2- l’approche de l’économie de service

Entrer dans une démarche de service, c’est en quelque sorte ouvrir une zone d’initiative à l’usager en le dotant de moyens de repérage et d’intervention pour maximiser les chances d’obtention d’un résultat utile. Le service apparaît, ainsi, comme une coproduction en association avec l’utilisateur 22 . De ce fait, un service ne peut être réalisé qu’avec la participation de son consommateur et au moment même de sa production. « Pas de voyage sans voyageurs, pas de médecine sans malades, pas de restaurants sans clients… » 23

A la participation active de l’usager, les spécialistes du marketing des services ont donné le nom de « servuction », une contraction entre service et production. Cependant, la « servuction » se réalise dans l’interactivité entre le personnel en contact et le destinataire, mais aussi par la relation de ces deux derniers éléments avec les moyens matériels. Dans une bibliothèque, il s’agit du bibliothécaire au service du public, de l’usager et des supports physiques (livres, catalogues, salle de lecture, etc)

Figure n°9 : Les éléments fondateurs du système de « servuction » Jean EIGLIER et Eric LANGEARD cité par J.M. Salaün (1992)
Figure n°9 : Les éléments fondateurs du système de « servuction » Jean EIGLIER et Eric LANGEARD cité par J.M. Salaün (1992)

Dès lors, les services offerts ne peuvent être qu’hétérogènes. « Un service est différent d’un jour à l’autre, d’une personne à l’autre, d’un lien à l’autre. » 24 Ainsi, l’offre de service n’est pas standard. Elle dépend de l’implication de chaque acteur et de ses caractéristiques : le savoir-faire, la formation, la qualification tant du personnel que de l’usager et elle dépend aussi de la qualité de la gestion des moyens matériels. Concernant cette dernière, Jean Michel Salaün (1992) précise deux gestions qu’il trouve importantes : celle de l’espace où vont évoluer à la fois le personnel en contact et les usagers (salles de lecture ou pas de salle), et celle du temps (horaires d’ouvertures modulés).

Par ailleurs, les services d’une bibliothèque sont multiples. Ils peuvent être parallèles ou complémentaires. Ils s’organisent tous autour d’un ou des services de base qui représentent la raison principale de la venue des usagers. Ils peuvent être accompagnés par des services de base secondaires ou par des services périphériques qui facilitent l’accès ou ajoutent de la valeur au service de base. De ce fait, l’offre de services d’une bibliothèque est ainsi un ensemble interconnecté de services de différents niveaux (service de base, services périphériques). Nous pouvons considérer, à titre d’exemple, la consultation comme un service de base, les animations comme un service de base secondaire et la photocopie comme un service périphérique.

L’offre de service peut être analysée selon deux dimensions celle de la largeur et celle de la profondeur : « une offre est large si elle comprend un grand nombre de services de base, c’est à dire un grand nombre de services autonomes ayant des objectifs différents, susceptibles d’attirer une clientèle propre. Chaque service de base constitue un mode d’accès pour le client. Plus l’offre est large, plus le client peut satisfaire un nombre élevé de besoins. Une offre est profonde si elle propose une grande variété de moyens pour satisfaire un besoin exprimé. La profondeur exprime la richesse du choix offert par l’entreprise pour atteindre un résultat clairement identifié. » 25

F.Muet et JM. Salaün (2001) proposent la matrice suivante pour pouvoir analyser l’offre de service :

Figure n°10 : La Matrice de l’offre de services proposée par F.Muet et JM. Salaün (2001, p23)
Figure n°10 : La Matrice de l’offre de services proposée par F.Muet et JM. Salaün (2001, p23)

Toutefois, l’offre d’une bibliothèque représente une autre caractéristique que l’introduction de la technologie de l’information a permis d’enrichir. Auparavant, l’activité d’une bibliothèque était totalement un service de proximité. Actuellement, en plus de ce type de service, l’usager peut avoir accès à l’information à partir d’un ordinateur à tout moment et où qu’il soit. Il peut ainsi bénéficier de certains services à distance. Dès lors, la notion de l’espace-temps a perdu son sens. La relation de l’usager au service se retrouve par conséquent modifiée, vers une relation virtuelle. Aussi, le rôle du personnel en contact, élément essentiel dans l’activité du service, se retrouve affaibli. Par conséquent, le modèle de « servuction » est considérablement bouleversé.

Notes
22.

Anne Mayère .- Logiques d’information, logiques de service .- In : réseaux communication technologie société, n°58, 1993, p39

23.

Jean Michel Salaün .- Marketing des bibliothèques, 1992, p56

24.

Florence Muet.- L’apport du management des activités de service pour la documentation.- in Séminaire sur l’économie des bibliothèques, ENSSIB, 12-04-1996 (document non publié), p11

25.

Jean Michel Salaün .- Stratégie marketing des services d’information, 2001, p23