Introduction générale

Contexte général

Née à l’âge du manuscrit, comme un lieu de conservation des livres rares et précieux, destinée à une élite, la bibliothèque a évolué à travers le temps. Dépassant le simple lieu de conservation et d’accès à des documents du patrimoine, elle a accompagné l’apparition de l’imprimerie et par la suite celle de l’industrie du livre et de sa diffusion commerciale pour devenir aujourd’hui un lieu public, un lieu d’information et d’accès au savoir. Elle est chargée de rassembler des publications de toute nature qui s’étendent aussi bien du document du patrimoine qu’à celui de l’actualité, et ce en constituant des collections sur tous les supports d’informations, et en les traitant afin de les diffuser auprès d’un public large et diversifié.

La bibliothèque publique est en effet une institution de collecte et de transmission de l’information. Face à l’évolution des connaissances et des techniques de communication, elle ne pouvait donc pas se tenir à l’écart. Elle se doit de suivre l’évolution de la technologie de l’information, et de s’investir dans des techniques sans cesse en changement. Elle est de plus en plus entraînée dans une course sans fin afin de rester au diapason de l’innovation. En parallèle, elle est confrontée à des réalités économiques difficiles. Elle doit faire face à une forte pression résultant d’une augmentation permanente des sources documentaires qui engendre de nouvelles attentes, de nouvelles pratiques de lecture et des exigences accrues, souvent difficiles à satisfaire vu l’augmentation des coûts et les sévères restrictions budgétaires qui accompagnent le secteur public depuis les années 70. Face à la nécessité de faire des choix, les budgets culturels sont de plus en plus menacés. Nombreux sont les auteurs qui ont signalé que le secteur culturel est le premier à être sacrifié au nom de la contrainte budgétaire. Ceci entraîne, dès lors, les bibliothèques publiques dans des perturbations financières avec lesquelles elles doivent composer. A partir de cette réalité, d’importantes questions économiques et managériales s’imposent aux bibliothèques. Pour pouvoir résister dans l’environnement économique et informationnel actuel, elles ne peuvent plus continuer à feindre d’ignorer la nécessaire ouverture aux sciences économiques et de gestion.

C’est dans ce cadre que se situe notre travail : celui de la recherche des différentes modalités de gestion permettant un fonctionnement efficient des bibliothèques municipales dans un environnement économique instable, au carrefour des sciences de l’information et des sciences de la gestion. En ce sens l’étude de management des bibliothèques rend compte de l’interdisciplinarité des sciences de l’information.

En effet, les contraintes économiques, à côté de nombreux autres facteurs, ont donné à l’économie de la culture son essor. Elles ont contribué à la reconnaissance de l’économie dans le champ culturel. « En cela l’économie de la culture apporte une réponse à une demande sociale émanant autant des institutionnels menacés par les restrictions que des professionnels en proie à une crise d’identité et parfois enclins à céder à la facilité d’un assistanat chronique. 1 » Le lien culture, bibliothèque et économie ne peut plus être dénié comme il l’était auparavant.

Par ailleurs, les économistes ont longtemps considéré la culture et l’information comme extérieures à leur champ. Les activités considérées comme improductives, non rentables au sens des théories libérales, n’étaient pas prises en compte ou plutôt mises à l’écart. Progressivement, l’information et la culture ont pris une place dans l’analyse des économistes. En France, les années 80 sont considérées comme celles de la culture et de l'inscription de celle-ci dans le champ économique. Les économistes se sont penchés sur trois grands thèmes : le rôle de l’information dans l’économie, l’économie publique de la culture et l’industrialisation du secteur de l’information et de la culture. Les bibliothèques sont au cœur de ces thèmes. Cependant, maintenues à l’écart, elles restent un champ peu exploré 2 . Le théâtre, le cinéma, les musées ont constitué les terrains privilégiés des économistes spécialisés dans le secteur culturel. Maintes questions économiques, ainsi posées et étudiées dans ces secteurs culturels, restent partiellement inaboutie ou ignorées dans le domaine des bibliothèques.

Les travaux scientifiques traitant directement des questions économiques et managériales au sein des bibliothèques sont assez riches dans certains pays, tels que les Etats Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne. Cependant en France, ces travaux sont peu nombreux même s’ils continuent à évoluer timidement.

De leur coté les professionnels considèrent la culture comme dégagée des lois économiques et comme ayant tout à perdre à s’y confronter 3 . Ils préfèrent remplir leur rôle de promotion de la lecture et du partage du savoir, plutôt que de s’interroger sur les problèmes ou les choix budgétaires. « Le poids de l’économie était, et est encore souvent, considéré comme un destin que l’on doit subir et qui perturbe le déroulement naturel de l’activité. » 4 Les réticences se ressentent encore nettement aujourd’hui dans les débats au sein de la profession. Une approche de la bibliothèque en tant qu’institution de diffusion et de conservation de l’information, loin des impératifs économiques, domine toujours. En revanche, une telle attitude face à la fragilité du secteur culturel, comme nous l’avons indiqué, conduit indubitablement à des institutions culturelles dégénérescentes. Le suivi des démarches économiques et managériales et l’adoption d’une gestion stratégique et innovante au sein des bibliothèques s’avère indispensable afin de tenir la route dans les virages qui s’annoncent.

Notes
1.

F. Rouet, X. Dupuis .- L’économie au risque de la culture.- In : Economie et culture : les outils de l’économiste à l’épreuve .– Paris : La documentation française, 1987, p19

2.

Jean Michel Salaün .- Economie et bibliothèques .- Paris : Cercle de librairie, 1997, p11

3.

A. Busson et Y. Evrard .- Portraits économiques de la culture .- Paris : La documentation française, 1987, p7

4.

Jean Michel Salaün .- Un rendez-vous manqué .- In : Economie et bibliothèque, 1997, p 12