3.1.2- les procédures de contrôle et d’évaluation

Le système de suivi et d’évaluation du fonctionnement des bibliothèques effectué par les mairies, varie d’une ville à une autre, il est assez formalisé pour certaines villes (des programmes de réunions préétablis, une commission des affaires culturelles, etc.), tandis que pour d’autres villes, il reste assez informel.

Les moyens utilisés pour le suivi et l’évaluation du fonctionnement des bibliothèques sont :

  • Les rapports d’activité annuels ;
  • Des statistiques mensuelles afin de suivre progressivement l’évolution de la bibliothèque au cours de l’année ;
  • Des visites sur le terrain ; « Je me rends régulièrement à la bibliothèque pour voir les agents sur leur lieu de travail et de temps en temps j’organise une réunion avec l’ensemble du personnel. »
  • Des rencontres et des réunions formelles et informelles avec les directeurs et le personnel de la bibliothèque dont la périodicité dépend de chaque ville (une fois par an, chaque trimestre, tous les quinze jours, etc). Certains élus ont établi un calendrier de rencontres avec les différents chefs du service culturel. Ces rencontres permettent d’établir une harmonisation du fonctionnement des différents projets culturels de la Ville ; de finir une politique générale des différents services culturels ; de faire le point ; d’échanger des idées ; d’être en symbiose ; de collaborer afin d’enrichir les connaissances des uns et des autres ; de mieux se connaître ; de permettre à chacun d’exprimer ses opinions sur les orientations pour les mois ou les semaines à venir, en bref, que tout le monde soit informé. Les responsables des bibliothèques pour lesquelles ces réunions existent, confirment l’importance de ces rencontres. A l’opposé, leurs confrères, exerçant dans des villes où ce genre de rencontre n’est pas organisé, expriment un manque crucial de communication.
‘« Pas de programme de réunion préétablie, c’est au coup par coup selon les demandes et ça à mon avis ce n’est pas bien. Il était question qu’avec notre nouveau maire-adjoint, on se réunisse tous dans la cellule culturelle régulièrement. Je pense que c’est ce qui manque depuis de nombreuses années c’est qu’on puisse régulièrement, pas trop souvent et non plus trop rarement, faire le point, discuter, voir comment on peut travailler ensemble. » A92’

Pour certains responsables de bibliothèque, la résolution et la discussion de certains problèmes s’effectuent par courrier [V59] ou par téléphone. [P86]

Ces outils de contrôle semblent être satisfaisants pour nombreux responsables politiques. Ils trouvent dans les rapports d’activité fournis par les responsables des bibliothèques à la fin de chaque année, un outil d’information suffisant vu les réactions émises par les citoyens qui constituent leur réel indicateur de référence.

‘« On a le rapport d’activité et je pense que c’est suffisant pour évaluer les choses. De plus, on a un certain retour des citoyens. » ’

Cependant, notre interlocuteur élu [M93], trouve que les méthodes d’évaluation sont à travailler davantage. « On est plus exigeant avec nos partenaires privés qu’avec nos propres services. »

Le contrôle municipal se limite principalement à l’aspect financier.Avant tout le budget ne doit en aucun cas être dépassé. Nos interlocuteurs, élus ou directeurs des affaires culturelles confirment que leur intervention s’arrête principalement après l’attribution du budget. Les directeurs des bibliothèques sont ainsi, responsables et libres de leurs budgets. Les interventions des mairies se font rarement dans les choix internes. Et dans le cas contraire, les élus légitiment leurs interventions par les demandes et les réclamations des citoyens.

‘« Ils ont la liberté complète sauf si on constate une dérive ou que l’on reçoit des réclamations des habitants. » ’ ‘« On lui fait complètement confiance…c’est elle qui réfléchit à tout…on intervient uniquement quand il y a eu une réclamation. » ’

Une majorité des élus enquêtés estime que leur rôle doit être limité à la fixation des grandes orientations et des grands projets culturels de la ville. Ils limitent leur rôle à la création des conditions d’un dynamisme culturel dans la ville ainsi qu’au maillage entre les différents établissement culturels. De ce fait, ils n’ont pas à intervenir dans la gestion ou dans l’organisation d’un service.

Par ailleurs, il se révèle que le degré et la façon d’intervention de la mairie sont liés au degré de la confiance que les élus ont pour les directeurs de leurs établissements culturels. La personnalité et les compétences de ces derniers sont un des facteurs importants dans cette confiance.

‘« Je n’interviens pas … c’est à eux de décider de leur politique d’acquisition ou d’animation et heureusement que c’est eux qui décident et non pas l’élu. Le contraire serait une erreur de rôle, un manque de confiance réel dans mes professionnels, etc. » [M93]’ ‘« J’ai confiance dans le directeur, il est plus compétent que moi dans son domaine, pour gérer son personnel et définir les orientations de sa bibliothèque. » ’ ‘« Il faut laisser les professionnels travailler dans le domaine où ils ont de la compétence. » ’

Les responsables des bibliothèques, confirment de leur côté qu’en effet l’intérêt des élus se limite à l’aspect budgétaire. Ils contrôlent la définition budgétaire si elle respecte la lettre de cadrage. Par la suite, ils contrôlent les dépenses. L’important est de ne pas dépasser le budget accordé et de ne pas accorder un budget supplémentaire. Dès lors, du moment que les bibliothécaires s’adaptent au cadrage budgétaire, ils bénéficient d’une autonomie assez importante. Certains responsables bénéficient de la liberté de transférer des sommes d’une ligne budgétaire à une autre, ce qui leur concède une capacité d’adaptation non négligeable aux contraintes et aux opportunités de la bibliothèque et par conséquent autorise l’élaboration d’une stratégie qui lui est propre.

Ce ne sont pas des actions ou des projets qui sont acceptés ou refusés mais plutôt le budget qui peut leur être alloué.

‘« Une fois que le budget voté n’est pas dépassé et est utilisé en fonction des lignes budgétaires, les élus n’interviennent pas. Il y a que l’aspect financier qui les intéresse ou qui attire leur attention. » V69’ ‘« A partir du moment où le budget est voté et qu’il n’y a pas de projets qui demandent plus d’argent, il n’y a pas de problème et je suis relativement libre. » [V59, V69, P86, B18, V94]’

La logique gestionnaire pilote ainsi la majorité des élus. Elle finit souvent par accorder plus d’importance aux moyens et méthodes qu’aux objectifs à atteindre. Le débat entre élus et bibliothécaires concerne alors, plus fréquemment les ressources accordées, que les missions de l’établissement. C’est pourquoi, nous pouvons confirmer l’espace de liberté dont certains responsables de bibliothèques bénéficient pour la définition de leurs services et la détermination de leurs offres.

En outre, l’absence ou la simplicité des mesures de contrôle, selon les responsables des bibliothèques, est loin d’être expliquée par un hypothétique laxisme municipal. Elle est plutôt due à la méconnaissance des élus envers le domaine de la bibliothéconomie. Les bibliothécaires trouvent qu’ils bénéficient d’une certaine autonomie interne de par cette ignorance.

‘« Le degré d’interventionnisme est lié à la connaissance des élus dans le domaine de la bibliothéconomie…Rares sont les élus qui ont des idées pour la lecture publique…ce qui est important c’est qu’ils ne nous mettent pas de bâtons dans les roues. » A92,V69, R42’