1- l’approche de l’économie industrielle

A son origine, la création de toute organisation repose sur une idée à laquelle il faut trouver les moyens utiles à son fonctionnement. Ces moyens peuvent être de nature différente : ressources financières, locaux, mobilier et bien évidemment les individus qui participeront par leurs savoir-faire théoriques et pratiques. Dès lors, chaque organisation ou entreprise nécessite pour son fonctionnement, certains éléments ou matières premières (les entrées) et doit fournir à son milieu externe les produits de son activité (sorties).

Figure n°8 : représentation théorique primaire d’une organisation
Figure n°8 : représentation théorique primaire d’une organisation

Issue de l’économie industrielle, l’analyse de toute organisation ou entreprise s’est limitée à l’analyse de son activité de transformation, soit son activité de production, séparée totalement de celle de diffusion. La bibliothèque, comme toute autre organisation, se limite dans sa première représentation théorique, à un ensemble d’entrées et de sorties. Son activité était réduite à un processus de transformation des informations brutes (matières premières), en utilisant des techniques documentaires, à des collections (produit final). L’orientation et le souci premier des bibliothécaires était la constitution des collections et ainsi, la valeur des documents réside dans leur intégration dans la collection.

Dès lors, l’usager était absent dans la conception des produits. Il n’intervient qu’en bout de chaîne, une fois que le produit (le fonds) est entièrement finalisé. La coupure entre l’activité de production et de consommation est ainsi totale.

Toutefois, cette vision de la bibliothèque est assez réductrice dans sa représentation. La production de cette dernière n’est pas destinée uniquement à la diffusion mais aussi à la conservation d’un capital d’informations accumulé à travers le temps dans une société donnée. Dans son rôle de mémoire et de conservation, la bibliothèque vise aussi la pérennité et la possibilité de partager les documents le plus longtemps possible. De ce fait, l’offre ne se limite pas à l’actualité. Elle est plus large et plus exhaustive.

De plus, la bibliothèque ne propose pas à proprement parler des livres ou des documents mais plutôt la possibilité de les consulter, de les prêter, etc. Son objectif est alors d’offrir non pas le document mais l’opportunité de sa lecture et par ailleurs bien d’autres services (conseil, orientation, etc.) 21 . Dès lors, la bibliothèque est aussi un lieu d’information, de service. Elle ne relève pas de ce fait uniquement d’un processus de production de biens.

En outre, la valeur ajoutée d’une collection réside ainsi dans sa valeur d’usage, étant donnée que l’ultime objectif d’une bibliothèque, dans la constitution des collections, est la consultation. Le principe est donc de faciliter l’accès à l’information. Dès lors, la bibliothèque est appelée à organiser et à enrichir son fonds de documents et à gérer les modalités d’accès, c’est à dire sa relation avec ses usagers. On voit ainsi l’apparition de l’usager dans l’activité d’une bibliothèque. L’attention s’est déplacée de la collection à l’usager. La nature même de l’environnement dans lequel existe la bibliothèque exige ce passage. L’évolution du marché de l’abondance et de la standardisation de l’offre à l’abondance et la diversification de celle-ci et par conséquent l’évolution des besoins, ou encore l’amplification de la concurrence, ont inversé l’approche de la demande. La production ne s’écoulait plus automatiquement sur un marché avide à la consommation. L’étude et la compréhension des besoins des destinataires sont ainsi exigées afin d’y adapter la production et la distribution. L’interactivité entre l’entreprise ou l’organisation et ses destinataires s’avère fondamentale. Ces derniers ont connu, ainsi, leurs apparition active dans le processus de production. La simultanéité de la production et de la consommation, spécificité d’une activité de service, est indispensable pour l’accomplissement de cette activité. Dès lors, la vision industrielle n’est plus viable pour rendre compte de l’activité d’une bibliothèque.

Notes
21.

Jean Michel Salaün .- Economie et bibliothèques, 1997, opcit, p21