« La carte de France de la tarification dans les bibliothèques municipales est un puzzle inextricable, où s’expriment les politiques culturelles de chaque collectivité territoriale, où l’on voit chaque établissement s’efforcer de trouver une martingale pour concilier contraintes budgétaires et accès du grand nombre à la culture. En réalité, cette carte, personne ne se hasarde à la dessiner. » 85 L’évolution et la diversité de la tarification tiennent de l’évolution et de la diversité des politiques culturelles menées par les tutelles dont elles dépendent, de l’évolution de la bibliothèque même. La mutation d'une bibliothèque en une médiathèque s'accompagne souvent de l'évolution vers la tarification. Dès lors, tous les cas de figure existent, que ce soit des bibliothèques qui ont décidé d’enclencher le chemin de la tarification ou à l’inverse, qui ont enclenché le chemin de retour, de la tarification à la gratuité, ou encore celles qui ont opté pour la gratuité pour tous les supports ou la gratuité pour les livres seulement, etc. Cependant, le paysage apparaît uniforme concernant certains choix :
Par ailleurs, la majorité des BM (80%) font tarifer tout ou une partie de leurs services. Le taux des BM françaises, dont les services sont entièrement gratuits, ne dépasse pas 19,9% en 2000. La gratuité est en passe de devenir l’exception. Il est incontestable que la tarification a progressé au fil des ans. Les données de la DLL, présentées dans le tableau et la figure qui suivent, nous permettent de bien montrer cette évolution.
| Année | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 00 |
| Nombre des BM | 1874 | 1968 | 2064 | 2133 | 2315 | 2486 | 2544 | 2656 | 2795 | 2886 |
| Nombre des BM sans droit d'inscription | 530 | 401 | 486 | 489 | 516 | 521 | 503 | 515 | 561 | 575 |
| Dont nombre de BM avec disco et/ ou vidéothèque sans droit d'inscription | 130 | 35 | 57 | 54 | 75 | 76 | 64 | 65 | 87 | 95 |
| Nombre des BM avec droit d'inscription | 1344 | 1567 | 1578 | 1644 | 1799 | 1965 | 2041 | 2141 | 2234 | 2311 |
| Dont nombre de BM avec disco et/ ou vidéothèque avec droit d'inscription | 457 | 413 | 428 | 463 | 555 | 608 | 651 | 707 | 766 | 822 |
De plus, comme le signale Borzeix (1998), cette pratique est devenue si banale que plusieurs municipalités ont pris l’habitude de procéder à une réévaluation annuelle des tarifications. Le montant moyen des droits d’inscription par adulte inscrit est passé de 32.88F (5.01€) en 1998 à 33.92F (5.17€) en 1999, soit une augmentation moyenne de 3.16%. En 2000, il a atteint 36.04F. 86
Le débat sur la pratique de la tarification des services offerts par les bibliothèques publiques s’est beaucoup animé à la suite de l’obligation entérinée par la directive européenne de 1992 et celle du 22 mai 2001, qui impose aux États membres de mettre en œuvre le droit de prêt. Il consiste à rémunérer les auteurs pour le prêt de leurs livres dans les bibliothèques. Ainsi, le questionnement sur la prise en charge des droits de prêt est redevenu d'actualité. Les projets de loi concernant le droit de prêt se succèdent. La loi TASCA a proposé que l’acquittement de ces droits soit pris en charge par les lecteurs conjointement avec l’État, les collectivités locales et les autres organismes dont relèvent les bibliothèques. Elle a proposé l’instauration d’un prêt payé qui combine deux sources de financement : le prêt payé à l’achat des ouvrages et le prêt payé forfaitaire.
Un autre projet adopté le 8 octobre 2002 a abouti à la loi du 18 juin 2003 qui est entrée en vigueur le 1er août 2003.

Le débat est ainsi tranché. Concernant les BM, l’État prend en charge un versement annuel sur la base de 1.5€ par inscrit à la bibliothèque, ce qui pénalisera les petites bibliothèques ou les bibliothèques dont le nombre d’inscrits est assez limité. Autrement, le plafonnement des rabais de 12% à 9% représente une demande adressée aux collectivités locales d’assumer de nouvelles charges. Ceci pèsera sûrement soit sur les budgets des acquisitions des bibliothèques, soit sur les usagers.
L’éparpillement et la subtilité des prises de position à l’égard du droit de prêt illustre la multiplicité des acteurs et des logiques. En effet, cette question concerne l’ensemble des acteurs de la vie du livre : les auteurs qui les écrivent, les éditeurs qui les publient, les libraires qui les vendent, l’État et les collectivités qui les achètent et les bibliothécaires qui les font lire. 87 La réflexion sur le droit de prêt est guidé, selon Borzeix (1998) par trois logiques dont chacune exprime un souci légitime :
Par ailleurs, la naissance et l’amplification du phénomène de tarification au sein des bibliothèques ont déclenché un débat autour de la gratuité et de la tarification. Un débat caractérisé par deux raisonnements complètement opposés : intérêt économique d'une part et intérêt social ou plutôt idéologique hérité d’une tradition sociale d'autre part. Nous nous sommes intéressés à ce débat afin de comprendre les différents courants d’opinions faisant références et d’identifier les différents protagonistes agissant dans la prise des décisions.
Jean Marie Borzeix .- La question du droit de prêt dans les bibliothèques .- Rapport pour Madame la ministre de la culture et de la communication juillet 1998, p16
Direction du Livre et de La lecture .- Bibliothèques municipales. Bibliothèques départementales des départements d'outre-mer. Bibliothèques départementales de prêt : données 2000, p14
Allocution de Catherine Tasca .- Droit de prêt Rencontre avec les élus et les professionnels du livre et de la lecture, mardi 19 décembre 2000, http://www.culture.fr/culture/actualites/conferen/tasca-droitdepret.htm