Problématique

Les bibliothèques évoluent dans un environnement changeant, un environnement d’instabilité. Elles subissent des situations budgétaires fluctuantes et souvent contraignantes. Dans de telles conditions, le suivi d’une gestion stratégique et innovante en vue d’une optimisation des ressources pour une meilleure satisfaction des usagers devient un enjeu important, voir central. Quels choix et quelles modalités de gestion peuvent adopter les bibliothèques publiques pour y faire face. Comment gèrent-elles la croissance et la décroissance budgétaire ? Quelles en sont les justifications et les conséquences ?

Nombreux sont les choix et les modalités de gestion qui se présentent aux décideurs. Ils sont différents et complémentaires. L’adoption d’un choix ou le suivi d’une modalité n’éloigne pas de l’application de l’autre. Ils se résument en une alternative. D’une part, il s’agit d’opérer un repli « sur soi-même » et ainsi de tenter de faire face aux changements budgétaires par des remaniements internes, dans le sens de la création ou de la suppression de services, de l’imposition de mesures économiques, d’une nouvelle gestion des ressources humaines, etc.

D’autre part, il peut être décidé de tarifier les services pour assurer des rentrées financières, ou, faire appel à l’extérieur pour chercher des nouvelles sources de financement afin d’obtenir des aides financières ou d’autre nature . Faire appel à l’extérieur signifie aussi, faire avec les autres, mettre en commun certains services et ressources avec d’autres organisations, selon une méthode de gestion que l’économie nomme intégration horizontale ou encore coopération. Plus radicalement encore, un tel appel signifie de faire faire, soit de confier certaines tâches, censées être effectuées en interne, à une entité indépendante publique ou privée, procédé que l’on nomme sous-traitance.

Dès lors, face aux perturbations budgétaires, les bibliothécaires sont, premièrement, appelés à analyser leur situation et à gérer leur établissement en fonction des nouvelles données financières, en comptant sur leurs propres moyens. Comme le confirme Pierre Bauby (1997), « il n’est pas toujours nécessaire et il est parfois inutile de dépenser de l’argent pour résoudre les problèmes. Ce qu’il faut c’est une nouvelle approche, des nouvelles méthodes et une nouvelle répartition des ressources. » 5 Dès lors, comment la diminution ou l’augmentation budgétaire est-elle gérée ? Quels sont les choix retenus ? Reflètent-ils des issues réellement choisies et pensées ? Permettent-ils aux bibliothèques d’assurer leurs missions et d’atteindre leurs objectifs ? Les outils et les démarches managériales confirmant leur implantation dans de nombreux secteurs culturels sont-ils adoptés par les bibliothèques ?

Deuxièmement, la bibliothèque peut engendrer des ressources jugées importantes qui peuvent assurer la continuité ou l’amélioration de certains services. Cependant, elle se retrouve tiraillée entre la notion de service public auquel elle doit se conformer et la réalité économique des tutelles auquel elle est soumise. Dès lors, quelle forme de gratuité a-t-elle pu maintenir et quelle forme de tarification a-t-elle suivi ? Comment la décision tarifaire a –t-elle été prise ? Quelles en sont les raisons et les conséquences ? Suffit-il de tarifer pour améliorer ou surmonter une situation financière quelconque et ainsi engendrer des conditions de fonctionnement meilleures?

Troisièmement, les bibliothécaires ont la possibilité d’avoir recours à d’autres sources de financement (subventions, mécénat, sponsoring, etc.). Mais, un tel recours ou une telle politique de soutien, peut-il être considéré comme réellement au service de la culture ou plus précisément au service des bibliothèques. Quelle est la nature des subventions obtenues ? Ce recours représente-t-il réellement une opportunité pour les bibliothèques municipales (BM) ? Quelles sont les limites et les conséquences de toute intervention extérieure ?

Quatrièmement, face à l’instabilité financière et parallèlement à la croissance de la production documentaire, à l’augmentation des coûts d’acquisition et aux exigences accrues des usagers aussi bien, pour la qualité de l’information que pour la rapidité et la facilité d’accès, les bibliothèques se trouvent dans la nécessité de coopérer. Cependant, le recours à la coopération est-il réellement le résultat d’une situation financière ? Quels sont les formes de coopération adoptées ? Quels en sont les raisons ? Quels en sont les effets ? La coopération permet-elle la conciliation entre l’objectif informationnel et l’objectif économique que les bibliothèques tentent à atteindre ?

Cinquièmement, le recours à des solutions plus externalisées telles que la sous-traitance ou même plus encore la privatisation, comme ce fut le cas des USA dans les années 80, est-il appliquée dans les bibliothèques françaises ? Quelles en sont les raisons et pour quelles prestations de services les bibliothèques ont-elles recours à des sociétés externes ? Un tel recours est-il réellement avantageux dans le secteur de la lecture publique ? Quels sont ses apports ? Un tel recours a-t-il influencé le développement de partenariats (coopération) ?

Nous nous intéressons aux facteurs qui ont incité ou empêché les responsables des bibliothèques à opter pour un choix ou un autre. Leurs choix sont-ils liés uniquement à la situation budgétaire ? Reflètent-ils un raisonnement gestionnaire ? Que génère l’application d’un choix ou d’un autre ? Comment pouvons-nous décider de la pertinence et de l’adéquation d’un choix ?

Notes
5.

Pierre Bauby .- Le service public .- Paris : Flammarion, 1997, p 38