4.3- La fixation du prix
Pour le calcul du prix lui-même, il existe des approches connues :
le prix de l’offre
qui fait intervenir les notions de coûts et de valeur ajoutée,
le prix de la demande
qui renvoie à une mesure de valeur d’usage,
le prix du marché
résultant de la rencontre des précédents et des contraintes de la concurrence. Cependant ces prix sont difficiles à appliquer dans une bibliothèque vue la spécificité du statut de service public et de la nature particulière du bien fourni. Laurent Hermel et Patrick Romagni (1990) confirment, ainsi, que pour la fixation du prix, les différentes approches devront, en fait, être utilisées de manière complémentaire.
En effet, la nature particulière de l’information a entraîné de grandes difficultés dans la définition de critères objectifs de tarification. L’information est intangible, volatile et reproductible. Elle est donc très difficile à saisir. Dès lors, les décideurs de la tarification des services d’information se sont retrouvés dans la difficulté à fixer un juste prix. Il est plus opérationnel d’étudier le service d’information que l’information elle-même
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Le service est un processus de production dont chacune des composantes a une valeur et un coût qui ne sont pas nécessairement perçus de la même manière de la part de l’usager ou du producteur. Pour ce dernier le coût de la prestation est le coût de l’ensemble des moyens mise en œuvre en charges fixes et variables et sa valeur est le coût du produit plus les gains qu’il génère. Pour l’usager le coût de la prestation est le prix qu’il paye pour avoir la prestation plus des frais engagés tels que les frais des déplacements. Sa valeur est la valeur ajoutée qu’il peut en espérer, moins les coûts d’utilisation
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Une fois que la décision de tarifer est prise, les tarifs peuvent être établis en fonction de plusieurs facteurs :
- le recouvrement des coûts : l’objectifs pour un établissement à but non lucratif est la couverture des coûts en tout ou en partie avec un profit égal à zéro. Les orientations des auteurs sont diverses. Pour certains, la détermination des prix doit l’être en fonction de la totalité des coûts annuels réels (incluant donc les coûts fixes (salaires du personnel, équipement, etc.). Pour d’autres, elle doit l’être en fonction seulement des coûts variables (frais de postage pour le PEB, frais de photocopie, etc.), c’est à dire ceux qui dépendent directement du volume annuel des opérations d’un service quelconque.
- Dans le domaine culturel, la tarification est loin de couvrir les frais engagés et un redressement très élevé risque de réduire la fréquentation. C’est pourquoi Annie Léon (1993) a réduit le problème de fixation du prix à une dialectique entre les coûts réels et les possibilités financières des usagers.
- la capacité pécuniaire des usagers et l’ampleur de la demande : les tarifs ne devront pas être élevés au point de décourager l’utilisation d’un service, c’est à dire développer une politique de tarifs pour éviter le déficit de la demande par rapport à l’offre (établir des tarifs en fonction du nombre d’usagers d’un service donné, du moment de l’utilisation ou encore de la localisation).
- les objectifs de la tarification : maintenir ou freiner l’accessibilité, empêcher l’exploitation abusive d’un service due à des tarifs trop faibles par rapport à l’intérêt réel que ce service représente pour sa clientèle, etc.
- la qualité et le volume du service assuré
- la comparaison avec d’autres sources et ainsi tenir compte de ce que l’usager aurait à payer ailleurs pour le même service
Par ailleurs, dans le domaine public, nombreuses sont les logiques que le secteur public doit pouvoir intégrer à sa réflexion sur les tarifs. Il s’agit principalement de
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La logique sociale ou dite de redistribution : le service public impose des règles de partage entre les différentes catégories sociales afin de permettre l’accès au plus démunis. La pratique de différenciation des prix en fonction du statut social illustre bien cette logique.
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La logique de responsabilité : le service public ne doit pas trop peser sur le contribuable. Il faut faire payer le bénéficiaire et ce en fonction de son utilisation. La tarification prouve sa démocratie par la différenciation des tarifs car les usagers n’en profitent pas de la même manière.
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La logique régulatrice : elle vise à réguler la consommation. Cette logique est employée dans deux cas : soit pour dissuader l’usager afin de limiter la consommation, soit à l’inverse, pour l’inciter en diminuant le prix. Ainsi, pour favoriser le lancement d’un service, la gratuité durant une période restreinte est parfois proposée.
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La logique de péréquation : il s’agit de rendre un service à un prix unique. C’est le cas de la lettre dont le prix est totalement déconnecté de la distance et donc du service réel. Ceux qui envoient une lettre à proximité payent donc pour ceux qui l’envoient à l’autre bout de la France.
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La logique de sanction : les infractions font l’objet d’un prix à payer par le contrevenant, ce qui doit l’inciter à respecter les règles.
Notes
96.
Voir les travaux de Daniel Eymard,1994 et de Françoise Benhamou,1997
97.
Bertrand Quatrebarbes.- Usagers ou clients ?.- Paris : Ed. d’organisation, 1998, p176
98.
Ces logiques ont été décrites par Laurent Hermel et Patrick Romagni (1990) ainsi que par Bertrand Quatrebarbes (1998) .