1.2- les spécificités du management public

Les spécificités du management public résultent des caractéristiques de l’organisation publique. Dès lors, manager dans une telle organisation suppose de se conformer à ses spécificités et à ses contraintes. D’abord, l’organisation publique est soumise au droit public. Ses objectifs sont, donc, définis par la loi qui a pour seul principe l’intérêt général. Elle n’est pas assujettie à la rentabilité financière et elle ne fonctionne pas dans un cadre de libre concurrence. Ensuite, elle est soumise aux décisions politiques. La prise de décision dans l’organisation publique suppose un recours systémique aux autorités de tutelles et par conséquent une dépendance et une absence de marges de manœuvres, ce qui n’est pas compatible avec une gestion stratégique. Cependant, comme le confirme Crozier 44 , le phénomène bureaucratique se caractérise par l’existence d’espaces de liberté où peuvent être développées des micro-stratégies. L’acteur a une marge de liberté qui lui permet de s’adapter aux contraintes et des opportunités pour élaborer sa propre stratégie. La question de la hiérarchie administrative, la prégnance des statuts et l’absence de stimulation et d’implication des différents acteurs dans l’organisation publique conduit à une inertie et à des dysfonctionnements incompatibles avec les défis nationaux et internationaux auxquels doit faire face l’appareil public 45 . La recherche porte donc sur le « management participatif » qui vise à mettre en place des procédures de concertation sur les objectifs et moyens entre les échelons hiérarchiques pour pallier les carences de la rigidité statutaire. Le management introduit la coresponsabilité. Il n’y a pas que le décideur qui ait conscience de la finalité de l’organisation. Le management est l’affaire de toute l’organisation.

En outre, la loi de finance, autre spécificité de l’organisation publique, repose sur les règles de l’unité et l’annualité budgétaire. Un seul document est à soumettre pour proposer l’ensemble des dépenses et des recettes. Le budget est voté pour toute une année. Les crédits non engagés à la fin d’un exercice ne peuvent pas être reportés au budget de l’exercice suivant ce qui n’encourage évidemment pas l’économie mais plutôt le gaspillage et la sur-consommation pour ne pas être sous-doté l’année suivante. Cette règle ne laisse guère de place à la réactivité pendant l’année pour faire face à des dépenses exceptionnelles. Aussi, le non-report des dépenses d’une ligne budgétaire à une autre et les modalités de paiement d’une facture s’additionnent pour alourdir la gestion des organisations publiques.

Enfin, certaines autres caractéristiques sont à prendre en considération dans le secteur public : l’ambiguïté des objectifs, la multiplicité des acteurs entraîne souvent une multiplicité des points de vue et rend impossible l’accord sur des résultats à atteindre en priorité. Les comportements, dans une organisation, correspondent à un jeu de pouvoir dans lequel différents joueurs, appelés détenteurs d’influence, cherchent à contrôler les décisions et les actions. Face à ces spécificités, S. Alecian et D. Foucher (1994) affirment que le management le mieux adapté aux services publics reste largement à inventer par les cadres du service public. Tout changement doit être conduit par l’organisation publique même.

En revanche, certains auteurs affirment que l’administration évolue selon une certaine forme d’esprit d’entreprise. La sphère publique vit l’intrusion de la rentabilité et de la concurrence. En effet, les critères de rentabilité, confirme B. Meunier (1993), ne sont pas absents des préoccupations des gestionnaires du secteur non marchand. Ces derniers doivent éviter d’accuser un déficit s’ils veulent assurer la viabilité de leur organisation, ils doivent même dégager un surplus, s’ils veulent la développer. De plus, le principe d’égalité est attaqué, pense Caroline Vayrou (1995), et les principes de continuité et de mutualité peuvent vite subir le même sort. Des grands changements passent inaperçus dans l’organisation publique. Il s’agit, d’une part, de la pratique de la délégation de certains services au secteur privé, (ce qui confirme la tendance à faire de l’administration un contrôleur des objectifs de service public et non plus un gestionnaire), et, d’autre part, de glissement sémantique de l’usager au client. « Le terme client impliquerait de ne s’intéresser aux gens qu’à travers l’épaisseur de leur porte-monnaie, alors que celui d’usager garantirait à tous un droit égal d’accès aux services publics. » 46  Ainsi, considérer l’usager du service public comme client, c’est affirmer le changement d’optique à son égard. A l’opposé, Mathias Finger et Bérangère Rochat (1997) admettent que l’orientation client est indispensable parce que l’Etat est en décalage avec les besoins et les soucis de la société civile.

Certes, le management a apporté des valeurs qui sont étrangères à l’administration mais il a aussi apporté des outils et des méthodes qui sont profitables à l’amélioration du fonctionnement de l’unité. A ce niveau, nous nous intéressons aux modalités d’insertion du management au sein des bibliothèques et à l’apport de ces outils qui prolifèrent sous des formes toujours nouvelles.

Notes
44.

Cité par Jocelyne Gazagnes.- L’évaluation dans les bibliothèques publiques, outil de pilotage ou de légitimation .- mémoire de DEA, ENSIB, 1993, p50

45.

Annie Bartoli .- Le management dans les organisations publiques .- Paris : Dunod, 1997, p 115

46.

F. Mispelblom, cité par Annie Bartoli .- Le management dans les organisations publiques, 1997, p139