3- Historique

L’expression célèbre de Georges Pompidou, « tout ou presque reste encore à faire en matière de lecture publique » 11 , explicite bien la situation des bibliothèques publiques françaises à son époque. En 1966, un groupe de travail a été chargé d’élaborer un plan de développement pour la lecture publique qui a été publié en 1968 mais qui n’a jamais été appliqué. Cependant, il a permis de caractériser les lacunes et de souligner le nécessaire rattrapage à mettre en œuvre.

Par conséquent et comme objectif culturel, démocratiser la culture et faciliter l’accès à tous les Français furent les priorités durant les années 70, caractérisées par le souci de rattrapage de la situation des bibliothèques françaises surtout par rapport à d’autres pays européens tels que l’Allemagne et l’Angleterre. C’est pourquoi cette période est marquée par la construction massive de bâtiments, l’élaboration d’une politique normative pour les équipements à mettre en place, l’apparition de nouveaux supports (vidéo en 1975) et le développement de ceux déjà utilisés (disques) mais aussi, la création systématique de sections enfantines, la déscolarisation de la BM, l’émergence de la bibliothèque des loisirs, l’élargissement du libre accès, le début de l’informatisation, la diffusion des activités d’animation et enfin l’augmentation du professionnalisme. Aussi, le rôle incitatif, notable, de l’Etat qui a augmenté ses aides financières, initié par l’ouverture et le succès de la BPI (1977), fût une vraie source d’inspiration et d’incitation pour les communes pour le développement ou la construction d’une bibliothèque au sein de leurs villes. En revanche, cette période n’a pas encore connu l’évolution attendue. « Les moyens mis en œuvre ne furent pas à la hauteur des objectifs visés. » 12

De nouveau et malgré les progrès réalisés, le retard français a été souligné par l’UNESCO en 1980. Ainsi, cette décennie qui représente la période de « décollage » des BM, fût marquée par le souci de concrétisation des objectifs visés dans les années précédentes.

En 1981, un groupe d'étude, présidé par le directeur du livre (Pierre Vandevoorde) au Ministère de la culture, dénonce les carences qualitatives et quantitatives des BP. Sur la base de ce rapport et grâce au nouveau contexte politique (la décentralisation et le fort appui apporté par l'État aux collectivités territoriales), une forte relance a été organisée dans le domaine des bibliothèques. Ces dernières ont connu « une phase de développement spectaculaire ». En 10 ans, le nombre de BM augmente de l’ordre de soixante quinze pour cent, la superficie des locaux double, les collections se développent et se diversifient, le professionnalisme s’accentue, la demande augmente et varie, la gestion adopte l’outil informatique et de nouvelles doctrines architecturales sont étudiées pour un espace plus vaste et plus accueillant. Ainsi, « les bibliothèques ont, en dix ans, largement évolué vers le concept de médiathèque. » 13 Mais, le niveau atteint n’est pas encore suffisant. Une troisième décennie marque l’histoire des BM : les années 90.

Durant cette période, représentant la période concernée par notre recherche, les BM ont pris les formes d’une richesse et d’une diversité inattendues. Elles ont connu une mutation technologique et architecturale profonde. Il suffit de voir le chemin parcouru. Ce n’est pas l’épiderme des bibliothèques qui a changé, comme le signale Michel Melot (1998), ni les écrans qui font vitrine ; ce n’est pas seulement les bâtiments et les équipements qui les abritent qui ont changé, mais aussi la nature de l’offre et du service, le public et son usage de la bibliothèque. Cependant, le bilan ne permet pas de s’en contenter. Malgré les acquis réalisés, les déficits de cette évolution sont encore nombreux.

Cette période est marquée aussi par la crise économique qui a touché tous les services publics. Une volonté de maîtriser ou plutôt de diminuer les dépenses publiques, nous rappelle D. Arot (1997), a été exprimée au cours des élections municipales de 1995. Par conséquent, les BM se trouvent face à une difficulté économique. Cette difficulté a freiné les recrutements de personnel et l'expansion des budgets d'acquisition des bibliothèques. Le développement réalisé reste, ainsi, inachevé. Selon le rapport de 1998-1999 du Conseil supérieur des bibliothèques, « si la satisfaction est grande de mesurer le chemin parcouru, force est de constater que beaucoup reste encore à faire. »

Pour pouvoir constituer une idée assez exhaustive sur la réalité vécue par les BM, nous avons utilisé des données de la Direction du Livre et de la Lecture (DLL). La période concernée est donc de 1990 à 2000.

Notes
11.

Anne Marie Bertrand .- Les bibliothèques municipales : acteurs et enjeux, 1994, opcit, p56

12.

Isabelle Gosselin .- Bibliothèque municipale et politique culturelle.- Paris, La lettre du cadre territorial, 1995, p18

13.

François Rouet .- La grande mutation des bibliothèques municipales.- Paris : Ministère de la culture, 1998, p29