans le chapitre I, nous avons également pris connaissance de la syntaxe chinoise, basée sur un principe sémantico-logique plutôt que sur la morphosyntaxe rigoureuse. Les ordres variés des mots, surtout ceux liés au phénomène pro-drop, devraient avoir une forte influence sur l’acquisition de la langue et devraient également contribuer aux études linguistiques générales.

C’est à travers une analyse globale du setting pro-drop manifesté dans la langue chinoise et par rapport à d’autres langues du setting pro-drop que nous avons été amenés à nous interroger sur la question de la nature des universaux dans le chapitre III. Puisque le ‘parametre-setting’ ne permet pas de distinguer les langues de manière nette — les langues dites du setting pro-drop permettent largement des formes du setting non pro-drop — la fonction des paramètres reste dans la distinction entre un setting renvoyant aux universaux d’autres settings qui ne le font pas. Autrement dit, les véritables universaux sont ceux dans l’organisation cognitive par le langage ; il faut les chercher non pas dans des études purement linguistiques comparatives entre des langues dans leurs états actuels, (surtout quand ces études excluent des langues dites ‘rares’ ou ‘primitives’ comme le chinois). Il faut par contre les chercher dans l’état initial d’acquisition de langues par les enfants et potentiellement à travers des études linguistiques diachroniques qui révèleront l’organisation initiale des pensées humaines par le langage. Il s’agit d’une hypothèse majeure dans ce mémoire par rapport à la notion des universaux et qui est déclenchée par les caractéristiques de la langue chinoise.

Une deuxième notion très étudiée dans ce mémoire est la ‘marque’ pour la raison qu’elle est étroitement liée aux universaux, aux différences interlinguistiques et aux difficultés dans l’acquisition de langues étrangères : plus marquée est une forme langagière, plus difficile celle-ci peut s’acquérir. La marque reste une notion ambiguë de par sa définition, à double facette, qui correspond d’une part à la distance d’une forme par rapport au noyau des universaux, et d’autre part aux données nécessaires pour l’acquisition. La multitude d’ordre des mots groupés autour du setting pro-drop en chinois montre qu’il faudrait très probablement prendre en compte les deux facettes pour juger et localiser les difficultés d’apprentissage, notamment par des adultes. En effet, l’accès continu aux universaux chez l’adulte est problématique alors que les répertoires langagiers existants ont un impact non négligeable sur le nouvel apprentissage.

Concernant le transfert, le chapitre II a présenté la notion de ‘psychotypologie’, montrant que la différence typologique ne constitue pas forcément une difficulté d’apprentissage. Il se peut qu’une différence entre la LM et la LC reconnue par le sujet apprenant promeuve la mise en place d’une stratégie pour éloigner l’influence de la LM au profit de la construction d’un nouveau répertoire langagier. Nous avons souligné que la psychotypologie devrait englober l’aspect culturel en plus de l’aspect linguistique pour la raison que l’appréciation et le rapprochement de la culture cible aideraient l’apprenant à optimiser ses efforts par une empathie bénéfique, allégeant ainsi le fardeau d’apprentissage.

Concernant l’accès continu aux universaux par les adultes, nous avons démontré dans le chapitre III que, pour prouver la présence de cet accès, il faut supposer que la LC est du setting universel alors que la LM est loin des universaux, non pas l’inverse. Si l'apprenant adulte choisit la forme en LC en dépit de son répertoire en LM, l'accès continu persiste chez lui ; dans le cas contraire, on pourrait penser que l’accès n’existe pas.

Une deuxième hypothèse majeure à la fin de ce chapitre est que le problème logique de l’acquisition d’une langue étrangère par l’adulte est de positionner l’adulte ou un adulte particulier sur un continuum universaux – Module de ‘problem-solving’. Le rapprochement possible de l’adulte du côté universaux explique l’acquisition complète de la LC chez certains alors que le conflit entre les deux accès ou les deux extrêmes explique la grande variété dans le résultat acquisitionnel et peut-être aussi dans la qualité d’apprentissage qui devrait être défini par le coût payé. Celui-ci est défini selon le critère fondamental de la cognition et selon d’autres critères qui l’influencent tels que le facteur affectif, la possibilité de mise en œuvre des stratégies, la qualité de l’étayage à la disposition et bien sûr la qualité aussi des données langagières (Chapitre V).

C’est dans le chapitre IV qu’ont été présentées les stratégies mises en œuvre par les apprenants adultes pour réduire le coût acquisitionnel, pour optimiser leur apprentissage mais aussi pour protéger leur image sociale. Cette présentation est effectuée par trois aspects pertinents au champ d’étude de ce mémoire cerné en amont, à savoir, l’âge adulte, le niveau débutant et l’aspect social de l’apprentissage. Elle est précisément faite sous les angles cognitif, affectif et celui général d’apprentissage.

Dans le chapitre V, après avoir présenté des notions fort intéressantes et importantes propres ou non à l’approche interactionniste (la Zone Proximal de Développement, les Séquences Potentiellement Acquisitionnelles, le Contrat Didactique, les Occurrences Données-Prises et l’étayage), nous avons introduit un troisième type de contrat didactique après l’institutionnel et celui implicite dans le milieu naturel. Il s’agit d’un contrat didactique interindividuel sous forme de cours particuliers et surtout de cours d’échange. Le rapport interindividuel sous ce type de contrat, surtout le rapport dans les cours d’échange basés sur le principe d’entraide, offre des vertus précieuses que l’on trouve moins ailleurs : il baisse largement le filtre affectif, promeut la sensibilité réciproque (celle du natif à l’état de l’interlangue et aux besoins langagiers de l’apprenant et celle de l’apprenant aux stratégies d’étayages de son enseignant partenaire), il garantit la cohérence de l’apprentissage grâce à la stabilité du contrat et à l’usage efficace des stratégies. Nous avons également révélé quelques défauts de ce type de contrat et proposé des solutions. Il est important de souligner que chacun dans la société est potentiellement un enseignant de sa langue maternelle à une autre personne qui ne parle pas cette langue mais veut l’apprendre. Le rapport d’entraide entre deux individus sous des conditions stabilisantes aide l’apprenant adulte à effectuer son apprentissage d’une langue étrangère par la communication, l'objectif même d'apprendre une autre langue.

Dans la dernière partie, deux exemples de contrat didactique interindividuel ont été présentés : l’établissement de contrats et les caractéristiques générales des cours. À travers une analyse détaillée des stratégies d’apprentissage et d’étayage du corpus de cours d’échange (la partie sur le chinois), nous avons tenté de prouver que les cours interindividuels d’une langue étrangère basée sur la communication peuvent constituer un lieu optimal et idéal d’apprentissage pour des adultes débutants.