2.2- L'insertion des réseaux dans les bibliothèques

Nés durant les années 70, les réseaux de bibliothèques se sont développés pendant les années 80 avec la multiplication des logiciels de gestion de l’information mais aussi d'autres, plus généraux, pour lesquels les bibliothèques ont trouvé une adaptation. En effet, l’évolution des réseaux a toujours été dépendante de l’évolution technologique. Le fonctionnement en réseau à commencé au sein des bibliothèques ayant un même système informatique. Elles ont eu pour objectif l’élaboration d’une base bibliographique commune et, par conséquent, le catalogage partagé. Ainsi, les premiers réseaux regroupaient différentes bibliothèques de même type ou une bibliothèque et ses annexes.

Vers la fin des années 80, l’évolution de l’informatique a permis le regroupement de différents types de bibliothèques. Ainsi, les services destinés aux usagers se sont multipliés. Les avantages d’un réseau ont alors dépassé le seul regroupement autour d’une base de données commune. Il a permis d’aller au-delà d’une coopération autour du catalogage pour permettre d’intégrer d’autres services en faveur des usagers tel que l’apparition de PEB. En plus, d’une meilleure circulation des documents, il a pu ajouter la possibilité d’élaboration de politiques de conservation et d’acquisition commune.

Par ailleurs, le réseau qui fonctionne autour d’une base de données commune, d’un système unique et central est, selon l’expression de Alain Jacquesson (1995), “un rêve qui a été abandonné”. L’apparition du réseau Internet, qui a couronné les années 90 et la norme documentaire Z39.50 ont bouleversé l’environnement traditionnel des réseaux interbibliothèques. L’usager peut avoir accès aux fonds de différentes bibliothèques, sans que celles-ci possèdent le même système informatique ou les mêmes normes documentaires et sans qu’elles se regroupent non plus pour l’élaboration d’un catalogue collectif commun. La notion de l’espace perd ainsi son sens. L’usager a accès non pas uniquement à une information locale, régionale ou nationale mais aussi mondiale. Il n’a pas uniquement accès à une notice bibliographique mais aussi à un texte intégral.

Cette évolution montre bien l’extension géographique que peut avoir un réseau, né au sein d’un domaine géographique privé et limité et ayant aujourd’hui des ramifications aussi bien locales que nationales ou internationales. Il peut s’étendre aussi pour regrouper des structures de même nature ou de natures différentes sous une même tutelle ou sous des tutelles différentes, d’où l’appellation de réseaux hétérogènes et de réseaux homogènes.

Les objectifs visés par un réseau inter-bibliothèques sont divers et dépendent de l’intérêt de chacun. Claude Jolly (1995) a dégagé les objectifs suivants :

  • du point de vue de l'usager c'est la possibilité d'identifier et de localiser les documents existants sur des sites différents par un accès unifié ;
  • du point de vue professionnel, c'est la simplification des procédures bibliographiques ;
  • du point de vue des pouvoirs publics , il permet d’ « acquérir l'information déjà constituée au moindre coût » ;
  • du point de vue du système lui même , il permet la constitution judicieuse d’une base de données pour son alimentation et sa normalisation.

Il correspond ainsi, comme le signale Gérard Briand (1995), à plusieurs nécessités :

  • une nécessité bibliothéconomique,
  • une nécessité économique (le partage des coûts),
  • une nécessité politique et culturelle (l'information et le développement des échanges contribuent au progrès social ).

L'idée de réseau a permis aux bibliothèques, tout en s'associant, de partager les ressources, d’améliorer les performances de tous et de chacun. Les fonds documentaires sont alors plus équilibrés, plus diversifiés, etc. Le réseau a regroupé des professionnels de l’information de différentes spécialisations et formations, ce qui a permis un échange de compétences et par ailleurs une complémentarité professionnelle. Selon Alain Jacquesson (1995), “les réseaux ont permis aux bibliothèques d’aborder l’informatique sans crainte. Le savoir-faire de collègues a toujours été très rassurant”. De plus, le réseau a permis la diminution des tâches documentaires à l’instar du catalogage partagé, l’amélioration du niveau bibliographique c’est à dire des notices complètes et pertinentes, la valorisation et le dynamisme du travail documentaire (PEB, collaboration avec d’autres réseaux, d’autres bibliothèques de types différents, etc.), l’éloignement de l’individualisme et l’existence d’un “esprit réseau”, la réalisation d’une certaine économie d’échelle pour l’achat du matériel collectif ainsi que pour l’achat de documents, etc.

Cependant, il est fondamental, afin de mieux pouvoir identifier les apports réels des réseaux interbibliothèques, de ne pas s’arrêter à ses avantages. Laurence Santantonios (1995) affirme, à travers les résultats d’une enquête faite auprès du personnel travaillant en réseau, que leur travail s’avère plus conséquent et plus complexe qu’auparavant. 115

Les réseaux touchent de nombreux aspects au sein de la bibliothèque. Leur insertion suppose des adaptations de l'organisation et du management. Dès lors, nous nous intéresserons à détailler les effets de la coopération, et notamment ceux du réseau, sur la bibliothèque.

Notes
115.

C'est le tiers des personnels enquêtes qui a déclaré que « son travail est trouvé alourdi et plus complexe qu'auparavant. »